Toutefois, même en y incorporant la balance bénéfices/risques, cette définition de l’efficacité d’un traitement reste sujette à débats. En effet, dire d’un traitement qu’il est efficace s’il réduit les symptômes de la dépression tout en limitant les effets secondaires, c’est se placer sur une échelle de temps courte : celle de la durée du traitement. Cela ne prend pas en compte un éventuel risque de rechute après l’arrêt du traitement. Que dire d’un antidépresseur qui limiterait les symptômes pendant le traitement, mais qui ne guérirait pas de la dépression sur le long terme, entraînant ainsi une certaine dépendance du patient ? Comme le souligne Jean-Pierre Olié, la question du suivi du patient après le traitement est cruciale. Selon lui, les patients qui continuent à consulter juste après l’arrêt du traitement ont moins de chance de faire une rechute. Des psychothérapeutes comme Yves Dalpé sont d’avis que les antidépresseurs, en s’attaquant aux symptômes de la dépression, ne réussissent pas toujours à éradiquer ses causes. Les facteurs environnementaux qui influent sur la chimie de nos organismes, voilà ce sur quoi il faudrait agir selon eux pour avoir des résultats vraiment durables, et ainsi éviter les rechutes.
La définition d’une rechute n’est pas triviale. On la trouve notamment dans le travail « Selective serotonin reuptake inhibitor treatement in the UK : risk of relapse or recurrence of depression » (7). Elle se compose de 3 parties : (a) réinitiation d’un traitement d’antidépresseurs après un écart au moins de 6 mois; (b) tentative de suicide, besoin d’une consultation de médecin; (c) l’événement (a) et un ou deux événements de (b). Les auteurs en déduisent que les risques d’une rechute apparaissent moins souvent chez les patients qui ont suivi le traitement de manière stable pendant 120 jours ou plus (commentaires en rouge).
Ce fait peut aussi être démontré en utilisant le diagramme de Kaplan-Meier, sur lequel les courbes commencent à diverger deux mois après la fin du traitement :
Une autre réaction de l’organisme d’un patient est l’apparition d’effets collatéraux ou symptômes résiduels. L’étude « Residual symptoms after remission of major depressive disorder with fluoxetine and risk of relapse » (8) décrit soigneusement les problèmes auxquels les patients se heurtent malgré la disparition de la dépression. Les problèmes les plus fréquents sont l’anxiété, la prise de poids, la mauvaise humeur et l’insomnie (60.4%). Les troubles du sommeil font souvent suite l’amélioration de l’état du patient et peuvent provoquer de petites rechutes, bien qu’ils soient considérés comme un symptôme secondaire par la communauté des médecins.