L’arrachage des 400 000 ha tel qu’il est présenté dans le projet de réforme de la Commission Européenne peut il solutionner la crise viticole actuelle ? Présentation et analyse des opinions sur cet arrachage en Languedoc Roussillon.
Tout d’abord, intéressons nous aux différents arguments de la Commission Européenne qui a proposé ce projet de réforme dans lequel figure l’arrachage définitif des 400 000 ha. Selon une étude d’impact des différents scénarii, pour la Commission Européenne, « l’option 2 [cf tableau des différents scénarii proposés, l’option 2 correspond au scénario le plus privilégié] permettrait l’absorption la plus harmonieuse et la plus rapide des excédents vitivinicoles, car elle mettrait l’accent sur la réduction du potentiel de production (programme d’arrachage des vignes) et favoriserait l’adaptation structurelle du secteur. »
Pour plus d’information sur les arguments et analyse de la Commission Européenne, le lecteur pourra se reporter au site présentant le rapport d’impact de la réforme selon les 4 scénarii proposés.
Tout d’abord, intéressons nous aux différents arguments de la Commission Européenne qui a proposé ce projet de réforme dans lequel figure l’arrachage définitif des 400 000 ha. Selon une étude d’impact des différents scénarii, pour la Commission Européenne, « l’option 2 [cf tableau des différents scénarii proposés, l’option 2 correspond au scénario le plus privilégié] permettrait l’absorption la plus harmonieuse et la plus rapide des excédents vitivinicoles, car elle mettrait l’accent sur la réduction du potentiel de production (programme d’arrachage des vignes) et favoriserait l’adaptation structurelle du secteur. »
Pour plus d’information sur les arguments et analyse de la Commission Européenne, le lecteur pourra se reporter au site présentant le rapport d’impact de la réforme selon les 4 scénarii proposés, résumé par le tableaux suivant.
Mais cette réforme nous l’avons vu a été largement soumise à controverse au sens où chacun prend position après analyse des conséquences.
Tout d’abord, dès l’annonce de la proposition de la Commission Européenne, les pays membres de l’Union Européenne ont rapidement pris position. Il y a eu divers points de contestation :
Tout d’abord, il y a eu de nombreux clivages entre les pays producteurs: France, Italie, Espagne, Chypre, Luxembourg, Espagne, Hongrie, Malte, Portugal et Autriche - et les pays consommateurs, comme la Grande-Bretagne, sur l'ampleur des mesures à prendre. Il faut noter que l’Allemagne occupe une positions à part parmi les producteurs, puisqu'elle estime que son vignoble, dont les produits trouvent aisément preneur, ne devrait pas être arraché. L'Italie quant à elle exige de maintenir le mécanisme des distillations pour éponger le marché des vins de mauvaise qualité: ce système coûte pourtant 500 millions d'euros par an sur un budget de quelques 1,3 milliard au total pour le vin. Enfin, l’Espagne craint une désertification de certaines régions d'autant plus selon elle, le montant des primes est serait très incitateur pour l'arrachage. Dans ce pays où la prime d'arrachage définitif n'est actuellement pas en vigueur, on craint l'arrachage de 200 000 ha, en premier lieu dans la Mancha, du fait du montant très attractif de la prime par rapport au revenu/hectare dans ce pays.
D'autres disent que l'Espagne pourrait arracher jusqu'à 400 000 ha s'il n'y a pas de quote-part par pays. Ce qui entraînerait la désertification de zones de production où il n'y guère d'alternative à la vigne.
D’où finalement des clivages concernant les quotas par pays : tous souhaitent que des quantités à arracher soit définies par pays.
Mais d’une manière plus locale :
Il est important de remarquer qu’une partie des acteurs n’est pas nécessairement opposée à l’arrachage définitif de vignes en Europe. En revanche, beaucoup sont opposés à la manière dont la Commission Européenne souhaite mettre en place cet arrachage. Les polémiques portent donc finalement sur la quantité de vignes à arracher et sur la durée de la campagne d’arrachage, de manière à minimiser les conséquences négatives. Compte tenu du fait que l’arrachage est basé sur le volontariat, le moteur des arrachages est donc les primes. Il faut ajouter au problème du volontariat, le problème du « free riding » que beaucoup soulignent. Le free riding correspond à l’attitude qui consiste à attendre que les autres agissent avant d’agir soi-même, donc finalement, on espère que les autres agiront avant pour ne pas avoir à le faire. La seule manière de sortir de cette attitude qui mène à l’immobilisme est d’avoir des primes incitatives. Les discussions sur la manière de gérer l’arrachage se traduisent donc souvent par des contestations au niveau du montant des primes et sur la manière dont elles sont redistribuées.
