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Orion (Propulsion Nucléaire
Pulsée)
Contexte:
Lorsque le projet débute
à la fin des
années 50, 60 hommes ont été
envoyés dans l'espace par les projets américains
Mercury-Gemini-Apollo. Pourtant, le gouvernement américain
sponsorise alors un projet qui aurait été capable
d'envoyer 150 personnes sur la Lune, et aurait permis l'envoi de
mission pour Mars et Saturne. Ces faits auraient pu être
accomplis dans le même laps de temps que les missions Apollo,
et pour un coût comparable. Le projet qui regroupait de
telles capacités répondait au nom de code Orion,
il vécut 7 ans.
Principe et histoire :
Le projet consistait en un
véhicule spatial avec
un système de propulsion qui reposait sur l'explosion de
bombes atomiques à quelques 60 m (200 pieds) sous le
vaisseau. L'apparente absurdité de cette idée est
une des raisons qui conduit le projet à l'échec.
Pourtant, plusieurs éminents physiciens étaient
convaincus que l'on pouvait la réaliser. Dans la mesure
où les bombes atomiques constituent des entrées
discrètes, le système devait opérer
dans un mode pulsé plutôt que dans un mode
continu.
Le projet Orion voit le jour en 1958
à General
Atomics (développeur de réacteurs
nucléaires commerciaux, fondé par
Frédérick de Hoffman): le point central du projet
était Théodore Taylor, un ancien de Los alamos
qui s'occupait des programmes d'armement où il
était spécialiste des effets des armes atomiques;
il excellait dans la réalisation de bombes de petit taille,
connaissait les techniques permettant de façonner une
explosion, et de diriger les débris de bombe dans une
direction particulière.
Au départ, les scientifiques
réalisaient de l'ingénierie sur un plan pratique,
et les ingénieurs construisaient des modèles
réduits, le tout avec un budget dérisoire. Le
concept utilisait l'idée d'un plateau de poussée
(pusher plate) à l'arrière du vaisseau, et
réunissait le matériel propulsif et la bombe dans
une seule unité. La matériel propulsif
était du plastique, probablement du
polyéthylène: en effet le plastique absorbe bien
les neutrons émis par une explosion nucléaire, et
il se décompose en atomes de faible poids tels que
l'hydrogène ou le carbone qui se déplacent
à grande vitesse lorsqu'on les agite. L'avantage d'un
plateau de poussée était de fournir
simultanément des poussées et des vitesses
d'échappement élevées: or il n'y avait
aucun système connu capable de combiner ces deux
caractéristiques fort intéressantes. L'impulsion
spécifique pouvait en théorie atteindre 10 000
à 1 000 000 s. La force correspondante exercée
sur le plateau était immense et aurait
résulté en une accélération
intolérable pour une équipe embarquée.
Pour cette raison, un système absorbant les chocs
était placé entre le plateau et le
véhicule lui même. L'énergie
délivrée par impulsion au plateau
était stockée dans les absorbeurs de chocs et
transférée progressivement au
véhicule.
L'équipe qui travaillait sur
Orion construit une
série de modèles appelés Puts-Puts ou
Hot Rods afin de tester la capacité de plateau de
poussée en aluminium à résister aux
pressions et températures élevées
momentanées crées par des explosions chimiques.
Quelques modèles furent détruits, mais un vol
réussi de 100 m en novembre 1959, propulsé par
six charges, permit de démontrer que le vol par
à-coups pouvait être stable. Ces
expériences prouvèrent par ailleurs que le
plateau devait être épais en son centre, et plus
fin sur sa circonférence pour permettre une
résistance maximale et un poids minimal.
