Toute bonne biopsie se doit d’opérer un récapitulatif de ses constats à la fin de son analyse. Ainsi soit-il pour le cas du médicament générique en France. Autopsie ou biospie, réticences superficielles ou difficultés réelles, comment expliquer la persistance de la controverse autour du médicament générique alors qu’il semble y avoir consensus dans la communauté scientifique autour de son équivalence thérapeutique ?

L’équivalence thérapeutique ne peut se réduire au constat de bioéquivalence

La rumeur la plus tenace concernant le médicament générique est sans doute celle de son inefficacité par rapport au médicament princeps. Cette affirmation est fausse dans le sens où rien ne permet a priori d’affirmer que l’efficacité du médicament générique diverge par rapport au princeps, les deux principes actifs étant identiques. Cependant, cette affirmation doit être nuancée par une reconsidération de la notion d’efficacité ; celle-ci ne se réduit pas à des caractéristiques biochimiques de concentration ou de vitesse de propagation, mais à un ensemble de facteurs incluant la forme du médicament, les habitudes du patient, la relation de confiance avec le médecin et les interactions avec d’éventuels excipients à effet notoire. Il est donc difficile d’attribuer à la question de l’équivalence biochimique et de l’efficacité l’entière responsabilité de la persistance de la controverse. Néanmoins, celle-ci a permis de mettre en perspective et de relativiser ce que l’on doit considérer comme des médicaments équivalents, ainsi que de redéfinir les facteurs influant sur l’efficacité thérapeutique, celle-ci ne pouvant pas se réduire au simple constat de la bioéquivalence.  

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Des économies réelles au prix de l’ingérence des intérêts économiques dans la santé

Le discours martelé par les autorités publiques veut que le médicament générique ait été à l’origine d’économies considérables, ce qui le légitime en tant que nouvel objet sanitaire. Cette affirmation est bien vraie ; malgré des coûts qui n’avaient sans doute pas été prévus au départ, les économies sont bien réelles : le médicament générique a permis de réaliser 1,8 milliards d’économie en 2013, ce qui en fait l’un des principaux postes de réduction des dépenses de l’État. Cependant, ces économies ont été payées en quelque sorte au prix fort. Bien que la santé ait toujours eu à faire avec la sphère économique, un nouveau pas a été franchi : les nouveaux systèmes d’incitation en vigueur ont déclenché la méfiance et la jalousie entre les différents acteurs du monde sanitaire. Alors que l’intérêt du patient devrait être roi, chacun soupçonne son interlocuteur de vouloir maximiser en secret son utilité ou sa marge-arrière. De même, les industries pharmaceutiques sont acculées à la délocalisation pour diminuer les coûts et rester concurrentielles sur le marché. Le monde médical auparavant dévoué aux intérêts du patient a donc mis en péril sa chasteté en s’exposant au risque d’ingérence des logiques économiques dans une sphère où ils étaient auparavant absents, ou du moins pas sous cette forme.

Un dossier mal engagé à l’origine d’une crispation des relations explique la persistance de la controverse en France

Il y a de quoi être déçu par les résultats de la France quand on compare son cas à celui des autres pays européens. Mauvais élève ou au contraire, dernier bastion de la résistance libre contre le médicament générique ? En réalité ni l’un, ni l’autre. Cette persistance de la controverse en France ne semble pas découler d’une quelconque volonté de faire durer le débat ; il semble plutôt qu’un certain nombre de tensions ont été mises au jour, des rigidités qui proviennent directement des spécificités du système de santé français. Les patients sont désorientés, et les médecins et les pharmaciens n’entretiennent plus d’aussi bonnes relations qu’auparavant. Finalement, l’introduction du générique dans le paysage médical français est à l’origine d’une crispation des relations entre les différents acteurs, bien loin d’agir comme un fluidifiant économique et politique.

L’anticipation des coûts à venir

Ainsi les coûts de cette tentative d’introduction du médicament générique dans le paysage médical français sont relativement élevés, notamment au niveau de la dégradation des relations entre patients, médecins et pharmaciens, ainsi qu’une méfiance qui s’est installée durablement dans l’opinion publique. Seule la réduction du coût économique semble encore légitimer cette opération ex-post. Introduire le médicament générique ne relevait peut-être pas de la nécessité la plus immédiate, mais d’une anticipation d’une dégradation croissante de la situation budgétaire en défaveur de la France, mettant en péril la couverture maladie universelle, tandis que de nouveaux troubles économiques semblent déjà se profiler à l’horizon.

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