La controverse scientifique

 

Délimitation de la controverse scientifique

 

Le débat scientifique concernant le trading à haute fréquence a émergé dans les années 2000, au moment où cette pratique financière a commencé à exister.

(cf graphique sur la page « La collecte et la gestion des données »)

Hormis quelques travaux philosophiques (tel que : Automated Finance: The Assumptions and Behavioral Aspects of Algorithmic Trading, Kumiega and Van Vliet) ou sociologiques (comme ceux de M. Lenglet ou D. Mackenzie qui fournissent une analyse du débat) qui interrogent le HFT à des échelles différentes ou sous d’autres angles sans d’ailleurs forcément se poser la question de son efficacité, peu de scientifiques se sont intéressés à l‘effet du HFT au-delà du marché.

Il n’y a par exemple pas même de controverse macro-économique sur le HFT. Alors que le public non spécialiste craint justement les risques sociaux de la finance moderne.

Ces recherches restent aujourd’hui en marge de la controverse scientifique principale sur le HFT,  et surtout en marge des débats scientifiques qui interviennent dans la controverse sur la régulation, qui nous intéresse ici.

Les travaux les plus visibles, et dont l’influence sur les régulateurs est la plus importante appartiennent à une classe scientifique indentifiable. Il s’agit d’économistes travaillant essentiellement sur la microstructure des marchés à l’aide d’outils statistiques ou de modèles mathématiques.

(par exemple : Simulating the Synchronizing Behavior of High-Frequency Trading in Multiple Markets, B. Myers and A. Gerig, 2013).

Ces économétriciens et économistes quantitativistes cherchent à déterminer l’impact global du HFT sur les marchés. Ces travaux sont fondés sur des hypothèses, héritées de l’économie néoclassique, sur le rôle et le fonctionnement idéaux des marchés financiers.

 Cette théorie pose les conditions d’existence de marchés « parfaits », comme la concurrence pure et parfaite, censée assurer l’efficacité sociale et l’équité des marchés.

Les marchés financiers ont été organisés selon ces préceptes et les régulateurs tentent toujours aujourd’hui de préserver ou d’améliorer leur efficience, c’est à dire de les rendre plus « parfaits ».

Les économistes travaillant sur le HFT se posent donc la question de ce que le HFT apporte aux marchés financiers : les rapprochent-ils des modèles de marchés parfaits, les rendent-ils plus efficients ?

La question est donc une question d’efficacité, d’utilité, a fortiori réductible à la question de savoir si le HFT est « plutôt bon » ou « plutôt mauvais ».

En effet, la question de l’efficience des marchés prend place dans un cadre théorique qui définit une structure économique souhaitable et « juste », bien que les chercheurs ne se posent pas directement la question en ces termes (bien ou mal du HFT).

De nombreux travaux suggèrent ainsi que les HF Traders apportent de la liquidité sur les marchés financiers, qu’ils aident à une juste formation des prix, voire même qu’ils réduisent la volatilité. Mais ces conclusions dépendent fortement des données étudiées, des modèles utilisées, de la clarté des résultats, des interprétations tirées de ces résultats, sans parler des influences extérieures comme les pressions de groupes d’intérêt. D’autant plus que des recherches arrivent à des conclusions remettant en question l’efficacité du HFT.

 C’est pourquoi il n’y a pas consensus et pourquoi on peut parler d’une controverse scientifique sur le sujet du HFT.

 

Ainsi une poignée d’auteurs influents, publiant fréquemment sur cette question et souvent cités, autant par leurs défenseurs que par leurs détracteurs, se dégage assez clairement. Dans ce groupe d’économistes, dont les résultats tendent généralement à reconnaître un apport positif du HFT, on compte Jovanovic, Menkveld, Hendershott, Brogaard, Riordan, ces trois derniers étant les auteurs du rapport d’octobre 2013 financé par la Banque Centrale Européenne (BCE).

Les principaux arguments

 

  • La liquidité

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De nombreux travaux soutiennent que le HFT apporte de la liquidité sur les marchés financiers. La liquidité étant définie par la possibilité pour un intervenant sur un marché de réaliser à tout moment la transaction qu’il compte effectuer, pour un titre donné à un prix donné (stable), et juste (c’est-à-dire fixé par le marché). Les intervenants proposant des ordres de vente ou d’achat avant que ceux-ci ne soient réalisés sont considérés comme « liquidity providers », les intervenants qui viennent « frapper » ces ordres et effectuer la transaction sont « liquidity takers». Certains marchés encouragent les participants à fournir de la liquidité en taxant (très faiblement) les demandeurs de liquidité, rémunérant ainsi les fournisseurs de liquidité pour les transactions effectuées grâce à leurs ordres.

