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1949 .: Les débuts incontrôlés :: 1963 :: L'accalmie et les RTG :: 2000 :: La reprise fulgurante :. 2007
       
 
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Orion (Propulsion Nucléaire Pulsée)

Contexte:

Lorsque le projet débute à la fin des années 50, 60 hommes ont été envoyés dans l'espace par les projets américains Mercury-Gemini-Apollo. Pourtant, le gouvernement américain sponsorise alors un projet qui aurait été capable d'envoyer 150 personnes sur la Lune, et aurait permis l'envoi de mission pour Mars et Saturne. Ces faits auraient pu être accomplis dans le même laps de temps que les missions Apollo, et pour un coût comparable. Le projet qui regroupait de telles capacités répondait au nom de code Orion, il vécut 7 ans.

Principe et histoire :

Le projet consistait en un véhicule spatial avec un système de propulsion qui reposait sur l'explosion de bombes atomiques à quelques 60 m (200 pieds) sous le vaisseau. L'apparente absurdité de cette idée est une des raisons qui conduit le projet à l'échec. Pourtant, plusieurs éminents physiciens étaient convaincus que l'on pouvait la réaliser. Dans la mesure où les bombes atomiques constituent des entrées discrètes, le système devait opérer dans un mode pulsé plutôt que dans un mode continu.
Le projet Orion voit le jour en 1958 à General Atomics (développeur de réacteurs nucléaires commerciaux, fondé par Frédérick de Hoffman): le point central du projet était Théodore Taylor, un ancien de Los alamos qui s'occupait des programmes d'armement où il était spécialiste des effets des armes atomiques; il excellait dans la réalisation de bombes de petit taille, connaissait les techniques permettant de façonner une explosion, et de diriger les débris de bombe dans une direction particulière.
Au départ, les scientifiques réalisaient de l'ingénierie sur un plan pratique, et les ingénieurs construisaient des modèles réduits, le tout avec un budget dérisoire. Le concept utilisait l'idée d'un plateau de poussée (pusher plate) à l'arrière du vaisseau, et réunissait le matériel propulsif et la bombe dans une seule unité. La matériel propulsif était du plastique, probablement du polyéthylène: en effet le plastique absorbe bien les neutrons émis par une explosion nucléaire, et il se décompose en atomes de faible poids tels que l'hydrogène ou le carbone qui se déplacent à grande vitesse lorsqu'on les agite. L'avantage d'un plateau de poussée était de fournir simultanément des poussées et des vitesses d'échappement élevées: or il n'y avait aucun système connu capable de combiner ces deux caractéristiques fort intéressantes. L'impulsion spécifique pouvait en théorie atteindre 10 000 à 1 000 000 s. La force correspondante exercée sur le plateau était immense et aurait résulté en une accélération intolérable pour une équipe embarquée. Pour cette raison, un système absorbant les chocs était placé entre le plateau et le véhicule lui même. L'énergie délivrée par impulsion au plateau était stockée dans les absorbeurs de chocs et transférée progressivement au véhicule.
L'équipe qui travaillait sur Orion construit une série de modèles appelés Puts-Puts ou Hot Rods afin de tester la capacité de plateau de poussée en aluminium à résister aux pressions et températures élevées momentanées crées par des explosions chimiques. Quelques modèles furent détruits, mais un vol réussi de 100 m en novembre 1959, propulsé par six charges, permit de démontrer que le vol par à-coups pouvait être stable. Ces expériences prouvèrent par ailleurs que le plateau devait être épais en son centre, et plus fin sur sa circonférence pour permettre une résistance maximale et un poids minimal.
La résistance du plateau était un élément crucial. La bulle de plasma qui s'expansait à chaque explosion pouvait atteindre des températures de quelques dizaines de milliers de Kelvin, même lorsque les explosions avaient lieu à quelques trentaine de mètres (centaines de pieds) sous le plateau. On songea à répartir de la graisse (probablement à base de graphite) sur le plateau entre les explosions, mais on ne sait pas si cette hypothèse fut retenue pour les versions postérieures d'Orion. On s'intéressa beaucoup à l'érosion du plateau en utilisant un générateur directif de plasma d'hélium. Les expériences montrèrent que le plateau ne serait exposé à de hautes températures que durant une milliseconde au cours de chaque explosion, et que l'érosion ne concernerait qu'une mince couche du plateau. La durée de l'exposition aux hautes températures était si courte que très peu de chaleur se propageait dans le plateau, rendant apparemment non nécessaire un refroidissement actif. On conclut également que l'aluminium comme l'acier seraient suffisamment résistants pour constituer le plateau.

