Retranscription de l'entretien avec Catherine Riva

Le vaccin Gardasil présente-t-il un réel danger pour la santé ? En effet, la presse insiste surtout sur les effets secondaires associés à ce vaccin. Par exemple, l’article de Libération « Calvaire post-vaccin » de juin 2011.

Je crois que vous faites allusion aux jeunes femmes qui ont déposé plainte chez le même cabinet d’avocats. Elles veulent obtenir une réparation parce que les effets sont apparus juste après qu’elles aient été vaccinées. Il y a plusieurs aspects dans votre question. Je vous ai envoyé le lien concernant ce document préparatoire qui avait été remis aux membres du comité de la FDA et qui a voté l’homologation du Gardasil. Nous avons beaucoup investigué sur la question de l’efficacité. Actuellement, en France, la question qui est médiatisée depuis fin décembre concerne les effets secondaires du vaccin. J’ai préparé une série de liens que je vais vous envoyer au fur et à mesure par e-mail. Je vous envoie la notice d’emballage du Gardasil. Elle est faite en accord avec la FDA qui est l’agence de régulation aux Etats-Unis. Les effets indésirables qui sont officiellement reconnus par la FDA sont des effets secondaires bénins qui sont les maux de tête, les réactions d’injection, la fièvre, les nausées, les vertiges, des démangeaisons et des brûlures. C’est ce qu’on a principalement. Ensuite, vous avez des réactions observées par rapport à la vaccination mais qui n’est pas vraiment considéré comme des effets secondaires reconnus. Ce sont des maladies auto-immunes dont une particulièrement spectaculaire qui est le syndrome de Guillain-Barré et puis des crises de syncopes qui peuvent survenir après la vaccination. Il y a également des jeunes femmes vaccinées dont les parents ont reporté au VAERS certains effets, l’agence qui permet de répertorier les effets observés après la vaccination. En fait, il n’y a pas d’effets secondaires hormis les effets secondaires qui sont liés à la vaccination mais pas d’effets officiellement liés au Gardasil. Il y a une certaine fréquence d’évènements qui se passent mais disons ce qui est régulièrement avancé, c’est que ces effets secondaires n’arrivent pas plus souvent chez des jeunes femmes qu’on n’a pas vaccinées qu’ on ne les attendrait dans une population normale. Beaucoup de maladies auto-immunes se déclarent à l’adolescence. C’est quelque chose qui est admis. Tout le problème des effets secondaires et c’est d’ailleurs, à ma connaissance, la raison pour laquelle dans la plupart des demandes de réparation faites en justice – ça a déjà été le cas pour la vaccination contre l’hépatite B- il est très difficile de prouver rétrospectivement que deux évènements qui se passent simultanément ont un lien de causalité. A ma connaissance, il y a eu au niveau des indemnisations dans le cas de la sclérose en plaques et la vaccination contre l’hépatite B – officiellement, la vaccination contre l’hépatite B on n’a jamais réussi à prouver qu’elle déclenchait des scléroses en plaques. Je crois qu’il y a eu un ou deux cas où GSK a du payer suite à une plainte faite par une femme qui avait été vaccinée pour l’hépatite B. C’est vrai que ça domine actuellement la presse en France, cette question des effets secondaires des vaccins. Mais je dirais que sur le terrain des effets secondaires de la vaccination on a encore très peu d’éléments – cela concerne la vaccination en général, c'est-à-dire qu’il y a eu beaucoup de théories mais aucune a été totalement validée scientifiquement.

Comment établir un lien entre le vaccin et les effets secondaires supposés ?

Je me suis renseignée sur MedLine. On a recours à l’épidémiologie, quelque chose qu’on appelle les critères de Bredford Hill, qui est une série de 9 critères. Il y a plusieurs types d’études. Il y a les études prospectives, c'est-à-dire des études où on parie que si on vaccine la population, on aura tel et tel effet qui se produiront. Ces études qui sont randomisées, c'est-à-dire que la population sur laquelle on donne le vrai médicament et la population à laquelle on va donner le placebo, sont considérées comme des études de bon niveau de preuve. Les études qu’on a sur le Gardasil sont des études prospectives randomisées. En revanche, vous avez d’autres études qu’on appelle des études observationnelles. On émet une hypothèse sur une population où on observe ce qui se passe. Le problème, c’est qu’on intervient sur une population à un moment donné et on observe quelque chose qui n’est peut-être pas dû à l’intervention. On peut prendre un exemple un peu tarte à la crème mais qui illustre bien, c’est une étude en Allemagne, ou on a compté le nombre de cigognes qui nichaient dans des villages et on a regardé combien d’enfants naissaient dans ces villages. Dans les villages où il y avait plus de cigognes qui nichaient, naissaient plus d’enfants. Est-ce qu’on peut en conclure que les cigognes amènent des enfants ? Non. Donc c’est toute la difficulté de ces études. C’est un argument qui est souvent donné par les fabricants et dans la presse, c’est de dire que deux évènements se sont produits simultanément mais on ne peut conclure sur un lien de cause à effet. Il y a quand même plusieurs études qui ont été menées. Il existe notamment une récente étude canadienne menée par Show ?? et ???novich [nous sommes désolés, impossible de retrouver le nom !]. Pour les vaccins, il y a du reporting spontané vu que les médecins sont censés rapporter à l’agence du médicament de leur pays les effets secondaires. Cela est soumis à l’appréciation du médecin. On a eu plusieurs documentaires qui ont montré que plusieurs médecins tendent à ne pas déclarer certains effets comme consécutifs à la vaccination. Ils ont peut-être un biais mais en fait ils connaissent d’emblée l’hypothèse que ça peut être dû à autre chose et pas à la vaccination. Du fait de ce reporting spontané, il est très difficile de se faire une idée réelle de l’ampleur des effets secondaires. Donc il y a plus de difficultés à savoir quels sont les effets secondaires réels d’un vaccin. Il y a d’abord le caractère rétrospectif comme je vous l’ai dit, il y a fait qu’il s’agit d’un reporting spontané. N’empêche que Show et ???novich ont montré que le reporting spontané touchant au vaccin HPV est spectaculairement important comparé aux autres vaccination. Ensuite, personne à ma connaissance n’a essayé de le soumettre à ces fameux critères de Bredford Hill, ces 9 critères. Il y a quand même une très très grande difficulté avec les personnes qui accusent –je ne mets pas du tout en cause leur bonne foi- le vaccin d’avoir des effets secondaires. J’ai quelques doutes qu’elles arrivent à faire que 1) la firme reconnaisse au tribunal que les dommages qu’elles ont subis sont dus à cette vaccination et 2) qu’elles obtiennent une réparation compte tenu de toutes les difficultés qu’il y a du point de vue scientifique et aussi par le système de reporting actuel, de véritablement pouvoir dire voilà, il y a une probabilité extrêmement importante que les effets secondaires soient liés à ça.