Celle-ci est souvent mesurée par les écarts de prix entre les ordres limites de vente et d’achat dans le carnet d’ordre (bid-ask spreads). Le carnet d’ordres (order book, en anglais) est le système de référencement des ordres sur la bourse, classant pour chaque titre selon leur type (vente ou achat) et leur prix.

En période de forte liquidité ces écarts tendent à se réduire, autrement dit il y a une convergence entre les volontés de vente et les volontés d’achat pour un même type de titre. Ainsi si la liquidité est forte les ordres arrivant donnent lieu à des transactions immédiates au prix souhaité (c’est une définition de la liquidité).

L’automatisation des bourses à partir des années 1970 et 1980 (F. Muniesa, Des marchés comme algorithmes : sociologie de la cotation électronique à la Bourse de Paris, 2003), dont l’informatisation des order books, ont contribué au remplacement des market-makers traditionnels (courtiers/brokers) par des intermédiaires électroniques, branchés sur ces order-books. Ces nouveaux outils de trading algorithmique, parmi lesquels s’est récemment développé le trading à haute fréquence, permettent d’exploiter directement l’information du carnet d’ordre.

En plaçant des ordres limites de vente ou d’achat ces market-makers électroniques  (des firmes telles que KCG Holding) offrent de la liquidité aux autres investisseurs, tout en espérant profiter des variations du cours afin de réaliser des marges très faibles, qui après un grand nombre de transactions leur procurent un profit significatif.

Hendershott, Jones, et Menkveld observent une augmentation de la liquidité sur le New York Stock Exchange (NYSE) (mesurée par les bid-ask spreads) après le développement du trading algorithmique, dont fait partie le HFT (Hendershott, Jones, & Menkveld, Does algorithmic trading improve liquidity ?, Journal of Finance, 66, 2011). La méthode d’Hendershott, Jones, et Menkveld est ici empirique puisqu’il s’agit d’une analyse de cinq ans de données sur le NYSE. Elle confirme les résultats obtenus par Cvitavic et Kirilenko en 2010 grâce à un modèle théorique.

Ces résultats s’ajoutent également aux travaux d’Henderschott et Riordan (2009), et de Jovanovic et Menkveld (2010) concluant à un apport de liquidité par le HFT. D’autres publications, comme celle d’Hasbrouck et Saar (2012) sur le NASDAQ, abondent en ce sens.

Hagströmer, Björn, Norden, et Lars préfèrent distinguer les acteurs du HFT selon leur stratégie de trading plutôt que de traiter le HFT comme une pratique unique. Ils différenicent ainsi les HFT market-makers et les traders opportunistes (opportunistic traders). (“The Diversity of High-Frequency Traders”. Journal of Financial Markets, 2013). Ils relèvent alors des effets différents liés à la stratégie utilisée.  Les market makers sont plus souvent présents que les autres traders à haute fréquence. Leur étude souligne également une certaine propension des market makers à agir en tant que demandeurs de liquidité :

« The market making HFTs are present about 60% of the time, while the other HFTs have an average presence of only about 5%. (…) Even market makers, however, trade about 30% of the time by taking liquidity, which highlights the fact that algorithms use both limit and marketable orders to carry out their strategies even if they are predominantly designed to make markets. »

 (Chordia, Lehmann, Goyal, et Saar, 2013 ; à propos de Hagströmer, Björn, Norden, et Lars, 2013)

Par ailleurs, l’intérêt de cette liquidité fournie par le HFT est remis en cause. Pour des raisons d’échelle notamment,  elle n’est pas considérée par ses détracteurs comme une liquidité effective bien qu’elle soit une liquidité mesurée comme telle.

Une première critique qui lui est adressée est d’être peu utile parce que les marchés ou les titres sur lesquels agissent les traders à haute fréquence sont une grande partie du temps déjà très liquides. L’apport de liquidité du HFT apparaît alors superficiel, sans compter les autres risques potentiels qu’il représente. Cet argument est avancé par Eun Jung Lee (2013) qui explique que le marché des contrats à terme (futures) coréen est déjà très liquide et très concurrentiel, et que ces avantages attirent d’ailleurs les traders à haute fréquence car ils ont besoin de ces conditions pour retrouver un inventaire vide en fin de journée (afin de ne pas subir les variations de prix). L’effet du HFT sur l’efficience d’un tel marché peut donc être questionné.

