Quels sont les chiffres témoignant de l’efficacité du vaccin ?
Des premiers résultats encourageants
L’immunogénicité du vaccin Gardasil a été prouvée chez les jeunes filles de 9 à 15 ans ainsi que chez les femmes âgées de 16 à 26 ans. Des études complémentaires ont également montré sa capacité à induire une réponse immunitaire chez les jeunes garçons.
En ce qui concerne la durée de protection contre les virus HPV 6, 11, 16 et 18, les études n’ont pas permis de conclure à une évaluation précise de la persistance de l’immunité après la vaccination. Cependant, le phénomène de mémoire immunitaire a été observé cinq ans après l’injection de la première dose de Gardasil.
Enfin, l’efficacité vaccinale de Gardasil n’a été prouvée que pour une population de sexe féminin.
La prévention du cancer du col a donc été évaluée indirectement via l’observation de l’apparition de lésions précancéreuses, les dysplasies de haut grade, déclenchée par les quatre virus cibles du vaccin. Le diagramme suivant, extrait du rapport de la HAS d’août 2007, indique les résultats de l’étude.
Les résultats présentés ci-dessus s’avèrent très encourageants : alors que les virus HPV 6, 11, 16 et 18 sont à l’origine de 70% des cas de cancer du col de l’utérus, le vaccin Gardasil est efficace à 100% contre ces quatre souches chez une femme qui n’aurait pas été infectée avant la fin de la vaccination.
Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit de la validation de critères intermédiaires. Aussi, Catherine Riva tempère ces résultats : « Si les cancers sont provoqués à 53% par les HPV 16 et 18, on peut se dire que dans la population vaccinée, l’efficacité du vaccin sera de 53%. […] On voulait voir quel était l’effet de Gardasil quand on prenait en compte toute les lésions, quelque soit le HPV associé. On s’attendait à ce que ça corresponde à 53% de moins que dans la population placebo. Or, les résultats sont de 16,9% [selon un rapport de la FDA] et ce résultat n’est pas même pas statistiquement significatif. Cela signifie que même si le vaccin est très efficace contre les HPV 16 et 18, cela n’entraine pas la baisse attendue du nombre de nouveaux cas de lésions précancéreuses ».
Effectivement, même si le Gardasil protège la personne vaccinée des souches HPV les plus oncogènes, il est possible que d’autres virus oncogènes qui n’étaient pas majoritaires occupent le terrain laissé libre. Claude Béraud pointe du doigt ce phénomène : « Il est hautement probable que le fait de perturber l’écologie de ces virus en réalisant une immunité contre quatre d’entre eux favorise le développement d’autres sortes de virus qui deviennent oncogènes ou l’apparition de niches dans lesquelles vont pouvoir se loger d’autres virus ».
La guerre des chiffres
Au vu des enjeux économiques entourant Gardasil, nous comprenons donc que, pour évaluer l’efficacité de ce vaccin, une véritable guerre des chiffres s’est déclarée.
Ainsi, en réponse au rapport publié par la FDA annonçant une réduction de 16,9% des cas de cancer du col utérin après vaccination, Sanofi Pasteur a revu ce chiffre à la hausse dans un article publié en 2010, l’estimant à 42%. Comment expliquer ces différences ? Tout repose dans le choix de l’échantillon de population test. Dans le cas où l’efficacité du vaccin a été évaluée à hauteur de 16,9%, le groupe qui a reçu le vaccin était une population per protocole. Cela signifie que les jeunes filles étaient négatives aux HPV 16 et 18 avant vaccination, ont respecté scrupuleusement le schéma vaccinal et ont été vaccinée pendant trois ans. La vaccination placebo a reçu tout le vaccin sans l’antigène. Selon Catherine Riva, il s’agissait d’« une randomisation très bien faite, chaque groupe est comparable ».
Au contraire, l’étude publiée par Sanofi Pasteur était basée sur un échantillon de population défini après coup. En effet, le laboratoire a affirmé ne pas avoir les équipements nécessaires pour typer les autres virus que HPV 16 et 18 lors de l’étude. Or certaines filles étaient porteuses d’autres souches de HPV. Catherine Riva souligne donc le fait que « [nous n’avons] pas la preuve qu’ils [Sanofi] ont mis toutes les filles qui vérifiaient leurs critères. Ils ont très bien pu mettre le nombre de filles qui les arrangeait, qui n’ont pas fait de lésions pour la population vaccinée et mettre beaucoup de filles qui portent une lésion dans la population placebo ». Les résultats annoncés par Sanofi présentent donc un moins bon niveau de preuve que ceux de la FDA. Par ailleurs, le laboratoire n’a pas souhaité s’exprimer à ce sujet.
La disparité des chiffres concernant le Gardasil ne s’arrête pas à son efficacité définie sur un critère final. Par exemple, l’incertitude au sujet de la durée d’efficacité du vaccin et de l’éventualité d’un rappel suscite de nombreuses réactions.
De même, la question de la population visée par le vaccin ne fait pas l’unanimité : à quel moment la vaccination sera-t-elle la plus profitable ?