Brève Introduction au THF
Le trading à haute fréquence (en anglais high frequency trading : HFT) correspond à une innovation technologique ayant fait son apparition sur les marchés financiers dans les années 2000. Il s’agit d’un type extrêmement rapide de trading algorithmique qui a atteint un pic à la fin des années 2000 où il représentait parfois jusqu’à 75% des volumes de transactions et l’immense majorité des ordres passés sur le marché.
Plusieurs évolutions technologiques, ou décisions de régulation ont favorisé son essor. D’abord l’informatisation des bourses dans les années 1970 et 1980, puis l’apparition consécutive des premiers algorithmes d’appariement des ordres jusqu’au remplacement définitif des marchés à la criées par des order-books et des market-makers électroniques. Ensuite la décision, prise en 2001, de réduire le pas de cotation (auparavant au 8e ou 16e), menant à prix plus “précis“, ce qui rend possible de réaliser des profits très faibles sur des transactions auparavant inintéressantes financièrement. Finalement l’encouragement à la concurrence entre les places financières ont conduit à faire tomber le monopole des bourses institutionnelles pour réduire les coûts d’accès aux plateformes. Le système financier s’est alors fragmenté, et les titres sont côtés sur plusieurs plateformes au même moment. Pour plus d’information sur l’apparition du THF, rendez-vous sur la page Contexte et cadrage !
Les traders à haute fréquence, qui sont généralement de petites organisations agissant à compte propre, se sont développés sur ces vides du système financier mondial.
Parmi leurs activités favorite, l’arbitrage entre les marchés, c’est-à-dire le fait de repérer et de profiter de différence de cotation pour un même titre sur différentes places financières, et le market-making, soit le fait d’aider à la rencontre entre offreurs et demandeurs de titres sur les marchés. C’est en réalisant des profits très faibles sur un nombre de transactions très important qu’ils parviennent à faire fructifier le capital engagé.
A priori ces pratiques améliorent le fonctionnement des marché en formant des prix plus justes, en réduisant les coût de transaction pour l’ensemble des participants, et en apportant de la liquidité.
Mais au-delà de ces stratégies, le trading à haute fréquence est accusé de pratiques illicites et agressives comme la manipulation de cours grâce à sa capacité à placer un grand nombre d’ordre puis de les annuler très rapidement; alors même que des transactions auraient pu/dû avoir lieu.
Dans sa jeune histoire, il a souvent été associé à des scandales, qui l’ont fait connaître. De l’affaire Aleynikov en 2009 (le vol d’un algorithme de trading à haute fréquence appartenant à Goldman Sachs), au succès aujourd’hui du livre de M. Lewis, « Flash Boys » paru en mars 2014, en passant par Flash Crash du 6 mai 2010 ; le trading à haute fréquence est, depuis plusieurs années, un sujet sulfureux et controversé ; considéré tantôt comme une dérive extrême de la finance, tantôt comme rapprochant les marchés d’un fonctionnement “parfait“.
Problématisation de la controverse
L’univers du Trading Haute Fréquence est immense. Il soulève des débats techniques, législatifs, médiatiques voire même moraux. Il n’est pas possible de présenter de manière structurée l’étendue des questions et des controverses. Par souci de rigueur, notre travail est davantage un « zoom » sur une des controverses que soulève le THF.
A nos yeux, elle est l’une des plus importante qui mobilise le plus grand nombre d’acteurs. Le Trading Haute Fréquence est aujourd’hui une pratique fermement implantée sur les marchés financiers. Un informateur de l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) nous confie qu’il n’est pas possible d’imaginer ce que seraient aujourd’hui les marchés sans le THF. On ne sait pas si la situation serait meilleure ou pire. Dès lors la question n’est plus de savoir si le THF doit disparaître des pratiques financières. Il s’agit davantage de s’intéresser à sa réglementation, car si la question de la suppression de cette pratique n’est pas envisageable, sa réglementation est au coeur des débats.
La réglementation du THF soulève deux questions:
- Cette réglementation est-elle tout d’abord nécessaire ?
- Quelle réglementation optimale est envisageable ?
Une étude restreinte à l’Europe
Le THF est un sujet controversé sur la scène internationale. Les Etats-Unis, dont les plateformes boursière sont les plus actives du monde, ont été le lieu de naissance de cette technologie et de la controverse qui en découle.
Toutefois, c’est un rapport de la BCE à propos des effets du trading à haute fréquence qui nous a amené à nous intéresser au phénomène européen. En effet, ce rapport a été publié en novembre 2013. Rédigé par Brogaard et Hendershott notamment, il défend une position favorable au phénomène.
Mais ce qui a retenu notre attention, c’est le contexte de cette publication. Les institutions européennes étaient en effet sur le point de conclure le vote de la MiFID 2, héritière de la MiFID 1. Un pan entier de cette législation est spécifiquement dédié au trading haute fréquence (THF) et aux méthodes pour en encadrer sa portée.
Il nous semble pertinent de centrer notre étude sur l’évolution de cette controverse à travers le prisme de la régulation européenne, phénomène actuel catalysant les aspects techniques, politiques, médiatiques de la controverse générale.