Qui réalise les études sur les effets secondaires ?

Il n’y a pas d’étude sur les effets secondaires. Il y a des dispositifs d’observation, il y a des chercheurs qui étudient ces observations mais on a des études post marketing qui sont faites. On observe de grands échantillons de population vaccinée mais là, c’est de l’étude observationnelle donc rétrospective et le niveau de preuve est considéré comme moins bon que ce qu’on a en période d’étude de phase 3 c'est-à-dire des études cliniques qui doivent prouver l’efficacité d’un produit et qui précèdent l’homologation. Actuellement, les meilleures études que l’on ait sur Gardasil, ce sont les études de phase 3 qu’on a appelé futur 1 et futur 2, et qui ont évalué l’efficacité du vaccin et les documents que je vous ai envoyés résumant les résultats qui ont étés réclamé par le FDA et qui ont publiés dans de grands journaux scientifiques.

Que pensez-vous de la présence d’aluminium et de borax dans le vaccin ?

Effectivement, l’aluminium a pour but d’améliorer l’efficacité du vaccin en suscitant une réaction immunitaire plus forte. Dans un article que j’ai lu, un pédiatre se posait la question par rapport au vaccin. On a des rapports de toxicité des sels d’aluminium mais il y a toujours des questions de dosage et puis ce n’est pas la même chose si vous l’injectez à un enfant ou à un adulte tout simplement parce que les capacités rénales d’élimination, le métabolisme etc. ne sont pas les mêmes. Mais l’aluminium n’est pas une substance neutre. Ce pédiatre a demandé à la FDA si on avait évalué la toxicité des adjuvants, notamment de l’aluminium qui est très couramment ajouté comme adjuvant dans les vaccins, et il y a très peu de choses. Il y a eu un review de la collaboration cocrain ?? C’est une organisation qui est un laboratoire pharmaceutique qui fait des méta-analyses. Dans les études scientifiques, elles ont un très bon niveau de preuve et elles regroupent ce qu’on peut tirer d’un problème médical donné à partir de ce que donne la littérature médicale. Il y a eu un review pour savoir si l’aluminium dans les vaccins était toxique, et celui qui a suivi ces reviews est Tom Jefferson. Il a été assez présent médiatiquement pour dénoncer les abus au niveau de la communication autour de la grippe H1N1 et notamment autour de la vaccination antigrippe, et des achats d’actifs des gouvernements concernant le Tamiflu, un anti grippal. Et pour l’un, et pour l’autre, l’efficacité était quasiment nulle et dans le cas du Tamiflu, il y avait des effets délétères qui n’étaient pas du tout négligeables. Jefferson a donc signé ce review qui a été conduit par plusieurs chercheurs. Il n’avait trouvé que 5 études pas trop mal faites sur la toxicité de l’aluminium dans les vaccins. Quand on pense au nombre de personnes qui sont concernées par la vaccination, c’est très étonnant. Jefferson a montré qu’on n’avait pas de preuve de la toxicité de l’aluminium, conclusion qui est assez déroutante. Il a conclu qu’il n’y avait plus aucune raison d’investiguer dans ce domaine. Je ne comprends pas cette déclaration car en science, il y a toujours possibilité d’investiguer dans un domaine. Donc sa conclusion est très surprenante. Donc sur l’aluminium, on a peu de choses. Mais c’est clair que l’aluminium n’est pas neutre et dans d’autres circonstances, des toxicologues ont décrit des effets délétères de l’aluminium qui, d’un certain côté, rappellent ce qu’on observe après une vaccination. Mais nous n’avons pas la preuve que c’est dû à ça. En ce qui concerne le borate de sodium, je vous envoie ce que dit MedLine là-dessus. Il est toxique. Je ne sais pas d’ailleurs pourquoi il est utilisé. Je ne suis pas une spécialiste de tout ce qui est lié à la sécurité des vaccins. Mais j’ai trouvé quelques éléments qui pourraient répondre à vos questions. Les études toxicologiques inciteraient donc à une certaine prudence. On ne peut exclure que ces éléments soient à l’origine de maladies délétères. On ne peut pas dire qu’ils ne méritent pas d’attention particulière. Il y a un autre problème par rapport aux effets secondaires et qui nous amène à la question des fameuses études d’efficacité du Gardasil, c’est en fait qu’il n’y a eu qu’une seule étude qui avant homologation du Gardasil était là pour s’assurer de la sécurité du vaccin. C’est le protocole 018, et cette étude, lorsqu’elle a été publiée, l’auteur a annoncé avec une certaine fierté qu’il s’agissait de la seule étude où les groupes comparés – il y avait un groupe qui avait reçu le vaccin, l’autre groupe a reçu ce qu’il a appelé un placebo salin. Ce qu’il faut savoir, c’est que dans toutes les études de phase 3 qui ont été faites (donc notamment le protocole 007, 013, 015), le groupe placebo c'est-à-dire le groupe qui sert de comparateur n’avait pas reçu ce qu’on appelle communément sous le nom de placebo mais avait reçu le vaccin complet sans l’antigène. Il avait reçu aussi l’aluminium, le borax enfin tout ce qui a dans le vaccin. L’auteur qui reporte les résultats de cette étude 018, ce qu’il appelle le placebo salin, c’est le vaccin sans l’antigène, sans les sels d’aluminium, mais avec tout le reste. C’est-à-dire le borax, et tous les excipients qui sont dedans. Les résultats ont montré qu’il n’y avait pas plus d’incidents dans le groupe vacciné que dans le groupe placebo, mais il faut voir que si on compte l’effectif de tous les collectifs pour les tests de phase 3 qui ont été vaccinés ou reçu le placebo, ça représente plusieurs dizaines de milliers de sujets. 