La résistance du plateau
était un
élément crucial. La bulle de plasma qui
s'expansait à chaque explosion pouvait atteindre des
températures de quelques dizaines de milliers de Kelvin,
même lorsque les explosions avaient lieu à
quelques trentaine de mètres (centaines de pieds) sous le
plateau. On songea à répartir de la graisse
(probablement à base de graphite) sur le plateau entre les
explosions, mais on ne sait pas si cette hypothèse fut
retenue pour les versions postérieures d'Orion. On
s'intéressa beaucoup à l'érosion du
plateau en utilisant un générateur directif de
plasma d'hélium. Les expériences
montrèrent que le plateau ne serait exposé
à de hautes températures que durant une
milliseconde au cours de chaque explosion, et que l'érosion
ne concernerait qu'une mince couche du plateau. La durée de
l'exposition aux hautes températures était si
courte que très peu de chaleur se propageait dans le
plateau, rendant apparemment non nécessaire un
refroidissement actif. On conclut également que l'aluminium
comme l'acier seraient suffisamment résistants pour
constituer le plateau.
L'équipe se rendit compte assez
tôt
qu'il fallait que le gouvernement américain soit
impliqué s'ils voulaient avoir une chance de progresser au
delà du stade de bricolage où ils en
étaient: en avril 1958, on contacta l'Agence pour les
Projets de Recherche Avancée (l'ARPA, future DARPA pour la
Défense) qui accepta de sponsoriser le projet à
hauteur de 1 000 000 $ par an. C'est à ce moment que le
projet prit le nom de code d'Orion, sous l'intitulé d'Etudes
pour les Véhicules Propulsé par
Nucléaire Pulsé.
En contraste avec les fusées
chimiques de Von
Braun, l'administrateur de la récente NASA, qui
étaient à leur yeux très
coûteuses, avaient des charges utiles limitées et
étaient en grande partie inutile pour les vols au
delà de la Lune, les membres de l'équipe d'Orion
voulaient un vaisseau simple, robuste, de grande taille, et par dessus
tout accessible. Taylor voulait à l'origine le lancer depuis
le sol; et le vaisseau était décrit comme l'ogive
d'un missile haute de six étages et avec un plateau d'un
diamètre de 40 m (135 pieds). Le pas de tir aurait
été composé de huit tours hautes de 75
m (250 pieds) chacune. La masse du véhicule au
décollage aurait été de l'ordre de 10
000 t, et la majorité de cette masse serait partie en
orbite. Les bombes, auraient été
éjectées à raison d'une bombe
correspondant à la libération de 0,1 kilotonne
d'énergie (sachant que 1 kilotonne est l'énergie
équivalente à 1 000 t de TNT hautement explosif)
toute les secondes au départ, puis à mesure que
le véhicule accélérait, il n'aurait
plus été question que d'une bombe de 20 kilotonne
toutes les 10 s. Le véhicule aurait volé
verticalement jusqu'à ce qu'il soit sorti de
l'atmosphère terrestre afin de minimiser les contaminations
radioactives.
Le concept initial demandait 2 000
unités
bombes-propulsif, bien plus que ce qui est nécessaire pour
atteindre la vitesse permettant d'échapper à
l'attraction terrestre: "Notre devise était 'Mars d'ici 1965
et Saturne d'ici 1970'" se souvient Dyson. Plus proches des vaisseaux
tout droit sortis des romans de science fiction que des capsules de
Gagarin et Glenn, 150 personnes auraient pu habiter à bord
dans un confort relatif, la charge utile aurait
été mesurée en milliers de tonnes.
Orion aurait été construit à la
manière d'un vaisseau de combat, sans besoin d'adopter les
mesures drastiques pour économiser du poids auxquelles les
sondes spatiales à propulsion chimique étaient
soumises. L'atterrissage n'était pas clair: on peut
raisonnablement penser que de petits vaisseaux classiques à
propulsion chimique spécialisés auraient
été utilisés pour l'exploration.
Taylor avait du anticiper qu'un véhicule de type navette
spatiale aurait été disponible pour transporter
l'équipage de la planète à l'orbite et
inversement.