D’autre part, l’asymétrie d’information due à la rapidité des traders à haute fréquence et dont ces derniers profitent aux dépends des traders plus lents, risque d’enclencher un effet d’éviction des traders traditionnels (en particulier vers les dark pools) et donc a fortiori une perte de liquidité sur les marchés désertés. Biais, Foucault, et Moinas (Equilibrium High Frequency Trading, 2010) mettent en évidence cet effet d’éviction.

Mais l’argument récurrent contre la liquidité fournie par le trading à haute fréquence concerne la possibilité pour les market makers de se retirer du marché à tout moment.

L’article d’Eun Yung Lee  (Eun Jung Lee, “High Frequency trading in the Korean Index Futures Market, Journal of futures market, Avril 2013) présente à ce sujet un développement intéressant sur le rôle de fournisseur de liquidité. Avant le développement du HFT, ce statut correspondait à un rôle officiel et à des obligations (fournir de la liquidité au marché). Avec le développement du trading algorithmique et en particulier du HFT ce rôle a progressivement perdu son statut officiel et certains HF traders fournissent en effet de la liquidité au marché mais ils n’en ont pas l’obligation légale. Ce sont des acteurs parmi d’autres sur le marché, ils peuvent se retirer s’ils le souhaitent et arrêter de fournir de la liquidité. Ce qui rend cette liquidité fragile et en partie factice.

Hanson (2013) souligne également ce biais dans la notion de liquidité utilisée par les économistes défendant le HFT:

 “The liquidity argument in favor of HFT is potentially problematic in that HF traders have no affirmative obligation to provide liquidity and might withdraw from the market precisely when liquidity is most needed.”

C’est notamment lors de période de stress sur les marchés que ces retraits soudain de la liquidité habituellement fournie par les HF traders risquent d’accentuer les crises (voir plus loin la partie sur les risques de volatilité et le rôle des traders à haute fréquence lors du flash crash du 6 mai 2010).

  • La liquidité fantôme

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Certains parlent même d’une « ghost liquidity » (pas forcément en période de stress des marchés), notamment lorsque des ordres (d’achat ou de vente) sont rapidement annulés ou modifiés.

« La capacité de se retirer du carnet avant que les ordres envoyés par des traders à basse fréquence, insérés dans le système, ne les atteigne, permet aux traders à haute fréquence de substituer leurs messages initiaux par d’autres instructions qui se croiseront avec les ordres (enfin arrivés) des traders à basse fréquence, à perte pour ces derniers. Dans ces conditions, les ordres envoyés par les traders à haute fréquence peuvent-ils être considérés comme participant à la liquidité du marché ? Le doute nous semble ici légitime. » (Lenglet et Riva, 2013)

 Cette notion de liquidité fantôme est également liée au constat que la liquidité due au HFT ne correspond aux échelles de vitesse et de taille des ordres des investisseurs traditionnels. Les traders à haute fréquence fournissent de la liquidité mais celle-ci n’est pas forcément accessible aux traders humains, du moins elle n’est pas forcément vue comme telle par les autres acteurs du marché. Il s’agit en effet d’une liquidité très fragmentée, à la fois parce que les ordres passés sont de très petite taille et parce qu’ils sont affichés et effectués, ou retirés, très rapidement.

« Il y a deux échelles de temps quand on parle de liquidité. Il y a l’échelle de temps des hautes fréquences en fait en réalité et la c’est haute fréquence face à haute fréquence.  Les fréquences normales ne se battent pas en tout cas ne peuvent pas théoriquement se battre a elle, ce qui peut apporter cette notion de surliquidité, elle est lié au fait qu’entre guillemet il y a une échelle de temps inférieure, c’est une liquidité dont le marché n’a pas forcément besoin "

 (extrait d’un entretien avec un professionnel de la finance ayant publié sur le trading à haute fréquence)

L’échelle de taille des ordres passés par les traders à haute fréquence participe aussi de cette fragmentation de la liquidité puisqu’un investisseur traditionnel devra effectuer plusieurs transactions pour atteindre la position souhaitée, et parfois à des prix peu avantageux (lorsque qu’aux niveaux de prix les plus avantageux les ordres sont peu nombreux).