018, si ma mémoire est bonne, ce sont en tout 500 personnes qui ont reçu ce placebo dit salin et en fait qui n’est pas vraiment salin. Donc ensuite, ce qu’on a fait, c’est qu’on a poolé, c'est-à-dire qu’on a pris le nombre d’effets secondaires qu’on a constaté dans les autres études ou les placebos contenaient tout sauf l’antigène, et là on a compté les résultats du nombre d’effets secondaires. Est-ce qu’il y en a beaucoup plus dans la population placebo ou est-ce que c’est comparable. Ce qu’on peut dire en fait, c’est que d’abord les études de sécurité ont porté sur un collectif qui était très réduit, comparé au reste, mais surtout en fait ce qu’on a comme résultats sur la sécurité du vaccin issu des études de phase 3 sont en fait une espèce de sous produit d’études qui avaient été désignées pour prouver l’efficacité du vaccin. Comme la plupart des effectifs vaccinés sont comparés avec les effectifs qui ont reçu un placébo qui est en fait tout le vaccin sauf l’antigène, ce n’est pas forcément dire oui, quand on injecte l’antigène, avec tout le reste, ça ne fait pas beaucoup plus d’effets secondaires que lorsqu’on injecte tout sans l’antigène. Ces études montrent qu’il n’y a pas plus d’évènements qui se produisent dans la population vaccinée que dans la population placebo. Mais il faut commenter ce résultat en sachant qu’il y avait quoi dans le placebo ? Parce que si vous avez, dans le placebo, des principes qui sont aussi des principes actifs, des excipients comme le sel d’aluminium ou comme le borax, vous pouvez simplement dire que la seule différence qu’il y a entre la population vaccinée et la population placebo, c’est que la population ayant reçu le placebo n’a pas reçu l’antigène. Mais elle a reçu tout le reste. Donc, ça veut dire que la probabilité – parce qu’on sait que l’aluminium et le borax provoquent des réactions- vous aurez à montrer dans une population placebo comme dans une population vaccinée, vous aurez probablement un nombre comparable d’évènements liés à l’aluminium et au borax. Et le fabricant et les autorités de régulation disent qu’il n’y a pas eu plus d’évènements dans la population vaccinée que dans la population placebo. Mais comme le placebo n’est pas une substance inerte, et on joue sur cette ambivalence, on fait juste une piqûre avec rien dedans et la personne croit qu’elle a reçu le vaccin et l’effet placebo peut avoir lieu mais physiologiquement ça ne fait rien du tout, et bien là il ne se vérifie pas. Dans ce cas d’étude, il y a eu une petite étude qui s’appelle 018 où là, la population placebo a reçu un produit qui était le vaccin mais sans l’antigène, sans les sels d’aluminium, mais avec tout le reste. Par ailleurs, si vous prenez ce collectif qui avait reçu ce placebo sans aluminium, il est beaucoup plus petit que le collectif qui a reçu le placebo avec aluminium. Et ensuite quand on pool, c'est-à-dire quand on met tous ces résultats ensemble, même si chez ceux qui n’avaient pas l’aluminium vous avez beaucoup moins d’effets secondaires que chez ceux qui avaient l’aluminium, ça va disparaître dans la masse. Du coup, vous aurez la déclaration que donnent le fabricant et les autorités de la vaccination, c’est de dire vous n’avez pas plus d’effets indésirables dans une population vaccinée que dans une population placebo, donc le vaccin est sûr. Ou bien, il est dans les limites du risque acceptable. Ces aspects de méthodologie sont très importants. Il y a eu quand même deux ou trois choses qui sont apparues, et là, le document de la FDA que je vous ai envoyé est important. Il y a une analyse d’efficacité qui a été faite chez les femmes – donc on a découvert qu’elles étaient déjà porteuses des HPV 16 ou 18 et qui ont quand même été vaccinées. Et il s’est avéré que pour les femmes qui étaient déjà porteuses, si on les vaccinait, elles avaient un risque qui était plus important que la population placebo de développer des lésions précancéreuses de haut grade. C’est un risque qui a sauté aux yeux des autorités de santé américaines, même si ça n’était pas statistiquement significatif. Mais il y avait déjà là un premier signal qui montrait que cette piste méritait d’être expliquée, car il s’agissait de savoir si en vaccinant quelqu’un déjà porteur du virus HPV, il ne courait pas un risque supplémentaire de développer des lésions précancéreuses. Ce sont les choses qui sont apparues dans ces études de très bon niveau de preuve. C’est tout ce que je peux vous dire, actuellement, sur ce que je sais, sur les effets secondaires du Gardasil.

