Les rapports internationaux
Les monographies de l'IARC et les rapports Food, Nutrition and the Prevention of Cancer du WCRF/AICR affirment que les boissons alcoolisées favorisent le développement de certains cancers tels que celui des voies aérodigestives supérieures. Leurs conclusions servent de référence à l'échelle internationale en dépit de quelques critiques des méta-analyses du WCRF.
L'IARC
Le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC ou IARC) étudie des facteurs et des éléments potentiellement cancérigènes et les classent en fonction de leur dangerosité et du niveau de preuve dans un des groupes suivants :
- Catégorie 1 : groupe des agents cancérigènes pour l'Homme
- Catégorie 2A : groupe des agents probablement cancérigènes pour l'Homme
- Catégorie 2B : groupe des agents possiblement cancérigènes pour l'Homme
- Catégorie 3 : groupe des agents dont le potentiel cancérigène est inclassifiable
- Catégorie 4 : groupe des agents probablement non cancérigènes pour l'Homme
En 1988, un groupe d'experts réunis par l'IARC publie une première évaluation qui classe les boissons alcoolisées dans le groupe 1 et établit une relation causale pour les cancers des voies aérodigestives supérieures (VADS) et du foie (Monographie n°44). En 2007, ce rapport est réévalué et le nouveau va encore plus loin en classant l'éthanol des boissons alcoolisées dans le groupe 1. Des relations causales pour les cancers du sein et du colon-rectum sont ajoutées (Monographie n°96 et publication dans the Lancet Oncology). En 2009, c'est l'acétaldéhyde des boissons alcoolisées qui est considéré comme facteur de risque : il est désormais classé dans le groupe 1 (Monographie n°100 et publication dans the Lancet Oncology). Les conclusions des rapports ont été confirmées à chaque réévaluation des données.
Le WCRF et l'AICR
Depuis le début des années 90, le World Cancer Research Fund (WCRF) et l'American Institute for Cancer Research (AICR) travaillent ensemble à l'établissement de rapports sur les liens entre cancer et alimentation. Ces rapports reposent sur une revue systématique de la littérature existante (PubMed) et sur la méta-analyse de ces articles (voir la partie le Type de preuve). L'analyse prend en compte les différents types d'études, la quantité, la qualité et la nature des données, l'homogénéité des résultats et la plausibilité biologique des mécanismes proposés. L'objectif est d'être le plus exhaustif possible, et d'éviter les biais. De plus, la description de la méthode d'analyse permet de satisfaire aux garanties d'objectivité. Le niveau de preuve de chaque localisation de cancer associée à un facteur nutritionnel est qualifié de « convaincant », « probable », « limité mais évocateur » ou d' « effet substantiel sur le risque peu probable ».
Le premier rapport, Food, Nutrition and the Prevention of Cancer est publié en 1997. En ce qui concerne les boissons alcoolisées, le niveau de preuve est jugé convaincant pour un certain nombre de cancers (voies aérodigestives supérieures,…). Il semble qu'en dessous d'un certain seuil, il n'y a aucun risque de cancer, sauf pour le cancer du sein. Le panel indique qu'il n'observe pas de différence entre les différents types de boisson.
Le rapport du WCRF/AICR
En 2007, le premier rapport est réévalué. Le nouveau précise qu'il ne différencie toujours pas les types de boissons. Cependant, les études ne montrent pas l'existence d'un seuil de consommation sans risque.
Les conclusions sont les suivantes :
« Evidence that alcoholic drinks of any type are a cause of various cancers has, on the whole, strengthened. The evidence that alcoholic drinks are a cause of cancers of the mouth, pharynx, and larynx, oesophagus, colorectum (men), and breast is convincing. They are probably a cause of colorectal cancer in women, and of liver cancer. It is unlikely that alcoholic drinks have a substantial adverse effect on the risk of kidney cancer. »
Comment ces rapports sont-ils vus ?
Il est important de noter que ces rapports sont reconnus par l'ensemble de la communauté scientifique. Ceci résulte de leur objectivité et de leur exhaustivité. En outre, ils sont régulièrement mis à jour, ce qui en fait de véritables références. Ils sont donc utilisés comme base pour l'établissement des recommandations adaptées à chaque pays par les gouvernements et les institutions sanitaires. En effet, les résultats doivent être adaptés à chaque pays car le rapport est une perspective mondiale. L'ensemble des facteurs possibles sont étudiés, alors qu'ils ne sont pas présents dans chaque région du monde (comportements alimentaires, hygiène de vie,…).
Cependant, certains scientifiques, comme Denis Corpet, directeur de l'équipe de recherche INRA Aliments et Cancer (UMR INRA-ENVT), membre du réseau NACRe et professeur à l'Ecole Vétérinaire de Toulouse, émettent des commentaires sur les méta-analyses. En effet, en dépit du grand nombre d'études disponibles, seul un petit nombre est jugé assez fiable pour la méta-analyse. Ainsi, les statistiques finales correspondent à quelques études considérées comme de bonne qualité, et non à la globalité. En outre, le facteur de confusion du tabac serait mal pris en compte : seuls les très gros fumeurs ont été retirés des chiffres, alors que la synergie entre alcool et tabac est très importante pour les cancers des VADS. Ce chercheur indique que cela ne remet pas complètement en cause les rapports car ils donnent les risques relatifs pour les études de cohortes et pour les cas-témoin de façon différenciée, ainsi que le nombre d'études utilisées, ce qui permet de se faire une idée du risque. De plus, leurs conclusions prennent en compte les possibles effets bénéfiques d'une consommation modérée d'alcool sur la santé cardiovasculaire. Leurs recommandations semblent donc raisonnables, à la fois en terme de prévention des cancers et de maladies cardiovasculaires.
- Quelle est la position des institutions sanitaires françaises ? -> Voir En France ?