Aspect environnemental de la controverse



Que vont devenir toutes ces terres arrachées dans le cas d’un arrachage massif comme le préconise l’UE ? Des friches, des terrains à bâtir ?
On définit une friche de vigne comme l’état d’une parcelle arrachée après deux années d’inutilisation et d’absence de travaux d’entretien.

Une enquête (Agreste juillet 2005 n°8) a été réalisée sur le devenir des arrachages qui ont eu lieu entre 1988 et 1991. Un hectare sur cinq s'est retrouvé à l'état de friche deux ans plus tard. La friche apparaît le plus souvent dans le cas d’exploitants à temps partiel où elle concerne près de la moitié des surfaces. L’âge du viticulteur avançant, la part des friches augmente.
Depuis 12 ans, la politique de l’Europe dans le cadre de la PAC, consiste à subventionner l’agriculture dans le but de maintenir l'entretien des paysages ; l’agriculteur est un jardinier du paysage. Or comme le souligne le professeur Montaigne, pour qu’il soit jardinier du paysage, l’agriculteur doit pouvoir gagner sa vie !


Actuellement, cela n’est pas le cas et donc on observe peu à peu une dégradation du paysage de la région…
Le Languedoc Roussillon subit donc petit à petit un «  mitage » du paysage : terrains non cultivés ou simplement labourés se multiplient. Mais que penser de l’avenir de ces terres ? Pour beaucoup d’entre elles l’arrachage est encore récent, les friches et les broussailles n’ont pas encore eu le temps de se développer, mais comment va-t-on les gérer dans l’avenir ? On remarque peu à peu une dégradation des paysages.
Beaucoup de viticulteurs, de vignerons, de professionnels du tourisme s’interrogent : que vont devenir ces parcelles ?
En effet, nombreuses sont les zones où la vigne est la seule culture possible. D’autre part, comme nous l’expliquait M. Montaigne, il n’y a pas nécessairement de place dans d’autres secteurs de l’agriculture, car ils sont pour beaucoup aussi en surproduction.
La Commission elle-même reconnaît ces dangers pour le paysage. Elle explique dans le rapport sur l’étude d’impact des différents scenarii de l’arrachage que « Le renforcement de l’arrachage pourrait avoir des effets globalement positifs sur l’environnement, puisqu’il fait en général reculer la monoculture. Il pourrait aussi comporter des risques pour l’environnement en cas d'abandon des terres ou de remplacement par des cultures plus intensives ». Mais ce qui est reproché c’est que rien n’est prévu concernant ces risques dans le projet de réforme. Certains pensent cependant que l’on devrait se pencher plus sérieusement sur l’éligibilité des terrains arrachés pour bénéficier de DPU afin d’encourager la reconversion des parcelles.
Or dans le cas du Languedoc Roussillon, le premier point positif évoqué par la Commission Européenne n’est pas valable dans toute la région. En effet, la culture de la vigne est certes dans cette région une monoculture, mais la reconversion dans d’autres cultures serait malheureusement difficile car les parcelles, le climat, les types de terrains ne s’y prêtent pas nécessairement. En effet, le climat méditerranéen en fait une région sèche, et donc peu apte à accueillir divers types d’agriculture. Il faut savoir que la valorisation de l’eau est 5 fois supérieure dans le cas de la vigne que dans celui d’autres cultures (en moyenne). Ajoutons à cela la difficulté de s’imposer, en cas de reconversion, dans un marché déjà saturé pour de nombreuses cultures…
Une des reconversions possibles des terres est le terrain à bâtir dans certaines zones, avec le risque de détériorer a tout jamais l’image et le cachet particulier de certains villages authentiques de l’Aude ou de l’Hérault.

Parcelle de vignes arrachées dans l’Aude qui va devenir terrain à bâtir

maison_vignes

Ce moyen de reconversion est intéressant au niveau financier pour la personne qui arrache, et cela évite au terrain de devenir une friche. En revanche, cela ne peut se généraliser à tous les terrains qui bien souvent se trouvent dans des zones très reculées.