Le vaccin a-t-il été mis trop vite sur le marché ?

Je ne rangerais pas cette question dans la perspective des effets secondaires mais plutôt dans ce qui touche à l’efficacité du vaccin. Le message dominant au moment du lancement du vaccin et le message qu’on continue de donner aux parents est que vous avez dans une population qui a eu le cancer du col de l’utérus, il permet d’éviter l’apparition d’une tumeur dans 70% des cas car les virus HPV 16 et 18 sont responsables de 70% des tumeurs. Dans le cas des études de phase 3, le vaccin a montré une efficacité extraordinaire, proche de 100%, contre les HPV 16 et 18 c'est-à-dire que chez les filles vaccinées, il n’y a pas eu de cas de sujets qui ont développé des lésions précancéreuses associées aux HPV 16 ou 18. C’est le message qui a été diffusé. Le nerf de la guerre, c’est que Gardasil est présenté comme un vaccin anti-cancer. L’objection consiste à dire qu’on n’a pas la preuve que le vaccin prévient le cancer car le cancer du col suit une évolution très lente. On ne saura que dans 15 ou 20 ans si ce vaccin permet de combattre ce cancer. Ce que J.-P. Spinoza et moi avons mis en évidence, c’est que Gardasil, nous on accepte sans problème que la FDA et Merck se soient mis d’accord, on ne peut pas attendre de voir si le vaccin est efficace contre le cancer, d’abord parce que ce n’est pas éthique. On a les moyens de soigner à 100% les lésions précancéreuses. Lorsqu’une femme présente des lésions précancéreuses de haut grade appelé CIN 3, on a cette possibilité de faire une thérapie. Le frottis de dépistage permet –il ne détecte pas tout- mais il permet de prévenir ces lésions et de les traiter. Et on a des moyens de traitement assez efficaces. Quel est le critère clinique le plus pertinent ? SI l’efficacité du vaccin remplit ce critère clinique, il sera considéré comme efficace pour prévenir le cancer. Et les investigateurs se sont mis d’accord avec la FDA en disant que le critère en question est l’apparition de lésions précancéreuses de haut grade parce que ce sont celles qui, si on ne les traite pas, on le moins de chance de régresser spontanément. Je n’ai pas de problème avec le choix de ce critère. En revanche, ce qui pose un problème, c’est que quand vous prenez un cancer, dans 70% des cas, il sera provoqué soit par un HPV 16, soit un HPV 18, soit avec les deux. Mais vous avez encore les 30% restant qui sont associés à d’autres HPV à haut risque qui sont le 35, le 54… Le problème, c’est que si vous mettez hors circuit 16 et 18, est ce que les autres vont continuer à se tenir tranquille ou bien est ce qu’ils vont profiter de la place laissée par les deux « dominators » ? C’est une vraie question. On ne sait pas si la vaccination va permettre de diminuer le nombre de CIN 3 dans les proportions qu’on attendait. Si les cancers sont provoqués à 53% par les HPV 16 et 18, on peut se dire que dans la population vaccinée, l’efficacité du vaccin sera de 53%. Mais regardez dans le tableau 25 page 17 du rapport de la FDA. Vous avez le nombre de filles vaccinées per protocole. La population per protocole, ce sont des filles qui étaient négatives aux HPV 16 et 18 avant d’être vaccinées, qui ont reçu l’ensemble du schéma vaccinal, et qui n’ont pas fait de violation de protocole c'est-à-dire qu’elles ont suivi tout ce qui était prévu. C’est une population « parfaite » si on veut. Vous avez aussi la population placebo, qui a reçu tout le vaccin sans l’antigène. C’est une randomisation très bien faite, chaque groupe est comparable. On voulait voir quel était l’effet de Gardasil quand on prenait en compte toute les lésions, quelque soit le HPV associé. On s’attend à ce que ça corresponde à 53% de moins que dans la population placebo. Or, les résultats sont de 16,9% et ce résultat n’est pas même pas statistiquement significatif. Cela signifie que même si le vaccin est très efficace contre les HPV 16 et 18, cela n’entraîne pas la baisse attendu du nombre de nouveaux cas de lésions précancéreuses. C’est un très gros problème et il y a plein d’hypothèses. Une des hypothèses et que d’autres HPV à haut risque ont pris le relais, donc il y a quand même apparition d’un CIN 3 qui nécessite une cônisation ou une intervention au laser. On peut se demander quels sont les bénéfices d’une telle vaccination pour une population. Elle permet de prévenir une partie des cancers du col et donc de s’épargner des interventions chirurgicales qui présentent elles aussi un risque. Mais son efficacité contre le cancer du col en général n’est pas prouvée, et dans tous les cas il faut continuer le frottis. Donc il y a beaucoup de problèmes à prendre en compte.

