LE PROBLEME DES
ANTIBIOTIQUES
Les antibiotiques sont
utilisés depuis plus de 60 ans. Pendant cette période,
une pression de sélection a été exercée
sur les écosystèmes bactériens et en particulier
chez l'homme, ce qui a abouti à l'émergence de
bactéries résistantes. Le phénomène de
résistance s'est développé dès
l'apparition du premier antibiotique; dans la plupart des cas
de laboratoire, il faut en général 2 à 4 ans aux
bactéries pour développer un mécanisme de
résistance.
Qu’est
ce qu’un antibiotique ?
La décroissance
de l’efficacité des antibiotiques
La décroissance
de l'efficacité des antibiotiques fait l'objet de nombreuses
expertises à l'heure actuelle, notamment au sein des milieux
hospitaliers qui sont de plus en plus confrontés à des
cas de résistances multiples à travers les maladies
nosocomiales. La crise de l'avoparcine
en 1996 illustre ce phénomène dont le danger n'est plus
sous-estimé.
Dans les milieux
médicaux français, l'ampleur de la problématique
se traduit à présent par une évolution sensible
de certains procédés médicaux. Ainsi, des
infirmiers et infirmières en maison de retraite Bordelaise
témoignent d'un changement dans les protocoles de traitement
des infections urinaires et cystites touchant les patients.
Au milieu des années
90, les méthodes de traitement étaient quasiment
standardisées : la prise d'antibiotiques à large
spectre (c'est à dire qui agissent sur un grand nombre de
bactéries différentes) était immédiatement
prescrite afin d'enrayer l'infection au plus vite. Il est communément
admis au sein de la communauté scientifique (depuis les années
60, date de la découverte des mécanismes de
résistances) qu'une telle utilisation des médicaments
conduit au développement des mécanismes de résistances.
En revanche, depuis
quelques années, les procédés ont changé.
La campagne de publicité « Les antibiotiques, c’est
pas automatique » en est une des preuves. Les infirmières
témoignent :
« Maintenant,
les médecins nous demandent quasi-systématiquement un
antibiogramme.
C'est
effarant le nombre de résistances développées
chez les personnes âgées! Tenez, madame X, elle a une
infection urinaire aux Echerichia Coli ( Bactéries
communes et responsables de ce type d'infection ) et
l'antibiogramme ne donne que deux antibiotiques efficaces contre les
14 qui devraient être à même d'enrayer
l'infection. »
La procédure
utilisant les antibiogrammes avant la prescription de tout traitement
est en voie de standardisation. Le personnel médical est donc
à présent directement confronté à la
problématique de l'efficacité des antibiotiques qui
prend une ampleur considérable. A l'heure actuelle, l'OMS
considère qu'il s'agit d'une des trois grandes menaces
majeures auxquelles devra faire face l'humanité.
Lien entre médecine
humaine et médecine animale
Les études
scientifiques en cours ont soulevé de nombreux questionnements
quant aux origines diverses de ce phénomène de
résistance, parmi lesquels l'utilisation d'antibiotiques à
des fins zootechniques dans les élevages intensifs.
En effet, aux cours des
dernières années, de nombreux éleveurs ont
utilisé des antibiotiques en tant qu'additifs alimentaires
dans le but d'optimiser leurs méthodes de production.
Cet enthousiasme
apparent pour ces méthodes de production n'est pas partagé
par certains scientifiques qui ont souligné la forte
possibilité de développement de résistances aux
antibiotiques par les bactéries présentes dans les
systèmes digestifs des animaux. Plus particulièrement,
la présence de salmonelles ayant développé des
mécanismes de résistance dans les intestins des porcs
inquiète une partie de la communauté scientifique.
Ceci suscite d'autant
plus d'interrogations que les mécanismes de transmissions de
résistances entre bactéries sont encore mal appréhendés
: un certain nombre de spécialistes évoquent la
possibilité de transmissions de résistances entre les
bactéries présentes en élevage et des bactéries
dangereuses pour la santé humaine telles que les staphylocoques.
Ainsi, selon une partie
des experts, le développement de mécanismes de
résistances en élevage conjointement à la
diffusion de ces mêmes mécanismes entre les bactéries
présentes dans notre environnement pourrait déboucher,
à terme, sur une crise sanitaire et médicale majeure.
Néanmoins, une
telle théorie ne fait pas l'unanimité et certaines
superpuissances outre Atlantique continuent d'utiliser les
antibiotiques à des fins zootechniques en soulignant
l'importance de cette technique dans l'efficacité de leur
production. Ce choix diffère de celui des pays européens
qui présentent une opinion moins tranchée quant à
l'incidence majeure de l'utilisation d'antibiotiques sur la
productivité des élevages.
Les antibiotiques en
chiffres
D’après une
étude réalisée en 2003 par la Fédération Européenne de la Santé
Aanimale (FEDESA) la quantité
d’antibiotiques moyenne consommée cette année-là
par les animaux d’élevage était de l’ordre de 4700
tonnes, ce qui représente 35 % de la quantité totale
d’antibiotiques consommée en Union Européenne en
2003 : 13200 tonnes. La médecine humaine consomme donc la
large majorité (65%) des antibiotiques
produits.
Sur
ces 4700 tonnes consommées par les animaux, 3914 tonnes ont
été utilisées à des fins curatives ou
préventives, l’usage médicamenteux consomme donc 84%
des antibiotiques destinés aux animaux d’élevage.
L’usage zootechnique est très minoritaire avec seulement 786
tonnes consommées sur l’année 2002. On retrouve ici,
l’idée que le problème des antibiotiques facteurs de
croissance est principalement, depuis 2002, un problème
d’image. En effet, les antibiotiques pour lesquels la preuve de
l’existence d’un risque de transmission de résistances a
été faite ont été retirés du
marché des facteurs de croissance. Les antibiotiques restant
(salomycine-sodium, monensine-sodium, avilamycine, flavophospholipol)
sont considérés comme inoffensifs au Canada et aux Etats-Unis.
Cependant, bien que la
consommation d’antibiotiques facteurs de croissance en 2002 soit
faible en volume d’antibiotiques consommés, le poids
économique de ces antibiotiques était très fort
à l’époque dans l’union européenne. En effet
en 2002, le chiffre d’affaires de la commercialisation des facteurs
de croissance en France était de 14.5 millions d’euros. Le
poids économique des antibiotiques facteurs de croissance
était donc considérable, c’est pourquoi les
conséquences de leur retrait généralisé apparaissent avant tout comme
des conséquences économiques.
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