Interview Roland Goigoux

Vous affirmez que les recherches neuroscientifiques ne peuvent ni valider ni invalider une quelconque méthode de lecture. Selon vous, que peuvent dire les neurosciences à propos de ces méthodes ?

Lors de la journée organisée au Collège de France, au moment de la « clôture » de la polémique sur la lecture vers début décembre, deux scientifiques F. Ramus, chercheur au laboratoire de Polytechnique, et Stanislas Dehaene, de l’Académie des Sciences, ont remis les pendules à l’heure et ont repris ce que j’avais préalablement écrit dans des textes parus tout d’abord sur Internet, puis dans le Monde de l’Education : ils disent clairement que l’on ne peut pas déduire des données sur les neurosciences une quelconque modalité d’intervention pédagogique préférentielle. Ce n’est pas seulement moi qui le dis !

Je l’ai dit assez fort et assez tôt, parce que je savais que M. de Robien était en train de s’appuyer sur des références qui n’étaient pas valides, ce qu’il fallait dénoncer. Mais ensuite, fort heureusement, j’ai été rejoint par toute la communauté.

 

Ce que l’on peut tirer néanmoins des neurosciences, ce sont des éléments sur le fonctionnement du cerveau, des éléments sur les opérations intellectuelles, mais malheureusement aujourd’hui, très peu sur le développement ou sur l’apprentissage.[...]

Les travaux sur les pathologies, notamment sur la dyslexie, nous ont beaucoup appris sur le fonctionnement normal du cerveau, par analyse du fonctionnement anormal, troublé. Donc, il y a une grande richesse sur le fonctionnement. Et ces études sur le fonctionnement cérébral ont pu nous donner des indications sur le fait, par exemple, qu’il y avait bien, quand on lisait, une médiation phonologique. C'est-à-dire que même si l’œil traite le message, et qu’on n’a pas conscience du passage par une forme « phonologique », il y a des activations phonologiques, même dans la lecture qu’on appelle la plus visuelle. Voilà des résultats qui viennent des neurosciences.

Simplement ça ne nous dit rien sur comment ces mécanismes s’installent, comment ils se développent, et surtout encore moins quels types d’intervention pédagogique permettent de les solliciter, ou de les mettre en place.[...] C’est la que les entrées didactiques entrent en jeu, et c’est là que les données des neurosciences s’arrêtent.

 

Vous avez pourtant mené des études « comparatives », je pense notamment à celles sur les méthodes idéovisuelle et phoniques…

Là, on n’est plus du tout dans l’univers des neurosciences, on se trouve du côté d’un contrôle de variables pédagogiques et d’une mesure d’impact sur les apprentissages des élèves. C’est une autre littérature de recherche, qui est dans le champ des sciences de l’éducation essentiellement. Le ministre s’est beaucoup appuyé sur des travaux de ce type qui étaient des travaux nord américains. Franck Ramus disait d’ailleurs devant l’Académie des Sciences que malheureusement en langue française, on n’avait que deux travaux un peu solides et fiables de cette famille, et d’ailleurs un des deux était le mien.

 

Et l’autre ?

Il s’agissait de travaux belges…

 

Content et Leybaert ?

Non[...].

Pour moi l'Etude de « Content et Leybaert » est intéressante parce qu’ils disent des choses qui sont justement en quelque sorte en contradiction avec les postulats du parti des cognitivistes. Et, dans un débat que nous avons eu avec Ramus et Sprenger Charolles, ils refusaient de prendre tout à fait au sérieux cette étude, considérant qu’elle n’était pas statistiquement valide.

 

Il n’y a pas eu des travaux canadiens, québécois 

Non, en langue française, on n’a pas l’équivalent de travaux qui contrôlent suffisamment bien les variables didactiques et les mettent suffisamment rigoureusement en rapport avec les progrès des élèves.

Ce qui est vraiment très intéressant, c’est que quand on regarde la littérature nord-américaine, on s’aperçoit que les résultats qu’on obtient sont à l’encontre de ce que M. De Robien leur faisait dire. Ce que disent ces travaux nord américains, parmis ceux qui sont les plus valides, est que, comme je l’avais trouvé, si l’enseignement ne prend pas en charge l’enseignement des correspondances entre les lettres et les sons, appelez ça « déchiffrage » si vous voulez, alors les élèves sont pénalisés. Il ne fait aucun doute qu’une pédagogie qui ne prendrait pas cela en charge pénalise les élèves. Sur ce point nous sommes tous d’accord; il n’y a guère que Jean Foucambert et Eveline Charmeux qui ne sont pas d’accord.

