Toutefois, pour définir l’efficacité d’une substance, outre les effets sur les symptômes de la dépression, il est nécessaire de prendre en compte les éventuels effets secondaires de ces antidépresseurs. En effet, les études précédentes n’en tiennent pas compte pour fixer des seuils d’efficacité des molécules testées, et sont donc qualifiées d’incomplètes par certains chercheurs et par un grand nombre de journalistes, qui dénoncent une mauvaise prise en compte des effets secondaires par les fabricants de médicaments. Pour Guy Hugnet, journaliste indépendant, les antidépresseurs sont des substances guère plus efficaces que des placebos, mais qui peuvent avoir des effets secondaires graves, comme le montrent certains scandales médiatisés. Pour lui, la balance bénéfices-risques est clairement défavorable aux antidépresseurs.

L’un des principaux effets indésirables susceptibles d’être induits par les antidépresseurs est le suicide. Largement relayés et décriés par la presse généraliste, les risques de suicides ont également été analysés par certains chercheurs. L’un d’entre eux, David Nutt, affirme dans un article que :

SSRIs (and other antidepressants) can cause agitation and activation at the start of treatment that may make patients feel worse, so increasing suicide risk. Such activation is a well-recognized effect of the SSRIs.

~Nutt D.J., « Death and dependence: current controversies over the selective serotonin reuptake inhibitors » (5)

Ainsi, les ISRS provoquent une “levée d’inhibition” en début de traitement : l’état d’apathie dans lequel la dépression plonge le patient est levé, mais le moral du patient ne s’est pas encore amélioré, ce qui augmente les risques de tentatives de suicide, comme le montre le chercheur sur ce graphe :

graph

Toutefois, selon David Nutt :

the reasons for this activation syndrome are not yet understood

~Nutt DJ, « Death and dependence: current controversies over the selective serotonin reuptake inhibitors »

On est donc encore au stade de l’hypothèse scientifique.

Marie-Christine Mouren, pédiatre et psychologue, évoque ce problème de levée d’inhibition chez les enfants et adolescents. S’appuyant sur un rapport de la FDA, elle note que l’augmentation d’événements suicidaires s’est stabilisée à 1.8 (1.95 d’après le diagramme) chez les jeunes patients,


ce qui a conduit à un label « black box » prévenant les utilisateurs de ce risque sur l’emballage de tous les antidépresseurs, sans toutefois contreindiquer leur usage.

~Mouren M-C, « Les antidépresseurs sérotoninergiques chez le sujet jeune: un risque ou une chance ? » (6)

efficacit

Sur l’image ci-dessus nous voyons les résultats de 20 essais cliniques évalués. CI montre l’intervalle de confiance (confidential interval); MDD, le trouble dépressif majeur (major depressive disorder); GAD, le trouble d’anxiété généralisé (generalized anxiety disorder); OCD, le trouble obsessif-compulsif (obsessive-compulsive disorder); SAD,le trouble d’anxiété sociale (social anxiety disorder). La ligne pointillée montre le risque relatif global.

Comme D.Nutt, M-C Mouren met l’accent sur le fait que les origines de cet effet omniprésent n’ont pas d’explication scientifique. Néanmoins, elle s’oppose à lui en affirmant que l’activité suicidaire est bien limitée à court terme et que pour certains troubles (par exemple, le trouble obsessionnel-compulsif), le bénéfice thérapeutique prévaut contre les événements suicidaires. Elle pose néanmoins un bémol à ses conclusions : selon elle, les essais sur lesquels elle s’est appuyée n’étaient pas assez ciblés et insuffisamment documentés pour pouvoir émettre des conclusions tout à fait satisfaisantes.

L’académie française de médecine s’est également intéressée aux risques d’effets secondaires et de suicides chez les patients sous antidépresseurs. Dans l’un de ses rapports qui s’appuie sur plusieurs études statistiques menées sur différentes populations, le psychiatre Jean-Pierre Olié affirme que le début du traitement est la période la plus risquée, et insiste sur la nécessité d’un suivi régulier de la part du médecin traitant. Selon lui, beaucoup de tentatives de suicide auraient pu être évitées grâce à un meilleur suivi du patient. Le rôle du prescripteur ne se limite donc pas, pour lui, à la simple prescription de substances : il faut suivre régulièrement son patient, sans quoi les risques d’effets secondaires restent importants, même si l’antidépresseur est bien prescrit à la base.

Précédent                                                                                                                                            Suivant