Le vaccin Gardasil présente-t-il un réel danger pour la santé ? En effet, la presse insiste surtout sur les effets secondaires associés à ce vaccin. Par exemple, l’article de Libération « Calvaire post-vaccin » de juin 2011.

Je crois que vous faites allusion aux jeunes femmes qui ont déposé plainte chez le même cabinet d’avocats. Elles veulent obtenir une réparation parce que les effets sont apparus juste après qu’elles aient été vaccinées. Il y a plusieurs aspects dans votre question. Je vous ai envoyé le lien concernant ce document préparatoire qui avait été remis aux membres du comité de la FDA et qui a voté l’homologation du Gardasil. Nous avons beaucoup investigué sur la question de l’efficacité. Actuellement, en France, la question qui est médiatisée depuis fin décembre concerne les effets secondaires du vaccin. J’ai préparé une série de liens que je vais vous envoyer au fur et à mesure par e-mail. Je vous envoie la notice d’emballage du Gardasil. Elle est faite en accord avec la FDA qui est l’agence de régulation aux Etats-Unis. Les effets indésirables qui sont officiellement reconnus par la FDA sont des effets secondaires bénins qui sont les maux de tête, les réactions d’injection, la fièvre, les nausées, les vertiges, des démangeaisons et des brûlures. C’est ce qu’on a principalement. Ensuite, vous avez des réactions observées par rapport à la vaccination mais qui n’est pas vraiment considéré comme des effets secondaires reconnus. Ce sont des maladies auto-immunes dont une particulièrement spectaculaire qui est le syndrome de Guillain-Barré et puis des crises de syncopes qui peuvent survenir après la vaccination. Il y a également des jeunes femmes vaccinées dont les parents ont reporté au VAERS certains effets, l’agence qui permet de répertorier les effets observés après la vaccination. En fait, il n’y a pas d’effets secondaires hormis les effets secondaires qui sont liés à la vaccination mais pas d’effets officiellement liés au Gardasil. Il y a une certaine fréquence d’évènements qui se passent mais disons ce qui est régulièrement avancé, c’est que ces effets secondaires n’arrivent pas plus souvent chez des jeunes femmes qu’on n’a pas vaccinées qu’ on ne les attendrait dans une population normale. Beaucoup de maladies auto-immunes se déclarent à l’adolescence. C’est quelque chose qui est admis. Tout le problème des effets secondaires et c’est d’ailleurs, à ma connaissance, la raison pour laquelle dans la plupart des demandes de réparation faites en justice – ça a déjà été le cas pour la vaccination contre l’hépatite B- il est très difficile de prouver rétrospectivement que deux évènements qui se passent simultanément ont un lien de causalité. A ma connaissance, il y a eu au niveau des indemnisations dans le cas de la sclérose en plaques et la vaccination contre l’hépatite B – officiellement, la vaccination contre l’hépatite B on n’a jamais réussi à prouver qu’elle déclenchait des scléroses en plaques. Je crois qu’il y a eu un ou deux cas où GSK a du payer suite à une plainte faite par une femme qui avait été vaccinée pour l’hépatite B. C’est vrai que ça domine actuellement la presse en France, cette question des effets secondaires des vaccins. Mais je dirais que sur le terrain des effets secondaires de la vaccination on a encore très peu d’éléments – cela concerne la vaccination en général, c'est-à-dire qu’il y a eu beaucoup de théories mais aucune a été totalement validée scientifiquement.

Comment établir un lien entre le vaccin et les effets secondaires supposés ?

Je me suis renseignée sur MedLine. On a recours à l’épidémiologie, quelque chose qu’on appelle les critères de Bredford Hill, qui est une série de 9 critères. Il y a plusieurs types d’études. Il y a les études prospectives, c'est-à-dire des études où on parie que si on vaccine la population, on aura tel et tel effet qui se produiront. Ces études qui sont randomisées, c'est-à-dire que la population sur laquelle on donne le vrai médicament et la population à laquelle on va donner le placebo, sont considérées comme des études de bon niveau de preuve. Les études qu’on a sur le Gardasil sont des études prospectives randomisées. En revanche, vous avez d’autres études qu’on appelle des études observationnelles. On émet une hypothèse sur une population où on observe ce qui se passe. Le problème, c’est qu’on intervient sur une population à un moment donné et on observe quelque chose qui n’est peut-être pas dû à l’intervention. On peut prendre un exemple un peu tarte à la crème mais qui illustre bien, c’est une étude en Allemagne, ou on a compté le nombre de cigognes qui nichaient dans des villages et on a regardé combien d’enfants naissaient dans ces villages. Dans les villages où il y avait plus de cigognes qui nichaient, naissaient plus d’enfants. Est-ce qu’on peut en conclure que les cigognes amènent des enfants ? Non. Donc c’est toute la difficulté de ces études. C’est un argument qui est souvent donné par les fabricants et dans la presse, c’est de dire que deux évènements se sont produits simultanément mais on ne peut conclure sur un lien de cause à effet. Il y a quand même plusieurs études qui ont été menées. Il existe notamment une récente étude canadienne menée par Show ?? et ???novich [nous sommes désolés, impossible de retrouver le nom !]. Pour les vaccins, il y a du reporting spontané vu que les médecins sont censés rapporter à l’agence du médicament de leur pays les effets secondaires. Cela est soumis à l’appréciation du médecin. On a eu plusieurs documentaires qui ont montré que plusieurs médecins tendent à ne pas déclarer certains effets comme consécutifs à la vaccination. Ils ont peut-être un biais mais en fait ils connaissent d’emblée l’hypothèse que ça peut être dû à autre chose et pas à la vaccination. Du fait de ce reporting spontané, il est très difficile de se faire une idée réelle de l’ampleur des effets secondaires. Donc il y a plus de difficultés à savoir quels sont les effets secondaires réels d’un vaccin. Il y a d’abord le caractère rétrospectif comme je vous l’ai dit, il y a fait qu’il s’agit d’un reporting spontané. N’empêche que Show et ???novich ont montré que le reporting spontané touchant au vaccin HPV est spectaculairement important comparé aux autres vaccination. Ensuite, personne à ma connaissance n’a essayé de le soumettre à ces fameux critères de Bredford Hill, ces 9 critères. Il y a quand même une très très grande difficulté avec les personnes qui accusent –je ne mets pas du tout en cause leur bonne foi- le vaccin d’avoir des effets secondaires. J’ai quelques doutes qu’elles arrivent à faire que 1) la firme reconnaisse au tribunal que les dommages qu’elles ont subis sont dus à cette vaccination et 2) qu’elles obtiennent une réparation compte tenu de toutes les difficultés qu’il y a du point de vue scientifique et aussi par le système de reporting actuel, de véritablement pouvoir dire voilà, il y a une probabilité extrêmement importante que les effets secondaires soient liés à ça.

