Dépistage et psychologie des patientes
Bien que l’évaluation du programme de dépistage organisé du cancer du sein se base principalement sur son efficacité, d’autres facteurs interviennent. Entre autres, l’impact du dépistage organisé sur la psychologie des patientes est non négligeable, et il faut en tenir compte pour juger du bien fondé ou non de ce programme.
La mobilisation des patientes
Des efforts pour alerter et mobiliser les patientes
Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme, et est la première cause de mortalité féminine par cancer (4). Ainsi, beaucoup d’efforts sont faits, dans le cadre du programme de dépistage organisé du cancer du sein, pour informer et encourager les femmes à aller se faire dépister. Par exemple, une lettre d’invitation au dépistage est envoyée tous les 2 ans aux femmes concernées par le programme (qui ont entre 50 et 74 ans). Cette invitation rappelle aux femmes que le cancer du sein est une réalité, et qu’il faut se faire dépister. Sans elle, beaucoup n’iraient se faire dépister que tous les 10 ans, ce qui est quasiment inutile. (3)
Un problème paradoxal : la démobilisation
L’un des inconvénients du dépistage organisé est qu’il ne tient aucun compte de l’histoire personnelle de la patiente, de ses facteurs de risque… Ainsi, toutes les femmes sont traitées de la même manière, invitées à des examens selon un rythme décidé arbitrairement (2). Cela tend à démobiliser les patientes : certaines, qui n’ont aucun antécédent de cancer dans leur famille, ne se sentent pas concernées par ce programme général, destiné à l’ensemble des femmes ; d’autres, au bout de plusieurs mammographies sans résultats, arrêtent de se faire dépister, pensant qu’elles ne courent aucun risque. Ainsi, le dépistage de masse est-il vraiment bénéfique à la patiente ? Ne vaudrait-il mieux pas qu’elle bénéficie d’un suivi adapté, effectué par son médecin généraliste ? Elle se sentirait ainsi plus concernée et mobilisée.
Stress et traumatismes
Une source d’angoisse
Le programme de dépistage organisé peut créer de l’inquiétude chez de nombreuses femmes.
Tout d’abord, dans l’attente du résultat de la mammographie. Bien que les femmes sachent que la probabilité qu’on leur détecte un cancer est faible, l’incertitude est toujours là, et donc cette période d’attente des résultats est très stressante. Et ce stress est présent à chaque examen, tous les deux ans. (1)
Ensuite, les faux positifs génèrent également une angoisse chez la patiente. Celle-ci a été d’abord soumise à un profond choc lors de l’annonce des résultats (la plupart des patientes s’attendent à ce qu’on ne leur trouve rien, comme l’examen est systématique) et s’est préparée aux modifications que le cancer allait apporter à sa vie. Ensuite, lorsqu’elle apprend finalement qu’elle n’a rien, la crainte reste toujours là. En effet, la patiente s’était préparée à vivre avec le cancer, et bien qu’en réalité elle n’ait rien au, cela a instauré dans son esprit l’idée qu’elle était menacée par le cancer. Le choc psychologique est encore plus important lorsque la patiente est traitée inutilement. La période précédent les mammographies est alors elle aussi génératrice de stress : la peur du cancer est toujours présente. (3)
Une échappatoire à certains traumatismes
D’un autre côté, le dépistage organisé permet de détecter les cancers tôt, ce qui laisse dans certains cas non seulement une possibilité de choix quant au traitement à mettre en œuvre, mais permet aussi d’éviter certains traumatismes. Par exemple, grâce à la détection précoce, il est rare que des femmes touchées par un cancer doivent se faire enlever un sein. Elles échappent ainsi à la sensation d’avoir perdu une partie de leur féminité.
Une question de solidarité
Comme nous le soulignait Mme Nicole Alby, présidente d’honneur de l’association de patientes Europa Dona, une grande majorité des femmes est en faveur du programme de dépistage organisé. Et ce non seulement pour les patientes qui ont bénéficié de ce programme, avec un cancer détecté tôt et soigné, mais aussi pour les autres.
En effet, le dépistage organisé fait intervenir la notion de solidarité : « il faut accepter de parfois surdiagnostiquer Mme Dupont pour sauver Mme Durand ». La majorité des femmes est prête à participer au dépistage organisé, à se mobiliser et à en supporter les inconvénients (stress, surtraitement), pour permettre de sauver l’infime partie des participantes touchées effectivement par un cancer.
Cela est renforcé par le fait que le cancer n’est pas prévisible, n’importe qui peut être touché. Par conséquent les femmes ne savent pas si elles feront ou non partie des rares bénéficiaires du programme de dépistage organisé. Ainsi, dans l’esprit de beaucoup, le programme de dépistage organisé reste une action positive : ou bien, en participant au programme, on permet que celui-ci continue et sauve des vies, ou bien on est soit même sauvée.((3) pour l’ensemble de ce paragraphe)
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