La question est de savoir : comment enseigner ces correspondances entre les lettres et les sons? Ce que décrivent les synthèses des revues nord-américaines comme ce qui semble optimum en terme de pratique pédagogique correspond en gros à ce qu’on utilise en France, ce qui correspond au programme de 2002, c'est-à-dire que je j’appelle personnellement les méthodes intégratives, les méthodes « interactives » où il y a à la fois un travail de décomposition des mots, et un travail de recomposition. Il faut combiner les éléments d’analyse et de synthèse, ce que disent les psychologues cognitivistes avec force.

En réalité, quand on prenait les travaux nord-américains, les conclusions auxquelles ils arrivaient validaient plutôt les pratiques dominantes en France. Ma colère était de voir comment M. de Robien manipulait les médias en prétendant que les travaux américains validaient les méthodes syllabiques, puisque lui, comme cela l'arrangeait, appelait « méthodes syllabiques » toutes les méthodes qui enseignaient les correspondances entre les lettres et les sons.

 

Pensez vous que le ministre répondait à un certain « lobbying », avec notamment tous les sites du type « Sauvez les lettres », et les groupements d’enseignants et/ou de parents qui semblent avoir un peu peur et souhaitent revenir à la syllabique...?

L’explication de pourquoi le ministre a fait ce qu’il a fait est compliquée et je pense qu’il y a de multiples raisons.

Est-ce qu’ils répondait à ce lobbys ? Ce qui est sûr en tout cas, c’est qu’il s’est appuyé sur eux, et qu’ils avaient de l’influence sur lui. Vous n’avez qu’à regarder l’émission de télévision où M. Brighelli était en face du ministre, on sentait bien la connivence qui les reliait. Il est évident que, de ce point de vue, il y avait eu un travail de lobby réussi. Y compris le lobby le plus sauvage, celui de cette association qui a appelé à la délation, que le ministre a mis trois semaines à dénoncer, quand il a compris que c’était suicidaire politiquement. Il l’a compris à mon avis un peu tard, ça lui a coûté très cher…

Les premières paroles de M. Darcos, le nouveau ministre de l’Education Nationale à la radio le week-end dernier ont été : « Je ne serai pas l’inspecteur des méthodes, je serai le ministre de l’évaluation des résultats. ». Il y a une complète bascule idéologique entre une politique type « de Robien » qui était : « le ministre va vous dire comment vous devez faire la classe, le premier jour de CP, le deuxième etc… » et une politique de type « aux enseignants la responsabilité de choisir leurs outils et leur méthode, c’est leur métier et leur responsabilité », ce que je défends tout à fait. [...]

 

Vous pensez donc que les instituteurs n’avaient pas été suffisamment considérés par Gilles de Robien ?

Très clairement. Je crois que la manière dont il a conduit ce genre d’affaires était objectivement très méprisante pour les professionnels. J’ai personnellement beaucoup travaillé au contact des enseignants qui ont trouvé odieux cette manière de faire. [...]

Il y a des caricatures du métier qui fragilisent beaucoup, et les enseignants le savent car ils ont vu l’effet sur les parents d’élèves. Une partie des parents d’élèves s’est mise à douter encore plus, et une autre partie est devenue franchement intrusive. C’était d’ailleurs, au passage, un des objectifs de M. de Robien… Pour moi, ce n’est pas anecdotique, c’est un peu le fond de l’affaire.

J’ai eu un débat, avec M. Gest, qui est un député de la Somme, sur E-télé. M. Gest est un ami de M. de Robien, c’est un député qui a demandé aux maires de sa circonscription de ne pas signer les bons d’achat de livres que les instituteurs voulaient acheter s'ils ne correspondaient pas à des méthodes syllabiques. On note là l’intrusion du politique dans la pédagogie.

