Le parcours polémique du Gardasil en France : une ombre à sa légitimité ?
Le 6 octobre 2005, Merck annonce qu'un de ses vaccins expérimentaux est efficace à 100 % contre la forme la plus commune de cancer du col de l'utérus. Ces résultats couronnent plusieurs années de recherche sur le papillomavirus. Neuf mois plus tard, en juin 2006, le vaccin tétravalent Gardasil obtient une autorisation de mise sur le marché, premier pas vers la commercialisation.
Dans un second temps, La Commission de la Transparence (CT), organe interne de la HAS (Haute Autorité de Santé), est chargée de l’Évaluation des médicaments en vue de leur remboursement, à la demande du laboratoire pharmaceutique concerné. L’avis de cette commission est ensuite transmis au Comité économique des produits de santé (CEPS) qui détermine le prix du médicament et à l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (Uncam) qui fixe le taux de remboursement. La décision finale d’inscription relève de la compétence du ministre de la Santé et est publiée au Journal officiel. Or, le ministre de la Santé d’alors, Xavier Bertrand, annonce dès février 2007 le remboursement de ce médicament. « Il a dit qu’il serait remboursé avant même d’avoir l’avis de la Commission de la Transparence ». déclare Claude Béraud, ancien vice-président de l’Afssaps (Agence française de surveillance sanitaire des produits de santé).
Cette décision prématurée interroge l’existence de conflits d’intérêts, nés des collusions entre le monde politique et l’industrie pharmaceutique. « Le cabinet d’un ministre, il est rempli de gens qui ont des liens très étroits avec l’industrie pharmaceutique. Alors, des liens amicaux ou des liens professionnels, ce sont des experts qui ont travaillé pour l’industrie pharmaceutique pour beaucoup » ajoute-t-il. « Les gens qui sortent du Conseil d’Etat ou de l’ENA, bon, ces gens-là, ils ont un certain nombre d’obligations, mais ils pantouflent beaucoup, comme on dit. Ce pantouflage se fait parfois dans l’industrie pharmaceutique. Donc les présidents des commissions, ils vont et viennent ». Ces conflits d’intérêts existent et doivent officiellement être déclarés. Il ne s’agit pas pour autant de diaboliser les laboratoires qui cherchent comme tout le monde une certaine rentabilité à leur travail.
Dans le même temps, Gardasil est mis sous surveillance renforcée par l’Afssaps et fait l’objet d’un plan de gestion des risques (PGR), procédure ordinaire pour tout nouveau médicament. Dès le 11 juillet 2007, le Gardasil est remboursé à hauteur de 65 % par la Sécurité sociale. L'arrêté du Journal officiel indique que cette prise en charge est réservée « aux jeunes filles âgées de 14 ans » et « aux jeunes femmes de 15 à 23 ans qui n'auraient pas eu de rapports sexuels ou au plus tard dans l'année suivant le début de leur vie sexuelle ». A partir du 24 juillet 2007, le vaccin contre le cancer du col de l’utérus est recommandé dans le calendrier vaccinal tandis qu’une campagne de publicité est lancée ce même été. C’est le début d’un vaste tapage médiatique, aussi bien dans les médias publics et dans la presse que dans les publications scientifiques.
Décision prématurée de remboursement et soupçons de conflits d’intérêts : autant de paramètres qui ont rendu la mise sur le marché du Gardasil particulièrement discutée.