Qui réalise les études sur les effets secondaires ?

Il n’y a pas d’étude sur les effets secondaires. Il y a des dispositifs d’observation, il y a des chercheurs qui étudient ces observations mais on a des études post marketing qui sont faites. On observe de grands échantillons de population vaccinée mais là, c’est de l’étude observationnelle donc rétrospective et le niveau de preuve est considéré comme moins bon que ce qu’on a en période d’étude de phase 3 c'est-à-dire des études cliniques qui doivent prouver l’efficacité d’un produit et qui précèdent l’homologation. Actuellement, les meilleures études que l’on ait sur Gardasil, ce sont les études de phase 3 qu’on a appelé futur 1 et futur 2, et qui ont évalué l’efficacité du vaccin et les documents que je vous ai envoyés résumant les résultats qui ont étés réclamé par le FDA et qui ont publiés dans de grands journaux scientifiques.

Que pensez-vous de la présence d’aluminium et de borax dans le vaccin ?

Effectivement, l’aluminium a pour but d’améliorer l’efficacité du vaccin en suscitant une réaction immunitaire plus forte. Dans un article que j’ai lu, un pédiatre se posait la question par rapport au vaccin. On a des rapports de toxicité des sels d’aluminium mais il y a toujours des questions de dosage et puis ce n’est pas la même chose si vous l’injectez à un enfant ou à un adulte tout simplement parce que les capacités rénales d’élimination, le métabolisme etc. ne sont pas les mêmes. Mais l’aluminium n’est pas une substance neutre. Ce pédiatre a demandé à la FDA si on avait évalué la toxicité des adjuvants, notamment de l’aluminium qui est très couramment ajouté comme adjuvant dans les vaccins, et il y a très peu de choses. Il y a eu un review de la collaboration cocrain ?? C’est une organisation qui est un laboratoire pharmaceutique qui fait des méta-analyses. Dans les études scientifiques, elles ont un très bon niveau de preuve et elles regroupent ce qu’on peut tirer d’un problème médical donné à partir de ce que donne la littérature médicale. Il y a eu un review pour savoir si l’aluminium dans les vaccins était toxique, et celui qui a suivi ces reviews est Tom Jefferson. Il a été assez présent médiatiquement pour dénoncer les abus au niveau de la communication autour de la grippe H1N1 et notamment autour de la vaccination antigrippe, et des achats d’actifs des gouvernements concernant le Tamiflu, un anti grippal. Et pour l’un, et pour l’autre, l’efficacité était quasiment nulle et dans le cas du Tamiflu, il y avait des effets délétères qui n’étaient pas du tout négligeables. Jefferson a donc signé ce review qui a été conduit par plusieurs chercheurs. Il n’avait trouvé que 5 études pas trop mal faites sur la toxicité de l’aluminium dans les vaccins. Quand on pense au nombre de personnes qui sont concernées par la vaccination, c’est très étonnant. Jefferson a montré qu’on n’avait pas de preuve de la toxicité de l’aluminium, conclusion qui est assez déroutante. Il a conclu qu’il n’y avait plus aucune raison d’investiguer dans ce domaine. Je ne comprends pas cette déclaration car en science, il y a toujours possibilité d’investiguer dans un domaine. Donc sa conclusion est très surprenante. Donc sur l’aluminium, on a peu de choses. Mais c’est clair que l’aluminium n’est pas neutre et dans d’autres circonstances, des toxicologues ont décrit des effets délétères de l’aluminium qui, d’un certain côté, rappellent ce qu’on observe après une vaccination. Mais nous n’avons pas la preuve que c’est dû à ça. En ce qui concerne le borate de sodium, je vous envoie ce que dit MedLine là-dessus. Il est toxique. Je ne sais pas d’ailleurs pourquoi il est utilisé. Je ne suis pas une spécialiste de tout ce qui est lié à la sécurité des vaccins. Mais j’ai trouvé quelques éléments qui pourraient répondre à vos questions. Les études toxicologiques inciteraient donc à une certaine prudence. On ne peut exclure que ces éléments soient à l’origine de maladies délétères. On ne peut pas dire qu’ils ne méritent pas d’attention particulière. Il y a un autre problème par rapport aux effets secondaires et qui nous amène à la question des fameuses études d’efficacité du Gardasil, c’est en fait qu’il n’y a eu qu’une seule étude qui avant homologation du Gardasil était là pour s’assurer de la sécurité du vaccin. C’est le protocole 018, et cette étude, lorsqu’elle a été publiée, l’auteur a annoncé avec une certaine fierté qu’il s’agissait de la seule étude où les groupes comparés – il y avait un groupe qui avait reçu le vaccin, l’autre groupe a reçu ce qu’il a appelé un placebo salin. Ce qu’il faut savoir, c’est que dans toutes les études de phase 3 qui ont été faites (donc notamment le protocole 007, 013, 015), le groupe placebo c'est-à-dire le groupe qui sert de comparateur n’avait pas reçu ce qu’on appelle communément sous le nom de placebo mais avait reçu le vaccin complet sans l’antigène. Il avait reçu aussi l’aluminium, le borax enfin tout ce qui a dans le vaccin. L’auteur qui reporte les résultats de cette étude 018, ce qu’il appelle le placebo salin, c’est le vaccin sans l’antigène, sans les sels d’aluminium, mais avec tout le reste. C’est-à-dire le borax, et tous les excipients qui sont dedans. Les résultats ont montré qu’il n’y avait pas plus d’incidents dans le groupe vacciné que dans le groupe placebo, mais il faut voir que si on compte l’effectif de tous les collectifs pour les tests de phase 3 qui ont été vaccinés ou reçu le placebo, ça représente plusieurs dizaines de milliers de sujets. 