M. Gest m’explique, un peu sur le plateau de E-télé, mais surtout avec les journalistes en off, qu’il déplore qu’un ministre comme M. de Robien n’arrive pas à imposer aux enseignants ce qu’il veut. [Il témoigne de l'] agacement des gens qui pensent que le politique devrait pouvoir piloter l’école en direct et qu’il faut trouver d’autre moyens de peser sur les détails des pratiques pédagogiques [...]

Encore une fois, cela ne veut pas dire que sur le plan de la lecture il n’y a pas de vraies belles questions qui sont posées et qu’il n’y a pas des débats à avoir. Mais c’est d’autant plus agaçant que je faisais personnellement partie des chercheurs qui n’étaient pas du tout dans une sorte d’immobilisme[...] et que je faisais partie des gens au cœur d’un consensus dans l’évolution. On n’est pas du tout dans une défense bec et ongles de méthodes… Il faut le dire franchement, dans les années 80, des erreurs ont été faites, par des chercheurs, les corps d’inspection, les programmes, c’est vrai. Simplement, et ça M. de Robien ne le savait pas, elles étaient corrigées depuis les années 95-2000. Il avait 10 ans de retard !

 

Selon vous quel devrait être le rôle de l’Etat, au niveau de l’éducation ?

Je pense qu’il est forcément dans la définition des objectifs, dans les éléments de régulation du système, avec la question de l’évaluation. Je crois qu’il y a une autre responsabilité, qui est celle de produire de la connaissance pour améliorer les techniques pédagogiques. Et cette connaissance ne peut être produite que par la recherche.

Or, quand on a fait l’inventaire avec Ramus et Sprenger-Charolles du très petit nombre d’études sur ce genre de questions, il faut mettre ça en rapport avec l’absence totale de pilotage, d’une politique de la recherche en éducation en France.

[...]Voilà un rôle de l’Etat majeur. C’est une responsabilité majeure qui n’est absolument pas assumée, dans les 20 dernières années, ni droite ni gauche, il n’y en a pas un qui organisé une politique scientifique digne de ce nom [...] qui éviterait que sur ce genre de questions, n’importe qui dise n’importe quoi avec du bon sens qui relève à peu près du niveau du Café du Commerce. [...]

Le système éducatif est piloté en père de famille. C’est sans doute médiatiquement assez vendable, mais c’est sur le plan d’une rationalité de la science évidemment catastrophique. [...]

 

Pensez vous que la communication entre les scientifiques et tout ce qui relève des pédagogues est suffisante ?

Je pense que ce n’est pas un problème majeur de communication.[...]. Sans doute est-elle insuffisante… Mais encore une fois, augmenter la communication, si vous n’augmentez pas la connaissance à transmettre, ça ne sert pas à grand chose.

Les médias, lorsqu’ils se sont emparés de ce sujet, ont passé leur temps au téléphone avec toutes sortes de chercheurs. Mais tous les chercheurs peuvent avoir un avis de père de famille sur cette question ! [...] On voit bien que, entre ce qui était leur objet d’étude, l’accès au lexique mental dans les 120 premières millisecondes de la prise d’information visuelle, et l’action pédagogique, il y a des mondes. C’est quand on va chercher une information qu’on croit être plus dure parce qu’elle l’est techniquement, sur le plan scientifique, que les chercheurs font un très « mauvais travail » d’un certain côté parce qu’ils n’ont pas du tout pensé qu’il n’y avait quasiment aucune conséquence directe entre l’accès lexical des 120 premières millisecondes et le choix de ce qu’on fait dans une classe avec 25 gamins pendant toute une année.

Et ces dénivelés d’échelles supposent plus qu’une simple communication entre les chercheurs et les pédagogues. Cela suppose surtout d’autres recherches sur les pratiques et sur leur impact. Et c’est un tout autre univers de recherche qui aujourd’hui n’est pas du tout financé.

 

Je reviens sur ce que vous disiez à propos des psychologues, en élargissant un peu le cercle des protagonistes : quel poids donneriez-vous aux déclarations et aux positions des orthophonistes et des grammairiens, j’entends par là Charmeux, Meirieu, Foucambert, sur la question ?

Orthophoniste est un métier de rééducation. Les orthophonistes sont en général très sensibles aux aspects du code et du déchiffrage, parce que les élèves qui leur sont confiés ont de graves difficultés dans ce registre-là. Ils ont été mobilisés par Gilles de Robien qui disaient que les orthophonistes étaient d’accord avec lui, et c’est leur fédération nationale qui a fait un démenti pour dire que les orthophonistes ne soutiennent pas les positions de M. de Robien.