Mais intéressons nous aux opinions des différents acteurs, en nous dirigeant vers les plus opposés à la réforme.
Tout d’abord intéressons nous à la position des Vignerons Indépendants de France, dont celle de leur représentant M. De Volontat. Selon lui, l’arrachage est un mal nécessaire. Il nous explique sa position : « L’arrachage est malheureusement pour moi un mal nécessaire. C’est toujours dommage de perdre du potentiel de production car comme je le disais tout à l’heure le marché devrait bientôt s’auto équilibrer. Il est dommage que certains arrachent, dans le Languedoc mais pas seulement, alors que d’autres vont planter, ce qui est une réalité. Il est triste de perdre du potentiel qui normalement sur le marché final a sa sortie. Mais l’arrachage est un mal nécessaire car on a aujourd’hui des entreprises qui ne sont pas adaptées à la production d’un type de vin et ne s’adapteront pas. C’est quelque part un constat de faiblesse qu’il faut savoir reconnaître et utiliser. On a dans le Languedoc déjà connu l’arrachage il y a 15 ou 20 ans ce qui a permis de solutionner certains problèmes plus psychologiques que financiers de certaines entreprises. » Finalement, nous voyons à la lumière des propos sur les conséquences de l’arrachage que malgré les conséquences dramatiques que M. De Volontat reconnaît, il estime qu’une campagne d’arrachage définitif des vignes est nécessaire.
Cependant, il nous a quand même précisé son désaccord avec certains points de la réforme. Pour lui, « pour réussir ce mal nécessaire de l’arrachage, il faut le faire sur une courte durée, avec un montant réévalué d’une année sur l’autre », c'est-à-dire, important la première année de manière à le rendre incitatif, puis réévalué chaque année de manière à ce que les vignerons et viticulteurs arrachent la première année pour solutionner au plus vite la crise. Mais il insiste aussi, comme c’est le cas pour une majorité de personnes, sur le fait qu’il faille mettre des structures en place pour éviter d’arracher les bonnes parcelles. Pour lui, une mauvaise parcelle est avant tout une parcelle qui produit du vin qui n’est plus adapté au marché.
Mais M. de Volontat insiste aussi largement sur le problème du marketing. Pour lui, l’arrachage est nécessaire, mais sans une relance de l’aval de la filière et un effort de marketing, cela ne servira à rien. Le problème du marketing est largement lui aussi récurrent dans la controverse sur l’arrachage. Pour tous, renforcer le marketing est primordial pour pouvoir espérer une relance de l’économie viticole. Or tous les acteurs déplorent le fait qu’il n’y ait aucun élément sur le développement du marketing dans le projet de réforme.
Finalement, la position des VIF peut être résumer par les propos de M. De Volontat lui-même : « Ce qui est sûr, c’est que nous tenterons d’adopter les réformes pour que les entreprises s’adaptent plutôt que de tout refuser en bloc. Nous sommes dans une attitude constructive. Comme le préconise Mariann Fisher Boel, nous approuvons l’arrachage définitif mais dans le cadre de la conditionnalité. Il faut que la réforme soit rapide, deux à trois ans, afin qu’elle soit incitative. » (Source, paysans du midi, 20 avril 2007). Il faut avoir conscience du fait qu’il ne faut pas prendre les propos du porte parole du syndicat comme généralisation des opinions de l’ensemble des membres du syndicat, mais il faut tout de même admettre que cela donne une bonne idée des opinions majoritaires. D’autant plus que M. De Volontat a été réélu courant avril 2007.
Il faut remarquer qu’il existe de nombreux syndicats. Parmi les plus influents, nous trouvons ceux qui figurent dans la catégorie acteurs. Pour ce qui est de leur opinion concernant l’arrachage et la réforme de l’OCM, leur position rejoint, d’une manière générale celle des VIF. Pour ce qui est par exemple du CCVF, son président affirme qu’il faut négocier avec la Commission Européenne de manière à ce l’on aboutisse à un arrachage intelligent. Cet argument est très récurrent dans les propos des acteurs comme nous l’avons expliqué plus haut, car beaucoup craignent un arrachage trop massif, qui pourrait être à l’origine de la destruction du patrimoine.