  • Découverte et efficience des prix

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Le rôle du HFT dans la formation des prix est défendu par Jonathan Brogaard, Terrence Henderschott, et Ryan Riordan (High Frequency trading and price discovery, 2013) dans un working paper publié par la BCE.

Ces auteurs estiment que le HFT participe à rendre les prix de marché plus justes.

Ils distinguent deux composantes des prix : un mouvement transitoire (le bruit, des erreurs d’estimations responsables d’erreurs d’investissement) et un mouvement permanent (le “vrai“ prix, stable à plus long terme). A l’aide de données statistiques sur le NASDAQ et d’un modèle (“state space model “ d’Hendershott et Menkveld, 2011) effectuant cette décomposition et mettant en évidence les corrélations de ces deux mouvements aux activités de trading à haute fréquence, Riordan, Hendershott et Brogaard trouvent que le HFT favorise la convergence des prix vers leur composante permanente, et ceci à la fois dans l’état habituel du marché et dans les jours de forte volatilité.

Les prix sont vus comme une information synthétique renseignant les clients sur la valeur intrinsèque du titre. Les nouveaux prix incorporent donc une information fiable, et facilitent donc le travail des traders, qui peuvent faire confiance au prix de marché sans perdre des moyens à vérifier le bien-fondé de ce prix. Cette information comprise dans les prix est également accessible à tous les participants. Elle favorise donc la concurrence au sein du marché, en particulier en remettant plaçant à un même niveau les investisseurs ne disposant pas de moyens sophistiqués de recherche de l’information et pour qui les prix sont la principale information disponible.

Cette participation du HFT à la découverte des prix est d’autant plus efficace que l’action des HFT apparaît comme un rééquilibrage instantané et invisible aux yeux des autres traders. De plus les algorithmes viennent parfois chercher l’information « réelle » et l’apporter aux marchés (comme lors du piratage du compte twitter de B. Obama, où la réaction des marchés a été très rapide à cause de cette utilisation d’information extérieure par des algorithmes).

Ce working paper, qui a eu des répercussions jusque dans la presse généraliste pour son lien à la BCE, est concordant avec les recherches de Brogaard (2010), et de Carrion (2013).

Eun Jung Lee répond aux travaux d’Hendershott et Riordan (2011, 2012), Brogaard (2010), Hendershott, Jones, Menkveld (2011) qui montrent un effet positif du HFT sur la formation des prix en utilisant le même modèle (Menkveld, Hendershott, 2011),  décomposant les prix en une composante durable et une composante transitoire.

(Eun Jung Lee, “High Frequency trading in the Korean Index Futures Market, Journal of futures market, 2013)

Ce modèle appliqué au marché coréen des futures montre que les pratiques de HFT ne permettent pas une formation juste des prix (ils augmentent même leur volatilité); soit l’inverse des résultats d’Hendershott, Riordan, Brogaard (2013) :

“We do not find that overall HFT is positively correlated with efficient price changes. In the transitory equation, overall HFT is positively associated with transitory pricing errors, which implies that overall HFT increases the noise in prices. This is contrary to the findings from prior research on price discovery of HFT in stock markets (Hendershott and Riordan, 2011; Hendershott and Riordan, 2012; Brogaard, 2010; Hendersott, Jones, and Menkveld, 2011). We find no evidence that overall HFT increases price discovery and efficiency. »

Avec les mêmes outils, et donc sur le même plan théorique appliquée à des marchés différents ces chercheurs trouvent des résultats non concordants. Il est  donc impossible d’extrapoler des résultats « positifs » du HFT sur l’ensemble des marchés financiers. Ceci limite par conséquent la portée de ces travaux et souligne l‘absence de vérité scientifique générale et communément accepté sur le sujet.