Quand vous parlez de Mme Charmeux, c’est tout autre chose. Mme Charmeux est à la retraite depuis 10 ou 15 ans et faisait partie des gens, avec M. Foucambert, qui dans les années 75-80, défendaient une vision de la lecture qu’aujourd’hui on pourrait appeler « globale », moi je dirais qu’elle était surtout idéovisuelle. Elle faisait partie des gens qui pensaient qu’il ne fallait pas enseigner le déchiffrage, parce que ça compromettait la qualité de la compréhension. Depuis, cette thèse là s’est écroulée, elle est fausse, c’est une erreur. En revanche, Mme Charmeux, elle, n’a pas bougé, elle dit toujours la même chose.

Aujourd’hui, dans le monde pédagogique et enseignant, elle a une influence minime, pour ne pas dire marginale. Simplement, comme elle n’hésitait pas à prendre la parole, haut et fort, et que les médias sont beaucoup allés la solliciter, elle s’est de nouveau retrouvée propulsée au premier plan, parce que d’une certaine manière, elle était le héros de la méthode globale.

Puisque les médias avaient choisis, avec M. de Robien, de nous réorganiser un grand débat entre la syllabique et la globale, il fallait bien trouver quelqu’un qui puisse, s’une certaine manière, porter la globale. Ils ont trouvé Mme Charmeux.

J’ai été contacté par France Inter, à un moment où ils organisent un débat à la fin de l’été dernier dans une émission polémique, de « controverse organisée », qui passait tous les jours entre 12 et 13h, mettant face à face le pour et le contre, le blanc et le noir à propos d’une question, le gentil et le méchant. Ils ont fait une émission sur la lecture. Ils ont pris Rachel Boutonnet, une jeune instit qui venait de faire un bouquin au vitriol contre l’IUFM pour défendre la méthode syllabique, et ils ont mis de l’autre côté Eveline Charmeux qui défendait ce qu’elle avait fait dans les écoles Normales dans les années 80.

J’ai discuté avec les journalistes en leur disant « mais vous êtes fous, vous êtes en train de réinventer un débat qui n’existe plus dans les écoles entre une syllabique extrême d’un côté, et une pédagogie globale absolue de l’autre, mais ces gens là représentent respectivement 1 à 2% des classes préparatoires en France !! Vous laissez 95 ou 98% des classes non représentées !! Vous êtes en train de parler de choses totalement extrêmes ! ». Et les journalistes me répondent « Ah oui, c’est ça notre émission, c’est ça qu’on veut. On veut que ça saigne, on veut qu’il y ait du blanc et du noir, on veut la Reine de l’information avec les « pour » et les « contre » ! ».

Je suis personnellement catastrophé de ce niveau là, du fait que l’on est capable de construire médiatiquement des caricatures parce que c’est plus facile, parce que tout le monde comprend bien qu’il y a une manière de voir, une manière opposée.

Mais la réalité c’est que 95% des choses sont tout autre chose, qui n’est ni l’un, ni l’autre. Moi, ce qui m’a beaucoup affligé pendant toute cette campagne, c’est la paresse intellectuelle d’oser les complexités, d’aller chercher les nuances. Pour décrire les pratiques pédagogiques aujourd’hui, je pense qu’il faut avoir une dizaine de paramètres, pour pouvoir décrire les manières de faire sur une sorte de « « nuancier », qui passe du gris clair au gris foncé avec tout une sorte de dosages intermédiaires. Et qui dit dosage, dit paramètres, pas seulement un qui ferait l’opposition globale/syllabique. Mais c’est cette caricature là qui rend les gens idiots, qui dresse les parents contre les instituteurs, qui empêche de raisonner et de progresser. C’est une caricature qui me paraît avoir été largement manipulée pendant ces derniers mois.

 

Pour faire un petit résumé, quelles conclusions tireriez-vous personnellement de vos recherches ?

