Paul Garapon
Entretien avec Paul Garapon, conseiller éditorial aux presses universitaires de France
La transformation du marché de l’édition due à un changement sociétal
Le monde de l’édition perd aujourd’hui des parts de marchés en raison de la généralisation d’un nouveau mode de consommation de l’écrit. Il s’agit désormais d’un mode de consommation par prélèvements de gratuit, plutôt que par achats de manuels et d’imprimés. Le marché éditorial se trouve à la croisée de chemins et doit s’adapter à ce nouveau mode de consommation.
La spécificité du monde des idées par rapport au monde des sciences
Les deux marchés éditoriaux, que l’on soit en sciences techniques et médicales ou en sciences humaines et sociales, ne sont pas les mêmes. En sciences dures, un article scientifique a besoin d’être lu rapidement. C’est le progrès qui est en jeu. Ce n’est pas le cas dans le marché des idées, où depuis Platon jusqu’à aujourd’hui, il n’y a pas d’urgence.
Fonctionnement de l’édition dans les systèmes français et anglo-saxon
Si le système anglo-saxon fait aujourd’hui la promotion de l’Open Access, c’est parce cela ne lui fera rien perdre en parts de marché, tandis que les éditeurs français, eux, y perdront. Cela est dû à une répartition du travail éditorial différenciée. L’Université française confie aux éditeurs le fait d’élaborer avec les professeurs les outils de connaissances, que sont les ouvrages. L’Université française ne dépense pas d’argent et ne prévoie aucun budget. Les frais d’édition sont pris en charge par des prestataires extérieurs, les éditeurs. C’est le système privé qui publie ; l’argent, il faut le gagner, avec des abonnements. Ce n’est pas un abus de la part des éditeurs, c’est l’économie telle qu’elle a été mise en place depuis le 19ème siècle. Dans les pays anglo-saxon, et notamment aux Etats-Unis, l’édition universitaire n’existe pas de la même façon qu’en Europe. Ce sont les grandes fondations privées américaines, qui prennent en charge à la fois l’enseignement et la fabrication des supports de connaissances. L’argent vient de ces entités économiques. Ainsi depuis l’enseignement jusqu’à la publication, la fabrication des ouvrages est prise en charge par les Universitaires.
Pourquoi maintenir un marché éditorial
Une revue savante est l’association de quelques grands Universitaires, qui ont un projet intellectuel commun. Il s’agit de la liberté de réunion et de mise en commun d’un certain nombre d’idées au service d’un projet. Au contraire, s’il y a open access total, c’est chacun « chez soi », c’est le refus du marché. Si les auteurs sont payés pour leurs ouvrages, en plus de la rémunération reçue dans l’exercice de leur fonction publique, c’est parce que l’on peut être professeur et faire des ouvrages qui ne concernent pas notre enseignement. Ce système de rémunération est destiné à une mise en concurrence du marché pour que les meilleurs livres sortent ; il doit y avoir une mise en émulation des idées. En creux, l’Open Access est une sorte d’absence de relief. On est dans un système où il n’y a plus d’émulation intellectuelle, plus de rémunération ni de protection des auteurs.
Les problèmes de l’Open Access
L’Open Access pose plusieurs problèmes : celui de la rémunération, dans la mesure où c’est une consultation gratuite, et celui de l’accompagnement des objets de connaissance, dans la mesure où le service rendu à l’auteur est nul. Il n’y a pas d’intérêt pour un auteur à se trouver affiché sur la place publique, à voir ses propos déformés, à être piraté, sans protection, sans aucun support promotionnel et de surcroît sans aucun revenu.
Quels sont les services proposés aux PUF dans la lignée du libre accès ?
L’offre commerciale des PUF auprès des universités demeure, et c’est là leur vocation. Un service d’accès aux résultats de la recherche est proposé sur le portail de CAIRN. Les articles sont mis en ligne et sont protégés par des barrières mobiles pendant une durée de deux ou trois ans avant d’être mis à disposition complète du public. Il s’agit de préserver le droit d’auteur et les revues.