Un bilan conteste ?
Après une trentaine d'années d'application de la politique de l'enfant unique, un bilan s'imposait concernant l'accomplissement des objectifs fixés lors de son établissement et les conséquences, en particulier néfastes. Tandis que M. Giovanna Merli décrit une manipulation des statistiques dans les résultats collectés par les organisations gouvernementales, celles-ci ne la reconnaissent pas d'une voix uniforme. Ainsi, elles ne reconnaissent pas, ou partiellement pas, les impacts de la politique de l'enfant unique et leur ampleur. Cette confusion nous a permis de pouvoir clairement distinguer les acteurs de la controverse et leur positionnement.
Un consensus se fait naturellement dans la communauté académique chinoise et occidentale sur l'incapacité des autorités à recenser correctement les naissances et la mortalité infantile dans l'ensemble des provinces chinoises. Une certaine approximation liée aux erreurs faites sur le terrain semble inévitable. Cependant, des dissensions se créent sur le caractère volontaire ou non de celles-ci. En effet, J. Bannister et A.J Coale faisait l'éloge de la précision des données des recensements chinois en prenant en considération la taille de la Chine. En 1987, Bannister invoquait comme cause des erreurs de recensement, les imperfections inhérentes liées au système de recensement et des fautes humaines lors de la transmission des résultats. M. Giovanna Merli et Adrien E. Raftery ne sont pas du même avis. En effet, dans leur article sur la manipulation des statistiques, ils se sont concentrés sur une enquête réalisée par la Commission d'état du planning familial chinois en 1992. Selon eux, les manipulations seraient dues à un excès de zèle des représentants des autorités et des organisations gouvernementales dans les provinces. En effet, les provinces qui obtiennent le meilleur taux de réussite quant aux objectifs du planning familial sont récompensées. Cela entraine une modification de certains chiffres au niveau provincial, augmentant le degré d’incertitude sur les bilans obtenus.
« As a result, officials have instructed respondents to underreport recent births in areas where fertility remained higher than the target figures, or have prepared answers for respondents to submit "
Cependant, ils soulignent les difficultés rencontrées pour prouver les manipulations. L'accès à l'information en Chine et en particulier au sein des organisations gouvernementales est très restreint. Il est donc impossible de savoir si les autorités chinoises tiennent compte dans leurs bilans des erreurs conséquentes de ces manipulations.
Un bilan partiellement reconnu ...
La fiabilité des statistiques réalisées par les autorités chinoises est en partie remise en question. Mais quel jugement porte le gouvernement sur les impacts de la politique ? En effet, malgré un certain hermétisme entre ces deux groupes d'acteurs, nous avons pu observer une interaction par réactions interposées. Une erreur à ne pas commettre serait de penser que les autorités chinoises ne parlent que d'une même voix. En effet, même si aucune n'ose remettre en cause l'application de la politique de l'enfant unique, des hauts fonctionnaires d'organisations gouvernementales reconnaissent peu à peu certaines des conséquences néfastes de la politique de l'enfant unique. Ainsi, Li Bin, directeur de la Commission d'Etat pour la population et le planning familial, a reconnu que l'un des principaux objectifs était de pallier à ce déséquilibre de la balance des genres. En réalité, avant que des fonctionnaires reconnaissent publiquement les conséquences, le gouvernement chinois avait déjà tenté de mettre en place des incitations économiques à l'acceptation des filles afin de rétablir ce déséquilibre. Ces mesures montrent bien qu'à l'intérieur du gouvernement chinois, il y a une prise de conscience des problèmes engendrées par la politique de l'enfant unique.
«Economic disincentives are not a deterrent to many wealthy people, and increased freedom of movement has made it difficult for family-‐planning authorities to track down people if they choose to flout the regulations»
Therese Hesketh
De plus, comme nous l'avait mentionné lors de notre entretien Gerard-François Dumont, la communauté occidentale ne reçoit les informations qu'avec un temps de latence dû à un filtre drastique du gouvernement chinois. Du coup, notre connaissance de la position exacte du gouvernement chinois sur chacun des points est biaisée.
Pour aller plus loin
- Ce bilan contesté fut clairement le point-clé qui nous a permis d'appréhender cette controverse très complexe. Dans un bilan partiellement reconnu, nous avons développé uniquement l'évolution de la position des organisations gouvernementales et des autorités chinoises sur le déséquilibre des genres. On a pu constater la même réaction sur les autres impacts, que vous pouvez lire plus en détails dans l'article suivant : 4-2-1 Problem: New Partnership Explores Aging in China in Social Impact Magazine, Mian MU, Washington University
- Ce point de débat a été d'autant plus important pour nous qu'il a été, à nos yeux, la partie immergée de l'iceberg, qu'est notre controverse. C'est ainsi que nous avons pu mettre en place une méthodologie (ou plan d'attaque) pour cartographier les acteurs.