 De plus, lorsque le HFT est utilisé pour manipuler les prix, ceux-ci sont faussés et les investisseurs traditionnels sont perdants. Le rapport de l’AMF (Autorité des marchés financiers) d’avril 2014 souligne ce risque :

“A l’inverse, (les investisseurs) peuvent être trompés, et les prix de marché manipulés, si des sociétés de HFT utilisent (…) leur vitesse d’intervention à la seule fin de faire naître une « tendance » dans l’évolution des prix qui leur soit profitable : une firme peut créer une tendance haussière sur les prix afin de faire croire à d’autres participants que cette évolution est « fondamentale » (i.e. non artificielle), ce qui alimentera une progression des prix, avant que cette société ne cède très rapidement ses titres dans le but de dégager un profit.“

 

Ces techniques de manipulation de marché sont illégales : l’amende et les interdictions de pratiquer prononcées en juillet 2013 par la CFTC (Commodity Futures Trading Commission) à l’encontre de Panther Energy Trading sont un exemple récent de la condamnation d’une telle pratique. Le spoofing, le procédé illégal utilisé par Panther, est une manipulation des prix sur le marché en l’inondant d’ordres d’achat (ou de vente) provoquant une hausse ou une baisse des titres concernés, puis l’annulation, prévue à l’avance, de ces ordres, pour vendre ou acheter le titre à son nouveau prix, bien plus favorable.

« CFTC Orders Panther Energy Trading LLC and its Principal Michael J. Coscia to Pay $2.8 Million and Bans Them from Trading for One Year, for Spoofing in Numerous Commodity Futures Contracts » (July 2013)

Par ailleurs, l’arbitrage entre les marchés (voir fragmentation des marchés) que pratiquent de nombreux traders à haute fréquence, participe à la formation des prix. En effet cette activité consiste à repérer des écarts de prix pour un même ordre sur des marchés différents et de tirer profit de cette différence de cotation. L’arbitrage est alors censé harmoniser les prix sur les diverses plateformes d’échange.

  • Volatilité

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Par ailleurs le HFT semble réduire la volatilité, ou du moins il ne l’accentuerait pas. Il aurait donc un effet positif ou neutre sur la stabilité des prix.

Hagströmer et Nordén montrent que les traders à haute fréquence impliquées dans des activitées de market-making ont provoqué une diminution de la volatilité de court terme sur le NASDAQ-OMX Stockholm. (Hagströmer, Björn, Norden, and Lars, “The Diversity of High-Frequency Traders”. Journal of Financial Markets, 2013).

Ceci rejoint directement les observations de Riordan, Hendershott, et Brogaard (2013), expliquées précédemment, puisque le mouvement transitoire défini dans leur étude correspond à une volatilité de court terme.

Plus généralement, les travaux de Chaboud, Hjalmarsson, Vega, et Chiquoine (2009) ; Brogaard (2010), Hasbrouck et Saar (2010, 2012) ; ou encore Linton (2011) soulignent une corrélation négative, parfois peu prononcée, entre trading à haute fréquence et volatilité.

En revanche, certains travaux empiriques (Arnuk et Saluzzi, 2009 ; Zhang, 2010), ou théoriques (Hanson “The effects of high frequency traders in a simulated market”2011) exposent des résultats contraires, évoquant une corrélation positive entre HFT et volatilité. Hanson remarque que dans son modèle de marché financier, l’activité des traders à haute fréquence est responsable d’un haut niveau de volatilité. Il note que les études arrivant à cette conclusion sont de plus en plus nombreuses et qu’il s’agit là d’une des principales raisons pour lesquelles le HFT est controversé, et une motivation importante pour sa régulation.

Il relie ces risques de volatilité aux interrogations sur le rôle des traders à haute fréquence lors du flash crash du 6 mai 2010.

Plusieurs scientifiques notent en effet un risque de crise de liquidité lors de périodes d’agitation. Les traders à haute fréquence n’ayant pas d’obligation à fournir de la liquidité, ils peuvent se retirer à tout moment. Ce retrait soudain des fournisseurs de liquidité présente à son tour un risque de volatilité. Cet effet est notamment mis en avant par Kirilenko, Kyle, Samadi, et Tuzun (The flash crash: The impact of high frequency trading on an electronic market, 2011). Le rapport de la SEC sur les événements du 6 mai 2010 à la bourse de New York remarque en effet qu’à certains moments des traders à haute fréquence, habituellement market makers, se sont comportés comme des preneurs de liquidité.

