Alors que l’automatisation totale des procédés d’achat et de vente d’espace publicitaire permise par le programmatique offre des possibilités d’optimisation inédites aux annonceurs, elle entraîne de nombreuses fraudes. Les annonceurs peuvent en effet difficilement assurer un suivi complet de la diffusion de leurs publicités.
« Selon l’UDA [Union Des Annonceurs], les publicités programmatiques, c’est-à-dire celles dont la mise en ligne, l’analyse et l’optimisation sont assistées par des algorithmes, sont particulièrement victimes de la fraude. »
Benjamin Lagues, « Jusqu’où ira la publicité en ligne », InaGlobal, 2017
Emmanuel Gavard révèle dans « Gafa : les annonceurs montent (encore) au créneau » (Stratégies, 2018) que des groupes tels que Procter & Gamble et Unilever s’insurgent contre les géants du net en les menaçant de retirer leurs publicités. La cause d’une telle pression concerne la fraude, le manque de transparence et les problématiques de brand safety (1). Cela est donc à l’origine de tensions entre les annonceurs et les éditeurs, les premiers n’ayant que peu de visibilité sur ce qui est effectivement réalisé chez les seconds.
« Le manque de transparence du programmatique pose un problème de confiance »
Sophie Poncin, dans « La publicité programmatique, l’arme fatale des annonceurs », Sylvain Rolland, La Tribune, 2016
En effet, les annonceurs peuvent être réticents à confier la diffusion de leurs campagnes publicitaires à des éditeurs desquels ils ne peuvent obtenir suffisamment de garanties sur ce qui est effectivement publié. Les agences média, telles que Publicis, jouent pour cela un rôle fondamental dans le conseil et l’assurance de démarches fiables pour les annonceurs.
Le rôle de Publicis
La problématique de confiance semblerait concerner avant tout, et à première vue, les internautes, qui ne se situent qu’au début et à la fin de la chaîne de production et diffusion de publicité sur Internet, et ne dispose donc que d’une vision très restreinte des processus intervenant entre les deux extrémités. Néanmoins, les annonceurs sont également confrontés à ce souci de transparence des procédés, sur lesquels ils n’ont pas d’emprise une fois leur publicité confiée aux éditeurs.
« La question n’est pas simplement la confiance des consommateurs qui reçoivent la publicité, mais aussi la confiance des annonceurs parce-que, sur le digital, il est compliqué pour un annonceur de savoir exactement comment on a investi son budget publicitaire et de savoir à quel endroit chacun de ses millions de contacts a été diffusé et auprès de quel acteur. »
Laure Debos, entretien avec Publicis
Pour redonner confiance aux annonceurs, Publicis propose notamment à ses clients une analyse de la qualité et de la pertinence des données d’audience, d’abord via une DMP (Data Management Platform) puis via leur propre DSP, qui active ces données.
« [La solution de l’agence média est de] développer [sa] propre plateforme de data, c’est-à-dire de sélectionner des partenaires qui vont avoir une data de qualité, qui sera compliant avec le RGPD [et le] ePrivacy, et qui est assez volumique pour être compétitive par rapport aux Gafa ».
Laure Debos, entretien avec Publicis
Publicis cherche par ces moyens à assurer aux annonceurs la transparence sur l’activation de leurs campagnes.
Une publicité responsable
Pour renforcer la confiance des annonceurs et poursuivre la lutte contre l’opacité des pratiques du programmatique, le label « Digital Ad Trust » a été mis en place par un regroupement d’organisations. Il est à l’initiative de l’UDA (Union Des Annonceurs) et est censé distinguer les sites adoptant des pratiques responsables concernant la mise en ligne de publicités. Les sites labellisés s’engagent autour de cinq grandes thématiques : le brand safety (1), la lutte contre la fraude, la visibilité, l’expérience utilisateur (réduction de l’encombrement publicitaire), ainsi que le respect des données personnelles des usagers.
« [Ce label] vise également à mieux qualifier et valoriser les contenus et contextes, l’expérience utilisateur, la data, la valeur de marques des éditeurs. »
Ouest-France, « Publicité digitale. Le site ouest-france.fr reconnu par les professionnels », 2018
L’objectif est donc à la fois d’améliorer les conditions de navigations des utilisateurs et d’assurer la protection de leurs données, mais aussi de pacifier les relations entre annonceurs et éditeurs de publicité. Il tend également à orienter le travail des éditeurs, qui devraient tendre, pour satisfaire les annonceurs, à améliorer toujours davantage la qualité de leur espace éditorial.
L’affirmation du cadre légal
Face à l’avènement du programmatique, le Ministère de l’Economie et des Finances et le Secrétaire d’Etat chargé du Numérique, renforcent les exigences de transparence dans les transactions d’espaces publicitaires et les mesures de lutte contre les fraudes. Le “Décret n°2017-159 du 9 février 2017 relatif aux prestations de publicité digitale” étend ainsi à la publicité en ligne les principes de la loi Sapin de 1993 sur la transparence des transactions publicitaires dans les médias traditionnels.
L’achat programmatique offre de grandes facilités aux fraudeurs :
« La moitié du trafic sur Internet serait généré par des robots et […] au moins la moitié des publicités ne seraient pas réellement vues par des humains mais gonfleraient artificiellement le marché. »
Véronique Richebois, « Le décret sur la transparence de la pub en ligne enfin publié », Les Echos, 2017
Face à ce constat, il est apparu nécessaire d’encadrer légalement ces nouveaux mécanismes de transaction. Dans un contexte d’achat en temps réel par un mécanisme d’enchères qui n’est pas toujours garanti, les vendeurs d’espaces publicitaires sont désormais tenus de transmettre des informations précises aux annonceurs sur la date et les emplacements de diffusion des publicités, ainsi que de donner les détails des factures des espaces publicitaires.
Inégalités entre petits et grands éditeurs
Motivations et contraintes
Motivations économiques des annonceurs
Les contraintes imposées par les internautes
(1) Le terme de brand safety désigne les pratiques permettant de s’assurer que la marque d’un annonceur n’apparaît pas dans des environnements qui pourraient présenter un risque pour son image (B. Bathelot, mars 2018, https://www.definitions-marketing.com/definition/brand-safety/)