S’il est un point qui fait relativement consensus chez les historiens, c’est l’existence d’une hérésie que l’on peut nommer « catharisme » dans certaines régions d’Europe à partir du XIème siècle tels que l’Italie du Nord ou le Rhénanie. La question des liens qu’entretenaient les hérétiques du Midi avec ces autres mouvements cathares, ainsi qu’avec d’autres mouvements tels que le bogomilisme, est néanmoins posée.
Une hérésie dualiste ?
Dualisme: Le dualisme est la croyance selon laquelle le monde est séparé par un ‘Bon Dieu’ et un ‘Mauvais Dieu’. Le catharisme italien étant lié au catholicisme, ces deux principes s’apparentent ainsi à Dieu et au Diable.
Cette croyance dualiste est pratiquée par plusieurs mouvements hérétiques d’Europe, mais la question se pose: les hérétiques du Midi de la France avaient-ils aussi une croyance dualiste ?
Cette question fait partie des points débattus par les historiens : une doctrine dualiste commune aux mouvements hérétiques d’Europe montrerait une homogénéité des croyances et donc accréditerait la thèse selon laquelle les hérétiques du Midi et les autres mouvements du reste de l’Europe seraient liés.
Quels liens avec le bogomilisme ?
Bogomilisme: Le bogomilisme est un mouvement dualiste de Bulgarie, datant de peu avant le mouvement d’hérétiques du Midi. Il marquait une opposition nette avec l’Église catholique.
Selon la théorie classique du catharisme, un mouvement hérite de l’autre. Bien que même au sein des historiens du catharisme ceci fait encore débat, ce serait le catharisme qui serait dérivé, ou du moins se serait inspiré, du bogomilisme qu’on retrouvait dans les Balkans (Zbíral 2010). On retrouverait d’ailleurs des indices laissant fortement suspecter un lien entre les mouvements : par exemple, on observe la mention de ‘in Bulgaria’ dans certaines sources ayant trait au catharisme du Midi (Shulevitz 2019). Parmi les sources faisant le lien entre catharisme et Bulgarie, on trouve la Charte de Niquinta, qui est l’une des sources les plus discutées quant à son authenticité. La corrélation entre les deux mouvements s’est faite tout naturellement, surtout compte tenu de leur proximité dans le temps et de leurs similitudes.
Quels liens avec le catharisme ailleurs en Europe ?
Le mouvement dit « cathare », selon les historiens de la théorie classique du catharisme, n’est pas du tout restreint à la France. Bien au contraire le gros du mouvement se retrouverait dans le reste de l’Europe, notamment en Italie. Pour cela, certains historiens préfèrent parler ‘des catharismes’ plutôt que ‘du catharisme’. Les grandes caractéristiques du mouvement cathare se retrouvent au XIème et XIIème siècles dans ce pays, c’est-à-dire un caractère dualiste, une réinterprétation de la Bible par rapport au catholicisme, et une opposition à l’hégémonie de l’Église. Il est à noter que l’existence de ces catharismes est plus ou moins acceptée par l’ensemble des historiens, notamment en Italie où on retrouve un nombre bien plus important de sources d’époque qui ne laisse que très peu douter de leur existence (Jimenez Sanchez 2003). Mais encore une fois, comment relier ce mouvement cathare avec les hérétiques du Midi ?
Plusieurs liens sont possibles :
- Les cathares de France hériteraient du catharisme Italien :
Le mouvement d’hérétiques qu’on retrouve dans le Midi de la France et qu’on appellera éventuellement ‘catharisme’ dériverait en fait des idéaux du catharisme italien. On ne peut affirmer avec certitude si ce furent des missionnaires italiens qui apportèrent le mouvement dans le Midi ou si ces derniers se sont simplement inspirés des italiens, mais le lien de parenté entre les mouvements serait clair selon les historiens du catharisme classique (Jimenez Sanchez 2003).
- Les cathares Italien auraient invité les cathares Français lors de leur persécution :
Selon les historiens du catharisme classique, il y aurait eu une invitation de la part des cathares italien aux hérétiques du Midi lors de leur persécution par l’Inquisition. Ceci renforcerait fortement l’idée qu’il existait un lien fort entre les deux mouvements qui communiquaient entre eux et se considéraient comme des mouvements frères (Jimenez Sanchez 2003).
Néanmoins, la controverse porte véritablement sur la possibilité d’un mouvement cathare dans le Midi – et c’est sur ce point là que les historiens se déchirent, entre partisans d’un catharisme d’un point de vue traditionnel et sceptiques.