Il y a 40 000 ans, quand homo sapiens arrive d’Afrique pour occuper l’Europe, cela fait plusieurs centaines de milliers d’années que l’homme de Neandertal y vit. Si personne ne sait comment cette rencontre s’est déroulée, nombreux sont ceux qui émettent des hypothèses. Il est certain que l’homme de Neandertal a dû être affecté par cette arrivée massive. En effet, cette coexistence pendant près de 10 000 ans a très sûrement conduit à des rencontres, des échanges et des troubles. Par ailleurs, ces deux groupes ont aussi dû partager leur territoire et leur domaine d’influence. Comment cela s’est-il déroulé ? L’homme de Neandertal aurait-il pu être dominé, soumis, exterminé pas homo sapiens ?

La fuite de Neandertal après l’arrivée d’homo sapiens
Une donnée maintenant respectée par la majorité du monde scientifique est le fait qu’il n’y pas eu de véritable choc culturel. Les fouilles archéologiques menées sur les deux lignées démontrent que les deux cultures présentaient probablement d’assez fortes similitudes. La lignée néandertalienne pratiquait déjà par exemple le culte des morts, elle avait une culture artistique et utilisait des outils. Ainsi, on peut supposer qu’il y a eu plus un échange de pratiques plutôt qu’une acculturation* d’une espèce sur la seconde. On peut néanmoins imaginer que la vitesse d’adaptation d’homo sapiens à l’évolution de son environnement ait été plus rapide que celle de l’homme de Neandertal. Ce dernier a peut-être essayé d’éviter le nouvel arrivant, de le fuir et ce, en reculant toujours sur son territoire.

Affrontements violents entre les deux lignées
L’hypothèse d’un affrontement physique et violent entre les deux lignées n’est pas non plus à exclure, au moins de manière ponctuelle. En effet, des fossiles néandertaliens retrouvés sur le site préhistorique des « Rois » en Charente pourraient présenter des traces correspondant à une attaque des hommes modernes.

Un possible métissage qui aurait « absorbé » la lignée néandertalienne
L’actualité récente, avec la publication des conclusions des travaux de Pääbo, vient de relancer une hypothèse qui commençait à battre de l’aile. Il s'agit de la question d’un possible métissage entre les deux lignées. Par ailleurs, selon les calculs effectués par les scientifiques, la population néandertalienne (de quelques milliers à quelques dizaines de milliers d’individus) était beaucoup moins importante que la population d’homo sapiens. A supposer que les deux espèces aient été fécondes, on peut imaginer que les deux lignées aient fusionné et que le type néandertalien ait été absorbé par le type sapiens.

Point de vue de João Zilhão°
Dans le cadre de nos recherches, nous avons interrogé João Zilhão°. Il est chercheur à l’université de Bristol, en Angleterre, et il défend la thèse du métissage. Selon lui, homo sapiens et l'homme de Neandertal sont suffisamment proches pour pouvoir être interféconds, mais ont chacun deux « types » différents. La différence entre ces deux groupes pourrait être comparée à celle entre les anciens indigènes d’Amérique et les Européens. De la même façon que les indigènes ont disparu par fusion avec les nouveaux venus, le type néandertalien aurait fusionné avec le type sapiens. L’homme de Neandertal n’a pas disparu, il est en nous.

João Zilhão°

João Zilhão°

Point de vue de Francesco d'Errico°
Selon Francesco d'Errico°, chercheur à l’université de Bordeaux, l’homme de Neandertal a disparu suite à une compétition avec homo sapiens. Cependant, le terme de compétition est entendu au sens large, c'est-à-dire qu’il englobe le terme contact, relations. Il n’avance aucun type de contact particulier, mais ce qui est sûr c’est que l’arrivée d’homo sapiens a chamboulé la vie de l’homme de Neandertal. Selon lui, si disparition il y a eu, c’est celle de la culture néandertalienne. Peut-être y a-t-il eu métissage entre les deux groupes, peut-être font-ils partie de la même espèce ; mais ce qui est sûr, c’est qu’il y a 28 000 ans, la culture néandertalienne a disparu. Les sites archéologiques datés après cette date correspondent à la culture d’homo sapiens.

Point de vue de Svante Pääbo°
Au début du mois de mai 2010, le célèbre chercheur Svante Pääbo° a publié les résultats de ses recherches génétiques sur le génome néandertalien et celui de l’homme moderne. Ces derniers ont démontré que la probabilité était forte que ces deux « espèces » se soient métissées. Ce mélange se serait déroulé il y a 80 000 ans dans la région de l’actuel Moyen-Orient. Pour démontrer cela, Svante Pääbo a fait parler la génétique. Cette découverte relance de nouveau la controverse car l’affaire commençait à être classée, en particulier après les publications de Catherine Hänni°. Dans tous les cas, la difficulté d’obtenir des résultats et l’incertitude sur les résultats laissent toutes les possibilités ouvertes. Il est certain que des découvertes viendront de nouveau bousculer ce dernier résultat.

source : rationalisme.org