018, si ma mémoire est bonne, ce sont en tout 500 personnes qui ont reçu ce placebo dit salin et en fait qui n’est pas vraiment salin. Donc ensuite, ce qu’on a fait, c’est qu’on a poolé, c'est-à-dire qu’on a pris le nombre d’effets secondaires qu’on a constaté dans les autres études ou les placebos contenaient tout sauf l’antigène, et là on a compté les résultats du nombre d’effets secondaires. Est-ce qu’il y en a beaucoup plus dans la population placebo ou est-ce que c’est comparable. Ce qu’on peut dire en fait, c’est que d’abord les études de sécurité ont porté sur un collectif qui était très réduit, comparé au reste, mais surtout en fait ce qu’on a comme résultats sur la sécurité du vaccin issu des études de phase 3 sont en fait une espèce de sous produit d’études qui avaient été désignées pour prouver l’efficacité du vaccin. Comme la plupart des effectifs vaccinés sont comparés avec les effectifs qui ont reçu un placébo qui est en fait tout le vaccin sauf l’antigène, ce n’est pas forcément dire oui, quand on injecte l’antigène, avec tout le reste, ça ne fait pas beaucoup plus d’effets secondaires que lorsqu’on injecte tout sans l’antigène. Ces études montrent qu’il n’y a pas plus d’évènements qui se produisent dans la population vaccinée que dans la population placebo. Mais il faut commenter ce résultat en sachant qu’il y avait quoi dans le placebo ? Parce que si vous avez, dans le placebo, des principes qui sont aussi des principes actifs, des excipients comme le sel d’aluminium ou comme le borax, vous pouvez simplement dire que la seule différence qu’il y a entre la population vaccinée et la population placebo, c’est que la population ayant reçu le placebo n’a pas reçu l’antigène. Mais elle a reçu tout le reste. Donc, ça veut dire que la probabilité – parce qu’on sait que l’aluminium et le borax provoquent des réactions- vous aurez à montrer dans une population placebo comme dans une population vaccinée, vous aurez probablement un nombre comparable d’évènements liés à l’aluminium et au borax. Et le fabricant et les autorités de régulation disent qu’il n’y a pas eu plus d’évènements dans la population vaccinée que dans la population placebo. Mais comme le placebo n’est pas une substance inerte, et on joue sur cette ambivalence, on fait juste une piqûre avec rien dedans et la personne croit qu’elle a reçu le vaccin et l’effet placebo peut avoir lieu mais physiologiquement ça ne fait rien du tout, et bien là il ne se vérifie pas. Dans ce cas d’étude, il y a eu une petite étude qui s’appelle 018 où là, la population placebo a reçu un produit qui était le vaccin mais sans l’antigène, sans les sels d’aluminium, mais avec tout le reste. Par ailleurs, si vous prenez ce collectif qui avait reçu ce placebo sans aluminium, il est beaucoup plus petit que le collectif qui a reçu le placebo avec aluminium. Et ensuite quand on pool, c'est-à-dire quand on met tous ces résultats ensemble, même si chez ceux qui n’avaient pas l’aluminium vous avez beaucoup moins d’effets secondaires que chez ceux qui avaient l’aluminium, ça va disparaître dans la masse. Du coup, vous aurez la déclaration que donnent le fabricant et les autorités de la vaccination, c’est de dire vous n’avez pas plus d’effets indésirables dans une population vaccinée que dans une population placebo, donc le vaccin est sûr. Ou bien, il est dans les limites du risque acceptable. Ces aspects de méthodologie sont très importants. Il y a eu quand même deux ou trois choses qui sont apparues, et là, le document de la FDA que je vous ai envoyé est important. Il y a une analyse d’efficacité qui a été faite chez les femmes – donc on a découvert qu’elles étaient déjà porteuses des HPV 16 ou 18 et qui ont quand même été vaccinées. Et il s’est avéré que pour les femmes qui étaient déjà porteuses, si on les vaccinait, elles avaient un risque qui était plus important que la population placebo de développer des lésions précancéreuses de haut grade. C’est un risque qui a sauté aux yeux des autorités de santé américaines, même si ça n’était pas statistiquement significatif. Mais il y avait déjà là un premier signal qui montrait que cette piste méritait d’être expliquée, car il s’agissait de savoir si en vaccinant quelqu’un déjà porteur du virus HPV, il ne courait pas un risque supplémentaire de développer des lésions précancéreuses. Ce sont les choses qui sont apparues dans ces études de très bon niveau de preuve. C’est tout ce que je peux vous dire, actuellement, sur ce que je sais, sur les effets secondaires du Gardasil.