Après un remaniement au sein de
l'administration
spatiale qui récupérait tous les projets spatiaux
orientés vers des applications civiles soutenus par le
gouvernement: l'Air Force fut chargée de tous les projets
avec des applications nucléaires, or elle sentait qu'Orion
n'avait aucune valeur en tant qu'arme donc on laissa ce dernier projet
spatial à l'ARPA; la NASA avait, en 1959, fait le choix
stratégique que le programme spatial civil serait non
nucléaire dans le futur proche. Aussi lorsque fin 1959
l'ARPA décida qu'elle ne pouvait plus continuer à
supporter le projet Orion sur le terrain de la
sécurité nationale, on passa en état
d'alerte: Taylor n'avait plus d'autre choix que d'approcher l'Air Force
en espérant obtenir son soutien économique. Une
réaction commune des officiels civils et militaire se
retrouve dans cette citation: "... Vous lâchez une grosse
bombe et tout le vaisseau bondit d'un coup." Finalement, l'Air Force
céda, mais à la seule condition qu'on
trouvât une application militaire pour le projet. Dyson
explique à ce sujet que ces contacts au sein de l'Air Force,
bien que sympathiques à la cause de l'exploration spatiale,
sentirent que leurs mains étaient liées. Tous les
tests sur des modèles s'arrêtèrent
nets, suite au changement de mode de management; l'ère de
l'évolution en roue libre était
révolue, le rêve d'une communauté
d'"hommes de bonne volonté" explorant le système
solaire était mort.
Robert McNamara, secrétaire
à la
Défense sous le gouvernement Kennedy, comprit qu'Orion
n'était pas un atout militaire, et rejeta en bloc toute
augmentation de financement destiné au projet, le limitant
effectivement à des études de
faisabilité. Taylor et Dyson savaient qu'il leur fallait
trouver une nouvelle source de fonds s'ils voulaient construire un
véhicule capable de voler, et il ne restait que la NASA.
Après au moins deux voyages au Marshall Space Flight Center
à Huntsville dans l'Alabama où se conduisaient la
plupart des recherche et développements en
matière de propulsion spatiale, comme Von Braun devait
travaille sur le projet Saturne, l'équipe d'Orion avait
produit un nouveau design de "première
génération" qui abandonnait le lancement depuis
le sol pour un lancement au dernier étage de Saturne V. Le
coeur du véhicule était un module de propulsion
de 90 700 kg (200 000 pounds) doté d'un plateau de
poussée d'un diamètre de 10 m (33 pieds)
limité par le diamètre de Saturne V; la
limitation s'appliquait aussi à l'impulsion
spécifique qui devenait comprise entre 1 800 et 2 500 s.
Alors qu'elle était très basse par rapport au
standards du nucléaire pulsé, cette impulsion
dépassait toujours de loin celle d'autres concepts de
fusées nucléaires. Le système
absorbeur de chocs comportait deux sections: une unité
primaire faite de sacs pneumatiques toroïdaux situé
directement sous le plateau de poussée, et une
unité secondaire composée de quatre amortisseurs
télescopiques qui reliaient le plateau au reste du vaisseau.
Dyson estimait qu'une seule ou deux Saturne V seraient
nécessaires, mais une simple inspection des dessins
publiés montre que deux au moins étaient requise,
potentiellement trois si le module de l'équipage (avec
l'équipage à bord) était
supposé voler à part; Dans ce cas, il faudrait
faire un peu d'assemblage en orbite. On considéra plusieurs
profiles de mission, notamment on investigua en détail un
vol habité à destination de Mars qui aurait pu
être réalisé en 125 jours pour 8
astronautes accompagnés de 100 t d'équipement et
de fournitures.
Von Braun devint un fervent supporter du
projet, mais ne
parvint pas à communiquer cet enthousiasme au sein des
officiels de l'administration. En plus des injonctions
générales à l'encontre du
nucléaire, des objections très pratiques
étaient soulevées: si jamais Saturne V
transportant un module de propulsion avec des centaines de bombes
à son bord explosait? Etait-il possible de garantir
qu'absolument aucune bombe n'exploserait ni ne se briserait? La peur
compréhensible de la NASA dans la perspective d'un
désastre avec les relations publiques possible contribua au
rechignement à donner des financements;
néanmoins, le bureau des vols spatiaux habités
(Office of Manned Spaceflight) fut suffisamment
intéressé pour financer une nouvelle
étude.