L'équipe se rendit compte assez tôt qu'il fallait que le gouvernement américain soit impliqué s'ils voulaient avoir une chance de progresser au delà du stade de bricolage où ils en étaient: en avril 1958, on contacta l'Agence pour les Projets de Recherche Avancée (l'ARPA, future DARPA pour la Défense) qui accepta de sponsoriser le projet à hauteur de 1 000 000 $ par an. C'est à ce moment que le projet prit le nom de code d'Orion, sous l'intitulé d'Etudes pour les Véhicules Propulsé par Nucléaire Pulsé.
En contraste avec les fusées chimiques de Von Braun, l'administrateur de la récente NASA, qui étaient à leur yeux très coûteuses, avaient des charges utiles limitées et étaient en grande partie inutile pour les vols au delà de la Lune, les membres de l'équipe d'Orion voulaient un vaisseau simple, robuste, de grande taille, et par dessus tout accessible. Taylor voulait à l'origine le lancer depuis le sol; et le vaisseau était décrit comme l'ogive d'un missile haute de six étages et avec un plateau d'un diamètre de 40 m (135 pieds). Le pas de tir aurait été composé de huit tours hautes de 75 m (250 pieds) chacune. La masse du véhicule au décollage aurait été de l'ordre de 10 000 t, et la majorité de cette masse serait partie en orbite. Les bombes, auraient été éjectées à raison d'une bombe correspondant à la libération de 0,1 kilotonne d'énergie (sachant que 1 kilotonne est l'énergie équivalente à 1 000 t de TNT hautement explosif) toute les secondes au départ, puis à mesure que le véhicule accélérait, il n'aurait plus été question que d'une bombe de 20 kilotonne toutes les 10 s. Le véhicule aurait volé verticalement jusqu'à ce qu'il soit sorti de l'atmosphère terrestre afin de minimiser les contaminations radioactives.

Le concept initial demandait 2 000 unités bombes-propulsif, bien plus que ce qui est nécessaire pour atteindre la vitesse permettant d'échapper à l'attraction terrestre: "Notre devise était 'Mars d'ici 1965 et Saturne d'ici 1970'" se souvient Dyson. Plus proches des vaisseaux tout droit sortis des romans de science fiction que des capsules de Gagarin et Glenn, 150 personnes auraient pu habiter à bord dans un confort relatif, la charge utile aurait été mesurée en milliers de tonnes. Orion aurait été construit à la manière d'un vaisseau de combat, sans besoin d'adopter les mesures drastiques pour économiser du poids auxquelles les sondes spatiales à propulsion chimique étaient soumises. L'atterrissage n'était pas clair: on peut raisonnablement penser que de petits vaisseaux classiques à propulsion chimique spécialisés auraient été utilisés pour l'exploration. Taylor avait du anticiper qu'un véhicule de type navette spatiale aurait été disponible pour transporter l'équipage de la planète à l'orbite et inversement.

Après un remaniement au sein de l'administration spatiale qui récupérait tous les projets spatiaux orientés vers des applications civiles soutenus par le gouvernement: l'Air Force fut chargée de tous les projets avec des applications nucléaires, or elle sentait qu'Orion n'avait aucune valeur en tant qu'arme donc on laissa ce dernier projet spatial à l'ARPA; la NASA avait, en 1959, fait le choix stratégique que le programme spatial civil serait non nucléaire dans le futur proche. Aussi lorsque fin 1959 l'ARPA décida qu'elle ne pouvait plus continuer à supporter le projet Orion sur le terrain de la sécurité nationale, on passa en état d'alerte: Taylor n'avait plus d'autre choix que d'approcher l'Air Force en espérant obtenir son soutien économique. Une réaction commune des officiels civils et militaire se retrouve dans cette citation: "... Vous lâchez une grosse bombe et tout le vaisseau bondit d'un coup." Finalement, l'Air Force céda, mais à la seule condition qu'on trouvât une application militaire pour le projet. Dyson explique à ce sujet que ces contacts au sein de l'Air Force, bien que sympathiques à la cause de l'exploration spatiale, sentirent que leurs mains étaient liées. Tous les tests sur des modèles s'arrêtèrent nets, suite au changement de mode de management; l'ère de l'évolution en roue libre était révolue, le rêve d'une communauté d'"hommes de bonne volonté" explorant le système solaire était mort.
Robert McNamara, secrétaire à la Défense sous le gouvernement Kennedy, comprit qu'Orion n'était pas un atout militaire, et rejeta en bloc toute augmentation de financement destiné au projet, le limitant effectivement à des études de faisabilité. Taylor et Dyson savaient qu'il leur fallait trouver une nouvelle source de fonds s'ils voulaient construire un véhicule capable de voler, et il ne restait que la NASA. Après au moins deux voyages au Marshall Space Flight Center à Huntsville dans l'Alabama où se conduisaient la plupart des recherche et développements en matière de propulsion spatiale, comme Von Braun devait travaille sur le projet Saturne, l'équipe d'Orion avait produit un nouveau design de "première génération" qui abandonnait le lancement depuis le sol pour un lancement au dernier étage de Saturne V. Le coeur du véhicule était un module de propulsion de 90 700 kg (200 000 pounds) doté d'un plateau de poussée d'un diamètre de 10 m (33 pieds) limité par le diamètre de Saturne V; la limitation s'appliquait aussi à l'impulsion spécifique qui devenait comprise entre 1 800 et 2 500 s. Alors qu'elle était très basse par rapport au standards du nucléaire pulsé, cette impulsion dépassait toujours de loin celle d'autres concepts de fusées nucléaires. Le système absorbeur de chocs comportait deux sections: une unité primaire faite de sacs pneumatiques toroïdaux situé directement sous le plateau de poussée, et une unité secondaire composée de quatre amortisseurs télescopiques qui reliaient le plateau au reste du vaisseau. Dyson estimait qu'une seule ou deux Saturne V seraient nécessaires, mais une simple inspection des dessins publiés montre que deux au moins étaient requise, potentiellement trois si le module de l'équipage (avec l'équipage à bord) était supposé voler à part; Dans ce cas, il faudrait faire un peu d'assemblage en orbite. On considéra plusieurs profiles de mission, notamment on investigua en détail un vol habité à destination de Mars qui aurait pu être réalisé en 125 jours pour 8 astronautes accompagnés de 100 t d'équipement et de fournitures.



