Sa théorie stipule que les maladies mentales sont d’abord les conséquences de facteurs socio-économiques et peuvent donc ainsi être empêchées en agissant sur des leviers comme la pauvreté, la surpopulation, la criminalité, le trafic de drogue...

Aussi étonnant que cela puisse paraître aujourd’hui, la politique officielle de santé de l'American Psychiatric Association (APA) en direction des enfants et des adolescents était basée sur ces stratégies prophylactiques, plutôt censées prévenir que guérir.Il faut ici s’intéresser au contexte historique. Les années 1960 sont marquées par la terrible Guerre du Vietnam (1959-1975) et son lot de manifestations, mais plus encore par ce qu'on appelle le Civil Right Movement, mouvement des droits civiques menés par les Noirs américains. Les présidents Kennedy et Johnson prennent des initiatives sociales importantes, ce qui justifie l’intérêt porté aux concepts préventifs de la psychologie sociale.

Évidemment, impossible de soigner rapidement en voulant changer le monde. Plus qu’une vocation qu’un véritable traitement miracle, la psychologie sociale s’est révélée complètement inefficace pour ceux qui cherchaient une solution immédiate.

Citons un article du Journal of the American Medical Association (JAMA) de 1969 : «30% des enfants ont besoin d’aide psychologique. La vaste majorité de ces enfants n’en ont pas reçu». Un échec donc, qui a fait tout de même perdre aux États-Unis l’esprit d’une psychiatrie active allant toujours de l’avant.

Si la psychologie sociale avait su gagner la faveur du président Kennedy, se fut au détriment de la psychanalyse. Entre 1950 et 1960, la psychanalyse dominait le paysage américain, mais 1960 marque définitivement un début de questionnement sur l’efficacité de cette dernière.
Nous avons trouvé dans le Courrier des Lecteurs de la lettre de l’APA cette phrase du psychiatre Mark A. Stewart : « This phenomenon, which unhappily is symptomatic of the general situation of psychiatry today, can make our profession seem ridiculous to other physicians and to scientists in general ».

Pourtant en 1968, quand paraît le DSM-II, l’hyperactivité est encore expliquée par certains processus relevant de la psychanalyse. Mais il est vrai que la toute nouvelle approche qu’offrait la psychologie sociale a complètement déstabilisé la psychanalyse.

Le déclin complet de la psychanalyse dans les années 1970 démontre l’échec du statu quo. En particulier, il a mis en avant l’extrême difficulté à relier la pratique à la théorie. Si les psychanalystes fournissaient de nombreuses explications rationnelles pour comprendre le comportement hyperactif de l’enfant, impossible pour autant de traiter efficacement le trouble !
Impossible de surcroît de mener une psychanalyse longue, difficile sur un enfant incapable de se concentrer. En se référant à l’article sur la prévalence du trouble dans les milieux socialement défavorisés, impossible aussi pour une famille de payer ces thérapies coûteuses.

D’autre part, la popularité croissante des anti-psychotiques et autres anxiolytiques comme la thorazine a fait resurgir l’idée que ces petites pilules magiques pouvait servir de traitementOn l’a vu, la Ritaline a été trouvée presque fortuitement dans les années 1950 comme traitement contre l’hyperactivité. Dans les années 1970, les gens se sont tournés vers les traitements médicamenteux. En particulier ceux atteints de TDAH avec la Ritaline, qui s’est présentée comme un candidat de choix. Il ne reste plus à voir pourquoi la psychologie biologique s’est finalement imposée aujourd’hui.

La psychologie sociale ou la psychanalyse n’ont jamais su apporter une réponse efficace, rapide et peu coûteuse au TDAH. Au contraire, le traitement pharmaceutique réussit là où les deux dernières théories ont échoué : il est simple, pratique et surtoût peu coûteux.

Les parents, frustrés par toutes les autres formes de traitement ont vu dans la Ritaline une alternative simple et immédiate. Des dizaines d’études ont montré son efficacité redoutable à court terme. Une grande confiance dans le médicament s’instaure. La pharmacothérapie devient de plus en plus courante et est même sujette à un marketing de grande ampleur, parfois agressif.

La publicité s’empare du produit et petit à petit en détourne son image.

Cependant, il serait faux de croire que la Ritaline fut le médicament miracle annoncé par les publicités. Les effets de la Ritaline sont en effet quasi-instantanés, mais le médicament ne soigne ou ne guérit en aucun cas le trouble. Il ne fait que contrôler ses symptômes de manière temporaire.

Les fortes ventes de Ritaline enregistrées dans le milieu des années 1960 indiquent qu’aussi bien les psychiatres que les patients ont délibérément accepté tous ses points faibles puisque ce stimulant a réussi là où la psychothérapie a échoué : calmer des enfants hyperactifs en quelques minutesPas entièrement. Les recherches que nous avons menées ont montré que l'état de la recherche dans les années 1970 a beaucoup influencé tous ces comportements. La psychiatrie biologique et la neurologie ont été très discrètes sur l’avancée de leurs recherches sur le TDAH. La seule idée véhiculée alors par le monde de la recherche était que l’efficacité de la Ritaline ne cesserait de s’améliorer avec le temps.

Dans un artice de 1971 intitulé «Psychopharmacology : the Picture is not entirely rosy», le psychiatre Jonathan O’Cole démontre son entière confiance dans le futur de la pharmacologie - bien que l'on concède que le titre de l’article ne donne pas cette impression.

Il faut y voir en filigrane l’intime conviction que les traitements médicamenteux ne sont pas la panacée mais que la psychiatrie suit le bon chemin.

Il s’en est suivi l’impression communément partagée et certainement fausse que la psychologie biologique avait développé une approche de l’hyperactivité beaucoup plus scientifique et donc plus rigoureuse. Juste avant la publication en 1980 de la troisième édition du DMS, les psychiatres Rutter et Shaffer (tous deux orientés psychologie sociale) notèrent que «cette édition serait l’avènement d’une ère scientifique pour la psychiatrie».

Cela a aujourd’hui ouvert la porte à de nouvelles branches issus de la psychiatrie telles la neurologie ou la neuro-psychiatrie, et bien sûr à de nouveaux espoirs en matière de traitement du TDAH [18
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