Politique VS Réalité

Comment évoluent les décisions politiques parallèlement aux avis des experts ?

Septennats de François Mitterand (1981-1995)

En 1981 a lieu la création des zones prioritaires par Alain Savary, ministre de l’Éducation Nationale de l’époque. La circulaire du 9 juillet 1981 précise l’objectif comme étant celui de : « corriger l’inégalité par le renforcement sélectif de l’action éducative dans les zones et dans les milieux sociaux où le taux d’échec scolaire est le plus élevé ». Ainsi l’éducation prioritaire part bien de l’action politique d’abord, mais vient également d’un constat fait par le gouvernement socialiste concernant les inégalités sociales en France au niveau de l’éducation. En cela, l’objectif premier correspond bien à ce qu’on peut appeler communément la « réalité du terrain ». Initialement, les choses à corriger sont donc uniquement de l’ordre de difficultés scolaires.

La circulaire du 7 décembre 1992, toujours sous la présidence de François Mitterand, évoque les directions du travail à effectuer. Elle insiste sur la maîtrise de la langue comme condition première à la réussite scolaire des élèves ainsi que sur l’amélioration de la situation des enseignants et du fonctionnement global. Déjà à l’époque, le critère de stabilité de l’équipe éducative est considéré pour évaluer l’efficacité des ZEP (en savoir plus sur les critères d’évaluation de l’éducation prioritaire). Afin de favoriser cette stabilité, des rémunérations attractives pour les enseignants et professionnels de l’éducation prioritaire avaient été mises en place en 1989-1990. Or, cette prime n’est même pas une demande des enseignants, mais bel et bien une mesure émanant directement du gouvernement, sans réel ancrage dans la réalité. De fait, Jean-Yves Rochex affirme même dans l’entretien qu’il nous a accordé :

 Si on fait sortir un établissement de ZEP, les enseignants perdent de l’argent, et comme n’importe quels salariés à qui l’on dit “Vous faites le même boulot mais vous gagnez moins’”, eh bien ils disent “Oh non”.

[L’Indemnité de Sujétion Spéciale] a été créée en 89. Tous les chercheurs qui ont été consultés ont dit qu’il ne fallait pas faire ça :  en Angleterre, ça n’a pas marché. Et puis la personne qui était au ministère à l’époque l’a fait. Elle s’en mord aujourd’hui les doigts.

La circulaire du 10 décembre 1992, met également en évidence le fait de devoir améliorer considérablement l’image qu’ont les ZEP. La question de la labellisation intervient déjà à cet instant.

Septennat de Jacques Chirac (1995-2002)

Plus tard, avec le rapport Moisan-Simon publié en 1997 et intitulé « Les Déterminants de la réussite scolaire en ZEP », les décisions politiques réagissent à cette évaluation scientifique avec la deuxième relance de l’éducation prioritaire, qui mènera à la création des REP, réseaux associant à des ZEP déjà existantes à des établissements voisins. Les politiques menées à cette époque se basent alors sur les rapports des spécialistes s’efforçant de rendre un constat objectif de l’état de l’éducation prioritaire en France. Le rapport est notamment établi après avoir analysé une cinquantaine de ZEP.

Quinquennat de François Hollande (2012-2017)

En janvier 2013, Vincent Peillon, ministre de l’Éducation nationale, et George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la Réussite éducative ont décidé la mise en place d’une évaluation de la politique d’éducation prioritaire. A l’issue de cette évaluation, quatorze mesures clés ont été établies dans la circulaire du 4 juin 2014. On remarque alors que les politiques se sont appuyés sur un constat à l’échelle nationale de ce qu’il se passait réellement à cette époque dans les REP. En ce sens, ils ne s’éloignent pas de la réalité et de ses besoins. Parmi ces mesures clés, la stabilité du personnel enseignant est mise en avant, comme ce que l’OZP souhaite encore aujourd’hui. Un accompagnement des élèves pour les devoirs est également préconisé, et la question du pilotage de la politique est discutée.

Marc Douaire a salué à l’issue de ce quinquennat une politique volontariste et une continuité dans l’action engagée, qui a pris en compte les constats provenant du terrain. Avec Didier Bargas, dans l’entretien que nous avons réalisé, ils apprécient tous les deux certaines initiatives telles que le dispositif « Plus de maîtres que de classes ». 

Campagne présidentielle 2017


L’éducation prioritaire n’est pas un axe majeur du débat proposé lors de la campagne de la présidentielle. Seuls Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon et le futur président de la République Emmanuel Macron y ont attaché un intérêt plus conséquent dans leurs programmes respectifs. Ces arguments de campagne ne sont néanmoins pas en phase avec la réalité des REP décrite par les différents spécialistes. En effet, les critères semblant être prédominants pour ces trois hommes politiques sont le nombre d’élèves par classe. Ils souhaitent tous réduire les effectifs par classe, non pas en diminuant le nombres d’établissements en ZEP mais en proposant un certain nombre de postes supplémentaires d’enseignants. Toutefois ces idées déjà établies ont été critiquées par les différentes parutions scientifiques comme le rapport Moisan-Simon car cet effectif diminué n’a pas beaucoup changé la situation. Les experts tels que Marc Douaire pensent que là n’est pas le critère le plus important.
Quels critères sont cités par les experts ? (en savoir plus…)

Ainsi, lors des périodes telles que la campagne présidentielle, chacun des candidats s’adressant au grand public s’éloignent de la technicité et de la difficulté de la situation décrite par les experts pour exposer des mesures phares.