Un nouveau coup tomba sur la tête
des responsables
du projet, à la signature en août 1963 de
traité d'interdiction des essais nucléaires par
les Etats-Unis, le Royaume Uni et l'URSS: Orion devenait
illégal par décret de la loi internationale, et
pourtant le projet ne prit pas fin sur le champ, malgré une
réduction de son capital politique certaine. Il
était toujours possible qu'un exception fut faite pour les
programmes qui étaient ostensiblement pacifiques. Puisque
Orion était un projet classé, très peu
de gens parmi les ingénieurs et les scientifiques
connaissaient son existence. Dans une tentative de rectifier le tir,
Nance (ancien employé de General Atomics) qui dirigeait
à présent le projet, fit pression sur l'Air Force
pour déclassifier au moins les grandes lignes du travail qui
avait été mené. Finalement, l'Air
Force accepta, et Nance publia une brève description du
véhicule de "première
génération" en octobre 1964, tandis que l'Air
Force pressait la NASA à prendre une décision, ne
voulant pas participer au financement si la NASA n'aidait pas elle
aussi de manière significative. L'annonce fut faite
publiquement en décembre 1964, le mois suivant, qu'aucun
fonds ne serait accordé, suivie par l'annonce de fin de tout
financement par l'Air Force, laissant Orion agoniser paisiblement,
après 7 années au cours desquelles 11 000 000 $
avaient été dépensés.
Orion fut oublié de presque
tous, exception faute
de Freeman Dyson et Théodore Taylor. Dyson plus
particulièrement semble avoir été
profondément touché par son
expérience, assurant que l'histoire d'Orion est importante
dans la mesure où "c'est la première fois dans
l'histoire moderne qu'une évolution majeure de la
technologie humaine a été supprimée
pour des raisons politiques." Il finit par perdre ses illusions,
d'abord en raison des dangers liés aux radiations
associés avec les lancements au sol abordés aux
débuts. Pourtant il maintient que le plus grand programme de
vol qu'il avait envisagé avec Taylor n'aurait pas
ajouté plus de 1% à la contamination
atmosphérique alors créée par les
essais d'armes mis en oeuvre par les grandes puissances.
Avenir:
Des améliorations
d'efficacité
pourraient être fait en soignant le design des
unités bombes-propulsif, puisque des progrès
considérables ont été faits dans les
bombes nucléaires au cours des trente dernières
années. Les bombes à neutrons par exemple
prouvent qu'il est possible de changer la forme d'énergie
émise par l'explosion ; des travaux récents sur
les lasers à rayons X ont trait au problème
important de modelage de l'explosion en un faisceau. Pourtant il est
impossible d'éviter la formation de fragments radioactifs
dus à la fission.
On peut réduire les dangers des
radiations sur les
humains en effectuant des lancements depuis le sol à partir
d'aires très reculées comme des plateformes
flottantes dans les grand sud des océans Pacifique ou
Atlantique, car compte tenu de la quantité
d'énergie disponible, on n'a plus besoin de se trouver
près de l'équateur. Cela pourrait toujours
être considéré comme inacceptable d'un
point de vue environnemental; peut être qu'aucune
émission radioactive dans l'atmosphère ne doit
être permise, et dans ce cas, seule la possibilité
d'un lancement depuis l'espace reste envisageable, bien qu'elle ait
été également critiquée
pour laisser une traînée de débris
radioactifs dans l'espace dans son sillage. Cependant, l'espace
interplanétaire est un environnement très
dangereux, qui est saturé périodiquement par des
particules chargées rapides provenant des explosions
solaires, ainsi qu'occasionnellement traversé par des rayons
cosmiques très énergétiques. La notion
de traînée est controversée par le fait
que la vitesse de la plupart des débris
excèderait la vitesse qui permet d'échapper
à l'attraction solaire.
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