Normes sanitaires

Nouvelles barrières commerciales

Des économistes du CEPII, au cours d’un entretien qu’ils nous ont accordé pour discuter de l’impact des subventions agricoles sur le développement des PMA, ont particulièrement attiré notre attention sur l’utilisation des normes sanitaires comme barrière à l’importation des produits du Sud. Si à la suite des discussions qui se tiennent actuellement à l’OMC l’Union Européenne doit réduire ses subventions agricoles, on peut penser qu’elle protégera alors ses agriculteurs en utilisant un autre moyen : celui des normes sanitaire et phytosanitaire. Ces mesures sont particulièrement nuisibles aux PMA car beaucoup d’entre eux ne disposent pas des fonds, de la main-d’œuvre et des l’infrastructures nécessaires pour se conformer aux normes adoptées.

 

« Les normes sanitaires peuvent servir des intérêts protectionnistes »

Extrait d’un article de Antoine Bouët paru dans Economie Internationale, en 2002 (Version intégrale)

 
La question des normes techniques, sanitaires, phytosanitaires et environnementales est
devenue fondamentale. L’Organisation mondiale du commerce autorise l’adoption d’entraves à l’échange pour des motifs sanitaires ou environnementaux lorsque la barrière adoptée est non discriminatoire, transparente, qu’elle applique la clause du “traitement national” (Le principe du traitement national signifie que les biens importés et les produits de fabrication locale doivent être traités de manière égale) et à condition que cette décision soit scientifiquement appuyée.

Les importations agricoles sont ainsi l’objet depuis quelques années d’une multiplication de ce type de restrictions: Fontagné et Mimouni (2001) montrent ainsi que 865 produits agricoles sur les 878 de la nomenclature Système Harmonisé (6 digits) font l’objet d’au moins une barrière de ce type, dans au moins un pays importateur. Il faudrait dès lors intégrer ce type de mesure dans l’estimation de la protection d’un pays car même si l’OMC exige une preuve scientifique, des normes sanitaires peuvent servir des intérêts protectionnistes.

Il est bien difficile de réaliser l’intégration de cet instrument de la même manière que celle des autres barrières à l’échange. Le calcul d’un équivalent ad valoremest délicat: l’imposition d’une norme constitue-t-il un accroissement du coût fixe ou un accroissement du coût marginal pour les firmes exportatrices?

 

De nouveaux obstacles au commerce de l’Afrique

Résumé d’un article de Gumisai Mutume paru dans la revue Afrique Renouveau,  De nouveaux obstacles au commerce de l’Afrique, 2006

Selon des études réalisées par le Ministère de l’agriculture des Etats-Unis et l’OCDE, en 1996, des barrières techniques contestables ont été signalées dans 62 pays et ont entraîné, d’après les estimations, un manque à gagner de 5 milliards de dollars. Le plus souvent, ces analyses des effets sur le commerce des mesures sanitaires et phytosanitaires s’intéressent essentiellement aux pays développés, bien que la Banque mondiale et d’autres institutions aient laissé entendre que les effets de ces mesures pourraient être plus graves pour les pays en développement qui sont fortement tributaires des exportations agricoles.

Bien qu’il faille de toute évidence des mesures sanitaires et phytosanitaires pour protéger les consommateurs, les retombées bénéfiques de la libéralisation des échanges dans le secteur agricole qu’a permise le cycle d’Uruguay “risquent d’être compromises par le recours à des fins protectionnistes de mesures sanitaires et phytosanitaires”, prévient Mme Simonetta Zarrilli de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement.

 Il existe de nombreux exemples de mesures sanitaires et phytosanitaires ayant servi à limiter l’entrée de marchandises africaines sur les marchés étrangers. Pendant plusieurs années à la fin des années 90, par exemple, les pays européens ont interdit les poissons en provenance du Kenya, du Mozambique, de l’Ouganda et de la Tanzanie en raison de doutes quant aux normes sanitaires de ces pays et à leurs systèmes de réglementation. L’Ouganda a ainsi enregistré un manque à gagner de 36,9 millions de dollars. En Tanzanie, où les poissons et les produits dérivés représentaient 10 % des exportations annuelles, les pêcheurs tributaires des ventes à l’Union européenne ont perdu 80 % de leurs revenus, d’après la Banque mondiale.

“Certaines des conditions imposées sont justifiées sur le plan de la sécurité alimentaire, note M. Nyangito, un chercheur kényan. Mais de nombreux pays africains ont du mal à répondre aux normes en raison d’obstacles techniques et par manque de moyens.” Selon des études réalisées au Kenya, les exploitants agricoles devraient, pour respecter les normes rigoureuses qu’impose l’Union européenne, multiplier leurs dépenses actuelles par dix. L’Ouganda devrait, quant à lui, dépenser 300 millions de dollars pour moderniser ses usines de conditionnement du miel et les producteurs de café devraient supporter une hausse de 200 % de leur frais.

Le Commissaire européen à la santé et à la protection des consommateurs, David Byrne, reconnaît que “l’on s’imagine que l’UE, ainsi que d’autres pays développés, se servent des normes de sécurité alimentaire à des fins protectionnistes”. Il soutient toutefois que les mesures sanitaires et phytosanitaires appliquées par l’Union n’ont pas pour objet de freiner le commerce mais plutôt de préserver les normes sanitaires de la région. “Je reconnais tout à fait que l’UE impose des critères très élevés en matière de sécurité alimentaire et qu’il est difficile de respecter ces critères, en particulier pour les pays en développement, mais je n’ai pas à m’en excuser.”

Sources :
Un.org

 


Ecole des Mines de Paris - Etude de controverses 2007