Le vaccin a-t-il été mis trop vite sur le marché ?

Je ne rangerais pas cette question dans la perspective des effets secondaires mais plutôt dans ce qui touche à l’efficacité du vaccin. Le message dominant au moment du lancement du vaccin et le message qu’on continue de donner aux parents est que vous avez dans une population qui a eu le cancer du col de l’utérus, il permet d’éviter l’apparition d’une tumeur dans 70% des cas car les virus HPV 16 et 18 sont responsables de 70% des tumeurs. Dans le cas des études de phase 3, le vaccin a montré une efficacité extraordinaire, proche de 100%, contre les HPV 16 et 18 c'est-à-dire que chez les filles vaccinées, il n’y a pas eu de cas de sujets qui ont développé des lésions précancéreuses associées aux HPV 16 ou 18. C’est le message qui a été diffusé. Le nerf de la guerre, c’est que Gardasil est présenté comme un vaccin anti-cancer. L’objection consiste à dire qu’on n’a pas la preuve que le vaccin prévient le cancer car le cancer du col suit une évolution très lente. On ne saura que dans 15 ou 20 ans si ce vaccin permet de combattre ce cancer. Ce que J.-P. Spinoza et moi avons mis en évidence, c’est que Gardasil, nous on accepte sans problème que la FDA et Merck se soient mis d’accord, on ne peut pas attendre de voir si le vaccin est efficace contre le cancer, d’abord parce que ce n’est pas éthique. On a les moyens de soigner à 100% les lésions précancéreuses. Lorsqu’une femme présente des lésions précancéreuses de haut grade appelé CIN 3, on a cette possibilité de faire une thérapie. Le frottis de dépistage permet –il ne détecte pas tout- mais il permet de prévenir ces lésions et de les traiter. Et on a des moyens de traitement assez efficaces. Quel est le critère clinique le plus pertinent ? SI l’efficacité du vaccin remplit ce critère clinique, il sera considéré comme efficace pour prévenir le cancer. Et les investigateurs se sont mis d’accord avec la FDA en disant que le critère en question est l’apparition de lésions précancéreuses de haut grade parce que ce sont celles qui, si on ne les traite pas, on le moins de chance de régresser spontanément. Je n’ai pas de problème avec le choix de ce critère. En revanche, ce qui pose un problème, c’est que quand vous prenez un cancer, dans 70% des cas, il sera provoqué soit par un HPV 16, soit un HPV 18, soit avec les deux. Mais vous avez encore les 30% restant qui sont associés à d’autres HPV à haut risque qui sont le 35, le 54… Le problème, c’est que si vous mettez hors circuit 16 et 18, est ce que les autres vont continuer à se tenir tranquille ou bien est ce qu’ils vont profiter de la place laissée par les deux « dominators » ? C’est une vraie question. On ne sait pas si la vaccination va permettre de diminuer le nombre de CIN 3 dans les proportions qu’on attendait. Si les cancers sont provoqués à 53% par les HPV 16 et 18, on peut se dire que dans la population vaccinée, l’efficacité du vaccin sera de 53%. Mais regardez dans le tableau 25 page 17 du rapport de la FDA. Vous avez le nombre de filles vaccinées per protocole. La population per protocole, ce sont des filles qui étaient négatives aux HPV 16 et 18 avant d’être vaccinées, qui ont reçu l’ensemble du schéma vaccinal, et qui n’ont pas fait de violation de protocole c'est-à-dire qu’elles ont suivi tout ce qui était prévu. C’est une population « parfaite » si on veut. Vous avez aussi la population placebo, qui a reçu tout le vaccin sans l’antigène. C’est une randomisation très bien faite, chaque groupe est comparable. On voulait voir quel était l’effet de Gardasil quand on prenait en compte toute les lésions, quelque soit le HPV associé. On s’attend à ce que ça corresponde à 53% de moins que dans la population placebo. Or, les résultats sont de 16,9% et ce résultat n’est pas même pas statistiquement significatif. Cela signifie que même si le vaccin est très efficace contre les HPV 16 et 18, cela n’entraîne pas la baisse attendu du nombre de nouveaux cas de lésions précancéreuses. C’est un très gros problème et il y a plein d’hypothèses. Une des hypothèses et que d’autres HPV à haut risque ont pris le relais, donc il y a quand même apparition d’un CIN 3 qui nécessite une cônisation ou une intervention au laser. On peut se demander quels sont les bénéfices d’une telle vaccination pour une population. Elle permet de prévenir une partie des cancers du col et donc de s’épargner des interventions chirurgicales qui présentent elles aussi un risque. Mais son efficacité contre le cancer du col en général n’est pas prouvée, et dans tous les cas il faut continuer le frottis. Donc il y a beaucoup de problèmes à prendre en compte.

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