La FNSEA (dont les jeunes agriculteurs (JA)) s’affirment quant à eux de manière plus ferme : ils ont mené des actions pour s’opposer à la réforme de l’OCM. Ils déclarent « Nos organisations rappellent que le préalable à toute réforme est l’assainissement du marché par la suppression de ses excédents conjoncturels et non l’arrachage massif de vignobles et la destruction de l’emploi.
Nous dénonçons une proposition qui ne répond pas aux attentes de la filière européenne, attentes formulées lors du séminaire organisé par la Commission elle-même en février dernier. Notre priorité est la mobilisation de moyens pour favoriser la reconquête des marchés. La proposition de la Commission viserait à supprimer tous les instruments de gestion du marché et les crédits correspondants. Elle n’apporterait aucun moyen significatif supplémentaire à la filière sur la promotion et les aides à la commercialisation, pourtant primordiales.
Nous déplorons ensuite la vision extrêmement libérale de la proposition et le risque de dérive vers une viticulture de type industriel. Retrouver de la compétitivité est essentiel mais cela ne peut en aucun cas se concevoir au détriment d’une exigence de qualité et d’authenticité des vins. »
Finalement, nous remarquons peu à peu que certaines personnes sont fondamentalement opposées à l’arrachage notamment parmi les viticulteurs. Par exemple, pour les viticulteurs que nous avons rencontrés, l’arrachage serait pour eux un désastre et ne solutionnerait en rien la crise. Pour eux, l’arrachage tel que proposé dans la réforme est un danger pour l’agriculture à tous points de vue. Mais surtout, ils ont insisté sur le fait que pour eux, ce sont les gros rendements qu’il faut arracher, (ils sont eux producteurs de vin AOC, c'est-à-dire produit avec des vignes à faible rendement et donc théoriquement de meilleure qualité). Or, comme nous l’avons déjà expliqué il y a ici un paradoxe de taille que nous confirme M. et Mme Berges : pour eux, les « gros rendements » sont les plus résistants et donc ceux qui arrachent en dernier. Finalement, ils pensent que l’arrachage préconisé par la Commission Européenne ne permettra pas de solutionner le problème de la surproduction mais au contraire, risque de mettre en danger le potentiel de production du vignoble.
Mais comme nous l’avons dit, il y a ici une importante controverse sur ce qu’il faut arracher. En effet, M. Montaigne, même s’il est lui aussi complètement opposé au projet de réforme de l’OCM concernant l’arrachage, n’a pas du tout la même opinion concernant les parcelles à arracher. En effet, pour lui les parcelles à maintenir sont au contraire les gros rendements (à condition bien évidemment qu’elles produisent des vins adaptés au marché). D’une manière générale, M. Montaigne, à la vue des conséquences dramatiques à tout point de vue selon lui, est contre l’attitude générale que souhaite adopter la Commission Européenne concernant le vin. Contre la surproduction actuelle, M. Montaigne ne désire en aucun cas arracher de manière indifférencié et massiv ou de diminuer les quantités produites, mais au contraire, il préconise une production nationale encore plus importante, des rendement plus élevés et surtout un renforcement de l’aval de la filière avec le développement du marketing de manière à répondre aux concurrents.
Selon lui, il faut maintenir en partie l’arrachage, mais il faut qu’il soit progressif, ciblé, limité tout en regardant au fur et à mesure s’il est nécessaire d’arracher plus ou de s’arrêter. « Il n’y a aucune raison pour que ce soit l’Europe qui détruise son vignoble pour laisser la place à ses concurrents. »
Il propose dans son étude commandée par le parlement Européen des éléments précis et détaillés de contestation sur les éléments du projet de réforme mais surtout des propositions pour une contre réforme pour permettre aux viticulteurs français d’être aptes à reconquérir des marchés et à sortir de la crise. Pour plus de détails, le lecteur se reportera à la partie « Alternative de l’équipe du Pr. Montaigne ».
La position de M. Montaigne concernant l’arrachage rejoint bien évidemment celle du parlement européen qui a commandité l’étude. En février 2007, lors du débat entre la Commission Européenne et le Parlement Européen concernant l’OCM viticole, les eurodéputées se sont formellement opposés au projet de réforme de l’OCM. Ils prennent largement pour appui l’étude réalisée par le professeur Montaigne. En revanche, même si le parlement a une influence non négligeable sur la Commission Européenne, son rôle est purement consultatif et c’est la Commission qui aura le dernier mot. D’autre part, M. Montaigne nous a fait part lors de notre entretien de ses doutes quant à l’influence de son rapport et quant aux changements à venir dans le nouveau projet de réforme à paraître…