Les risques supposés du HFT en période de crise ne sont pas prouvés, de même que ses effets lors de périodes plus stables. Les tendances observées permettent toutefois la formation d’un sentiment général quant à ces effets. Un professionnel de la finance ayant publié sur le trading à haute fréquence, que nous avons rencontré, résume ainsi ce sentiment général :

“Tout le monde parle en fonction de son impression mais il n’y a pas d’étude qui fait foi. Il semblerait, d’après les professionnels de marché, que quand les marchés se comportent de façon normale, le HFT apporterait de la liquidité. LA question qui est posée c’est en période de stress des marchés ou la on considère que c’est plutôt  un phénomène qui va amplifier ces phénomènes.“


Coûts de transaction et autres coûts pesant sur les investisseurs

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Parallèlement à l’intérêt des chercheurs pour les effets du HFT sur la volatilité, l’efficience des prix, ou la liquidité, l’effet du HFT sur les coûts de transaction est un nœud du débat scientifique sur l’apport du HFT aux marchés financiers. Lehalle et Burgot (2010) évaluent la baisse des commissions d’accès aux marchés réglementées à 30% entre 2007 et 2009. En effet les places financières ont abaissé leurs commissions notamment afin d’attirer les traders à haute fréquence car ceux-ci sont considérés comme fournisseurs de liquidité. Depuis la concurrence entre les marchés instaurée par la MIF, et le développement du HFT qui a suivi cette réglementation, les coûts de participation ont baissé pour l’ensemble des participants, grâce à cette pression du trading à haute fréquence sur les marchés. Cependant, malgré cette réduction générale des commissions et d’autres constituants des coûts de transaction, les coût total de transaction aurait augmenté de 24% selon l’AMAFI (2010) (cité par Lenglet et Riva (2013)) en raison d’une liquidité fragmentée. Les ordres étant de très petite taille, les investisseurs doivent réaliser une grande quantité d’ordre pour effectuer des transactions de la taille souhaitée (voir les différences d’échelles entre la liquidité fournie par le HFT et la liquidité utile à l’investisseur traditionnel).

Par ailleurs les avantages de repérage, de modifications, ou d’annulation des ordres, dont disposent les traders à haute fréquence du fait de leur vitesse de fonctionnement, font peser des coûts sur les investisseurs traditionnels infiniment plus lents. En effet ceux-ci peuvent manquer d’exécuter des transactions à des prix favorables car les traders à haute fréquence en profiteront avant eux. Les traders peuvent aussi subir des coûts lorsque l’ordre qu’ils s’apprêtent à effectuer est modifié sans qu’il n’ai le temps de réagir (Lehalle et Burgot, 2010 ;  cité dans Lenglet et Riva, 2013).

Chordia, Lehmann, Goyal, et Saar notent d’ailleurs qu’en tant qu’intermédiaire il paraît logique que les HFT market-makers fassent peser des coûts sur les investisseurs. Mais que la question serait plutôt de savoir si ces coûts sont acceptables par rapport au service proposé (“High-Frequency Trading”. Johnson School Research Paper Series, 2013).

Conclusion

 

La représentation du HFT comme un intermédiaire des échanges, comme un lubrifiant sur les marchés, voire simplement comme du trading plus rapide tend à la démystifier. En tant qu’acteurs plus “rationnels“, Les algorithmes semblent approcher les marchés de la théorie. Les résultats de la recherche scientifique participent à cette démystification tout en soulevant plusieurs points litigieux. Par ailleurs, il existe bien une controverse car l’accès difficile à des données suffisamment fiables et nombreuses est difficile. La recherche, encore nouvelle, rappelons-le, donne aujourd’hui des directions mais il n’existe pas de consensus scientifique sur les effets du HFT de manière générale. De plus le débat scientifique est régulièrement accusé d’être biaisé par des lobbies, agissant insidieusement.

En marge de la controverse scientifique sur le HFT de nombreux groupes débattent sur les arguments fournis par les scientifiques. De Nanex qui étudie les micro-anomalies sur les marchés, à Themis Trading (Arnuk et Saluzzi) qui défend les intérêts investisseurs traditionnels face aux traders à haute fréquence, en passant par les forums et publications du Tabb group, un débat technique, plus ou  moins expert, existe en dehors du champ purement scientifique.

La controverse sur le HFT se prolonge en particulier au sein du secteur financier, où certains traders traditionnels s’opposent aux méthodes de trading à haute fréquence, par lesquelles ils ont le sentiment d’être désavantagés. En effet, en tant qu’intermédiaires plus ou moins officiels et grâce à leur technologie les traders à haute fréquence jouissent de privilèges (parfois offerts par les bourses elles-mêmes) qui menacent l’égalité des intervenants sur les marchés, au dépend, notamment,  des investisseurs traditionnels.