Je souhaite monter une très grosse recherche, le projet va être soumis à l’ANR, et on va voir si on peut trouver des financements. Ce projet consiste à dire que, si on a une dizaine de critères qui permettent de faire la différence entre les pratiques effectivement mises en œuvre dans les classes, alors, prenons le risque de travailler pendant 2 ans avec un millier de classes, observons comment les gens se situent sur ces dix critères, évaluons les élèves à l’entrée et à la sortie et on en sortira une information valide sur les dosages techniques les plus performants.

Ma première réponse est donc : faisons cette recherche qui nous manque tant. Deuxième réponse, moi personnellement, j’ai des hypothèses, nourries par toute une série de travaux antérieurs, qui nous donnent des points de repères, mais qui ne permettent pas de répondre à la question.

Une de ces hypothèses est l’existence de seuils en dessous desquels, si vous n’enseignez pas telle et telle chose, ça pénalise les élèves. Par exemple, si vous n’enseignez pas suffisamment d’éléments sur la phonologie, sur l’analyse des sons du langage, alors, les élèves de CP les plus fragiles sont pénalisés. Deuxième hypothèse, si vous ne travaillez pas assez sur des activités d’écriture en même temps que sur des activités de lecture, alors les élèves sont pénalisés. Ce sont donc des hypothèses de seuil, ce n’est pas « il faut faire ça et pas ça », mais « jusqu’à quel point on peut le faire, jusqu’à quel point il faut le faire, quelle est la fourchette dans laquelle se situe probablement une zone optimale ? ». Il faut l’existence de ces zones.

[...] Voilà comment je raisonne sur ces rapports entre pratiques et efficacité. On a un certain nombre d’indices sur cette question, qui amènent les chercheurs à faire des propositions, mais objectivement, le meilleur dosage, on ne l'a pas, peut être déjà parce qu’il n’y en a pas un seul. Mais surtout on n’a pas de travaux d’assez grande ampleur qui manient simultanément plusieurs critères. C’est comme si vous aviez une console de mixage devant vous, avec plein de boutons qu’on monte et qu’on descend. Pour faire un son de bonne qualité, vous avez plusieurs modalités de réglage, en jouant sur plusieurs paramètres en même temps. Il y en a des meilleurs que les autres, mais si vous ne prenez qu’un seul critère en vous disant que c’est là que sont le bien et le mal, vous êtes à côté de la plaque.

 

Pour finir, pensez-vous que la sincérité de cos formulation aurait pu vous nuire au niveau de vos recherches ?

C’est une question que je ne me pose pas, car je ne peux pas imaginer qu’on soit dans un pays où un universitaire qui fait honnêtement son travail puisse être persécuté.

J’ai toujours considéré que j’avais deux points de repères : est-ce que j’étais fiable par rapport aux données scientifiques? Là, la meilleure validation a été le soutien de la communauté universitaire, toutes sensibilités pédagogiques confondues, qui disaient « non, le travail et la réflexion de Goigoux sont sérieux ». Le premier critère c’est donc, est ce que ce que je raconte tient sur le plan scientifique?

Le deuxième critère est, est-ce respectueux de la loi ? La loi ici, ça veut dire les programmes. Moi j’étais doublement respectueux et de la science et des programmes. Je n’étais pas loyal au ministre. Mais doit-on être loyal à la personne de ministre, alors que c’est lui-même, et on l’entend à la télévision, à la radio, qui dit le contraire de ce qui est écrit dans la loi ? Le premier à ne pas être fidèle à la loi, c’était lui. Mais à partir du moment où je suis fidèle à la République d’un côté et à la Science de l’autre, je n’ai plus aucun état d’âme, je me sens tout à fait libre de ma parole, sans aucune retenue.

Evidemment ça coûte… J’étais chargé d’une formation des inspecteurs, bon ils m’ont débarqué, ils m’ont débarqué ! Au moins, ça a eu l’avantage de montrer que cette formation n’était pas déterminée sur des critères scientifiques, mais sur des critères idéologiques. Au moins, ça a fait apparaître la réalité d’une formation qui n’avait d’universitaire que le nom, et qui est en réalité tenue par la ligne hiérarchique. Si on veut former des enseignants uniquement par une hiérarchie et sans le crédit de l’autonomie de l’université, c’est un choix, autant qu’il soit clair et connu de tous. Cette histoire a permis de mettre ça en évidence, nos inspecteurs sont formés selon des critères idéologiques et pas du tout sur des critères scientifiques.

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