Tout d’abord, étudions les scénarii post arrachage selon les différents acteurs en prenant en compte le facteur humain, social et psychologique des diverses situations.
Actuellement, nous l’avons dit, beaucoup de viticulteurs et vignerons sont dans une situation financière très critique. La crise ne semblant pas se résorber rapidement, beaucoup d’entre eux s’interrogent sur leur avenir… Le projet de réforme proposé par la commissaire de l’agriculture Mariann Fischer Boel semble donc, à première vue, être un moyen efficace pour ces vignerons de réussir à sortir du système lorsque leur situation s’est trop détériorée: « L’arrachage permettra aux producteurs qui ne seront jamais compétitifs et qui ne peuvent répondre à la demande des consommateurs de se retirer dignement et en étant indémnisés. » s’est défendu Mariann Fischer Boel lors du débat courant février face aux députés et sénateurs européens.
Mais apparemment, le fait que seulement les vignerons ou viticulteurs non compétitifs se retirent du marché grâce à la prime ne semble pas systématique. En ce qui concerne le Languedoc Roussillon, les vignerons et viticulteurs attendent l'extrême limite de l’endettement pour arracher. En effet, nous avons exposé précédemment l’importance de la viticulture dans la région et de l’aspect psychologique qui y est lié : dans la région, comme nous l’expliquait M. De Volontat président des Vignerons Indépendants de France, dans 90% des cas, les exploitations viticoles proviennent d'héritage familiaux. D’autre part, comme nous l’avons exposé auparavant, le métier de vigneron ou de viticulteur demande un investissement en travail très conséquent. Il apparaît donc que les exploitants agricoles de cette région sont largement attachés à leur terre. Il faut donc considérer l’aspect sentimental ou psychologique qui se traduit souvent par des viticulteurs qui sont tellement investis dans leur exploitation et ressentent un réelle passion pour leur travail qu’ils n’abandonnent pas à moins de n'avoir plus aucune issue. Ces exploitations sont le fruit d’un travail de toute une vie. M. de Volontat nous expliquait : « Il faut vraiment que le banquier nous mette le couteau sous la gorge et menace de nous emmener au tribunal de commerce pour déposer le bilan si on ne le paye pas. Donc cela se fait vraiment dans la douleur et au dernier moment ». Mais cela s’est aussi retrouvé dans les propos du couple de viticulteurs que nous avons interrogé : « il arrive un moment où l'on ne peut plus s'en sortir. Il y a des gens qui ont mal géré les investissements et ont des dettes : arrive un moment où s'ils n'ont pas encore arraché leurs vignes, c'est la banque qui les y pousse. »
Finalement, ces personnes nous font remarquer que l’arrachage définitif ne permet pas nécessairement de « sortir du marché » ceux qui n’y sont pas adaptés ou bien les producteurs de mauvais vins comme le voulait la commissaire Mariann Fischer Boel, au contraire quittent le métier ceux qui ne peuvent survivre, c'est-à-dire actuellement ceux qui ont de petits rendements ou qui n’ont pas la trésorerie nécessaire pour se maintenir. Pour beaucoup, cette réforme serait donc à l’origine de la disparition de nombreux « petits vignerons », type d’exploitant prédominant en Languedoc Roussillon.
D’autant plus que beaucoup déplorent les conséquences au niveau social de cette réforme. En effet, ils s’interrogent sur le devenir des personnes qui arrachent. M. Montaigne, professeur de l’Agro Montpellier en charge de la rédaction de l’étude de la situation vinicole européenne pour le Parlement Européen, affirme que l'arrachage est une véritable catastrophe. Voici la vision de M. Montaigne à propos des vignerons qui arrachent : « Donc qu’est ce que l’on fait ? On en fait un chômeur ? On lui donne une prime et qu’il achète un appartement à la plage et c’est fini. C’est cela qu’on propose actuellement. Ce n’est pas une politique viticole. On leur dit en gros : « arrachez, vous touchez une prime, déjà c’est confortable et vendez vos terrains en terrain à bâtir pour construire des villas… »
Le problème de la relation entre la reconversion des personnes et l’ importance du montant de la prime apparaît ici. Pour ceux qui se soucient de cette possibilité de reconversion, le montant de la prime a une conséquence capitale. Pour que cela devienne une réelle possibilité, il faut que la prime soit conséquente. Certains comme M. Montaigne, pensent que les primes sont tout de même assez élevées, mais que de toute manière, qu’elles le soient plus ou moins, le problème réside surtout dans le fait que des personnes quittent la profession. En revanche, pour les Bergès, sans une prime relativement élevée les viticulteurs n’arracheront pas de manière conséquente : « Je pense que la limite se situe vers 10 000 euros l'hectare, contre environ 6000 prévus dans le dernier projet de réforme. » Mais ils nous précisent aussi qu’il ne faut pas nécessairement regarder uniquement le prix de la prime et qu’il faut voir au-delà. En effet, il faut enlever à la prime 300 € par ha arraché pour payer les travaux et 300€ pour mettre les souches en tas. D’autres part, il faut aussi considérer le fait que lorsque des gens arrachent, ils sont toujours propriétaires de la terre, et donc imposables dessus et qu'ils ont en outre l'obligation d'entretenir leur terrain.