Von Braun devint un fervent supporter du projet, mais ne parvint pas à communiquer cet enthousiasme au sein des officiels de l'administration. En plus des injonctions générales à l'encontre du nucléaire, des objections très pratiques étaient soulevées: si jamais Saturne V transportant un module de propulsion avec des centaines de bombes à son bord explosait? Etait-il possible de garantir qu'absolument aucune bombe n'exploserait ni ne se briserait? La peur compréhensible de la NASA dans la perspective d'un désastre avec les relations publiques possible contribua au rechignement à donner des financements; néanmoins, le bureau des vols spatiaux habités (Office of Manned Spaceflight) fut suffisamment intéressé pour financer une nouvelle étude.

Un nouveau coup tomba sur la tête des responsables du projet, à la signature en août 1963 de traité d'interdiction des essais nucléaires par les Etats-Unis, le Royaume Uni et l'URSS: Orion devenait illégal par décret de la loi internationale, et pourtant le projet ne prit pas fin sur le champ, malgré une réduction de son capital politique certaine. Il était toujours possible qu'un exception fut faite pour les programmes qui étaient ostensiblement pacifiques. Puisque Orion était un projet classé, très peu de gens parmi les ingénieurs et les scientifiques connaissaient son existence. Dans une tentative de rectifier le tir, Nance (ancien employé de General Atomics) qui dirigeait à présent le projet, fit pression sur l'Air Force pour déclassifier au moins les grandes lignes du travail qui avait été mené. Finalement, l'Air Force accepta, et Nance publia une brève description du véhicule de "première génération" en octobre 1964, tandis que l'Air Force pressait la NASA à prendre une décision, ne voulant pas participer au financement si la NASA n'aidait pas elle aussi de manière significative. L'annonce fut faite publiquement en décembre 1964, le mois suivant, qu'aucun fonds ne serait accordé, suivie par l'annonce de fin de tout financement par l'Air Force, laissant Orion agoniser paisiblement, après 7 années au cours desquelles 11 000 000 $ avaient été dépensés.
Orion fut oublié de presque tous, exception faute de Freeman Dyson et Théodore Taylor. Dyson plus particulièrement semble avoir été profondément touché par son expérience, assurant que l'histoire d'Orion est importante dans la mesure où "c'est la première fois dans l'histoire moderne qu'une évolution majeure de la technologie humaine a été supprimée pour des raisons politiques." Il finit par perdre ses illusions, d'abord en raison des dangers liés aux radiations associés avec les lancements au sol abordés aux débuts. Pourtant il maintient que le plus grand programme de vol qu'il avait envisagé avec Taylor n'aurait pas ajouté plus de 1% à la contamination atmosphérique alors créée par les essais d'armes mis en oeuvre par les grandes puissances.



Avenir:

Des améliorations d'efficacité pourraient être fait en soignant le design des unités bombes-propulsif, puisque des progrès considérables ont été faits dans les bombes nucléaires au cours des trente dernières années. Les bombes à neutrons par exemple prouvent qu'il est possible de changer la forme d'énergie émise par l'explosion ; des travaux récents sur les lasers à rayons X ont trait au problème important de modelage de l'explosion en un faisceau. Pourtant il est impossible d'éviter la formation de fragments radioactifs dus à la fission.
On peut réduire les dangers des radiations sur les humains en effectuant des lancements depuis le sol à partir d'aires très reculées comme des plateformes flottantes dans les grand sud des océans Pacifique ou Atlantique, car compte tenu de la quantité d'énergie disponible, on n'a plus besoin de se trouver près de l'équateur. Cela pourrait toujours être considéré comme inacceptable d'un point de vue environnemental; peut être qu'aucune émission radioactive dans l'atmosphère ne doit être permise, et dans ce cas, seule la possibilité d'un lancement depuis l'espace reste envisageable, bien qu'elle ait été également critiquée pour laisser une traînée de débris radioactifs dans l'espace dans son sillage. Cependant, l'espace interplanétaire est un environnement très dangereux, qui est saturé périodiquement par des particules chargées rapides provenant des explosions solaires, ainsi qu'occasionnellement traversé par des rayons cosmiques très énergétiques. La notion de traînée est controversée par le fait que la vitesse de la plupart des débris excèderait la vitesse qui permet d'échapper à l'attraction solaire.