Les principaux opposants au traitement exclusif de la dépression par antidépresseurs sont les psychothérapeutes. Selon l’un d’entre eux, Yves Dalpé, il n’a jamais été prouvé scientifiquement que le manque de sérotonine favorise la dépression. Dans son article « Psychothérapie versus antidépresseurs », il fait référence à l’étude « The Efficacy of Psychodynamic Psychotherapy » (9) du professeur Jonathan Shedler, qui consiste à comparer l’efficacité de la psychotérapie psychodynamique (PP) avec celle des antidépresseurs connus et répandus.
Shedler commence par présenter les principes fondamentaux de la PP, qu’il oppose clairement à la psychanalyse freudienne :
outlandish and inaccessible speculations made by Sigmund Freud roughly a century ago, rarely presenting mainstream psychodynamic concepts as understood and practiced today.
~J.Shedler, « The Efficacy of Psychodynamic Psychotherapy »
La PP s’organise autour de 7 points clés, parmi lesquels on trouve la concentration sur l’affect, les relations avec les gens, l’expérience personnelle et les motifs récurrents de la pensée. L’étude de Shedler présente un diagramme comparant les résultats de la PP avec les antidépresseurs qui fournit des résultats étonnants (plus d’information sur « effect size » (taille d’effet) ici) :
Il apparaît clairement que les tailles d’effet des antidépresseurs sont bien moins élevées que celles des psychothérapies de type PP. D’autres méta-analyses sont venues corréler celle de Shedler. Mais alors, pourquoi les patients ne préfèrent-ils pas consulter un psychologue plutôt que de prendre des antidépresseurs ?
Des éléments de réponse sont fournis par l’article « Il faut sortir de cette civilisation pilule à tout va », dans lequel Patrick Lemoine, docteur en neurosciences et psychiatre, explique sur l’exemple de la France que :
le nœud du problème, c’est le non-remboursement des psychothérapies chez les psychologues
~P.Lemoine, « Il faut sortir de cette civilisation Pilule à tout va »
Selon lui, s’il existe un système dans lequel l’achat d’antidépresseurs est remboursé, alors ces médicaments l’emportent sur les psychothérapies. Au Danemark, pays où les benzodiazépines ont été exclus de la liste de remboursement, l’étude « Reimbursement Restriction and Moderate Decrease in Benzodiazepine Use in General Practice » (10) démontre que les généralistes tendent à réduire les prescriptions de ces benzodiazépines.
Une autre piste en plein essor est la psychothérapie cognitivo-comportementale (PCC), qui repose sur une théorie comportementale différente de la PP. Cette thérapie est fondée sur le concept que les pensées, les sentiments et les sensations du patient sont des actions interconnectées : les pensées et les sentiments négatifs fixent le patient dans un cercle vicieux. En général, le traitement se focalise sur les pensées du patient afin de changer son comportement et son état émotionnel. Contrairement à la thérapie psychodynamique, elle ne cherche pas à agir sur le subconscient du patient, mais cherche à agir sur des traits de caractère extérieurs.
Sur le diagramme ci-dessus on peut voir que les tailles d’effet pour la PCC varient de 0.58 à 1.0, ce qui est toujours au-dessus de l’effet modéré. Des études plus récentes, comme « Internet-based cognitive behaviour therapy for symptoms of depression and anxiety: a meta-analysis » (11) montrent que même des thérapies sur Internet avec des interventions des spécialistes atteignent des tailles d’effet de 1.0.
Ainsi, pour la majorité des défenseurs des traitements par psychothérapie cités ici, les traitements à base d’ISRS ne sont fondés que sur des constatations empiriques, statistiques, et le gain d’efficacité par rapport au placebo ne suffit pas à compenser les risques liés aux éventuels effets secondaires. Un traitement à base de psychothérapie permet de s’attaquer aux causes externes, environnementales, de la dépression, tout en limitant les risques de suicide et autres effets secondaires liés à l’utilisation de substances chimiques.