D’autre part, certains agriculteurs considèrent que cela correspond à un potentiel agricole largement gâché.
Finalement, le Languedoc Roussillon semble, pour beaucoup, exposé au danger principal évoqué par la Commission Européenne : l’abandon des terres et la disparition progressive de son vignoble. Beaucoup soutiennent que les conséquences pour la région seraient « dramatiques ». En effet, dans un premier temps, nous l’avons dit, la région Languedoc Roussillon est une région très sèche. Elle est donc soumise durant toute l'été à de très nombreux incendies dévastateurs. Arracher beaucoup de superficies expose à des risques conséquents pour l’environnement. La vigne a été utilisée souvent comme « coupe feu » dans des zones du Languedoc ou lorsque la sécheresse de l’été est corrélée à un vent du Nord violent, « le Cers ». Dans ces conditions, aucune méthode conventionnelle ne peut arrêter un incendie. C’est sur ce concept que le Professeur Michel Flanzy, directeur honoraire de l’INRA, a implanté un vignoble sur le massif venté de la Clape (Corbières Maritimes).
Mais surtout, il est évident pour peu que l’on connaisse ou visite la région, que la vigne fait partie intégrante de la tradition du Languedoc Roussillon. Une tradition en danger pour certains : si l’arrachage des 400 000 ha est réalisé, beaucoup ont peur qu'elle et plus globalement, toute l’agriculture, soient menacées en France et dans chaque région. Tradition à laquelle sont largement attachés les gens du pays, mais aussi les touristes. Que devient le Languedoc Roussillon sans ses vignes ? Des paysages vides, des terres abandonnées, alors que la tradition culturelle du vin apparaît en page d’accueil de tous les sites des offices du tourisme de la région. La région Languedoc Roussillon a d’ailleurs largement conscience de cela : son président de région, M. Georges Frêche a lancé une pétition pour s’opposer contre l’arrachage des 400 000 ha :

petition

site internet de la pétition http://www.petitionlr.com/

Cette pétition a déjà recueilli plus de 30 000 signatures.
En s’intéressant de plus près aux documents émis par la région Languedoc Roussillon, on trouve beaucoup de documents dont tout d’abord cette pétition lancée par le président de région, mais aussi une pétition pour la convocation des états généraux de la viticulture lancée par le vice président du conseil régional, et enfin beaucoup de documents qui s’insurgent pour défendre la viticulture dans la région…

Mais nombreux sont ceux qui dénoncent, avec l’arrachage, la perte d’un patrimoine viticole important. En effet, parmi les diverses réactions et contestation sur ce projet de réforme d’arrachage des 400 000 ha, nous retrouvons systématiquement le problème de la maîtrise de l'arrachage. En effet, beaucoup craignent l’arrachage de nombreux hectares de manière « anarchique »… En effet, aucune structure n’est prévue, que ce soit au niveau européen, national ou régional pour permettre de conserver les bonnes « parcelles » et tenter d’éliminer les mauvaises. Il faut ici se méfier du fait que d’un acteur à l’autre, la définition des bonnes ou des mauvaises parcelles varient énormément : pour certains, les mauvaises parcelles sont celles à haut rendement vin générique, pour d’autres au contraire, il faut préserver ces parcelles à haut rendement etc… Nous reviendrons ultérieurement sur ce point. Cependant, tous s’accordent à dire qu’il faut mettre en place des structures locales qui permettent de préserver le patrimoine. Pour cela, une solution très souvent évoquée est la mise en place d’échange de parcelles. Cependant, pour cela, des personnes comme M. de Volontat appuyées par beaucoup de viticulteurs insistent sur le fait que des échanges de parcelles ne seront pas possibles sans une compensation financière pour les personnes concernées.

Mais les députés européens se sont aussi prononcés au sujet du plan d’arrachage des 400 000 ha, ils considèrent notamment dans un premier temps qu’un arrachage « massif et sans discernement constitue une atteinte au patrimoine viticole, notamment des zones les plus fragiles ».
Finalement, face au problème de l’environnement, semblent apparaître deux positions : celle des personnes qui pensent que l’arrachage va être positif car il va permettre une diversification des activités sur le territoire, et celle majoritaire qui reflète ce que résume M De Volontat : l’arrachage définitif des vignes en Languedoc Roussillon sera « un désastre. C’est le côté caché contre lequel on ne peut rien aujourd’hui ».
Nous verrons dans la synthèse des idées que finalement ce coté environnemental et traditionnel pèse beaucoup. Cependant, certains estiment que malgré cet aspect négatif, il faut arracher. On rejoint donc ici le point de vue de la Commission Européenne, d’autres veulent justement changer la « manière de gérer cet arrachage pour limiter les dégâts » comme le pensent M. De Volontat ou les eurodéputées et enfin nous verrons que ce coté traditionnel et environnemental est pour certains un argument supplémentaire pour s’opposer fermement à l’arrachage.
Finalement, nous voyons que les conséquences environnementales seront certainement très lourdes, et beaucoup s’accordent, qu’ils soient pour, contre ou mitigés concernant l’arrachage définitif, que ce dernier ne se fera pas sans de lourdes conséquences pour la région. Certains petits villages traditionnels ne vivent que de la viticulture, la supprimer reviendrait selon certains à supprimer ces villages.

 

 

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