Maîtriser son horloge biologique ?
Retarder sa maternité, un phénomène de société…
Retarder sa maternité est aujourd’hui un véritable phénomène de société. De plus en plus de femmes choisissent de différer leur grossesse pour des motifs aussi bien personnels que professionnels : poursuivre ses études, se consacrer pleinement à sa carrière, attendre une situation sociale plus stable, etc.
Les statistiques de l’INSEE illustrent cette évolution, qui est en fait double, puisqu’aussi bien l’âge moyen de la mère à la première naissance que l’écart type de cet âge à la première naissance augmentent. En 2010, les femmes enfantent à 28 ans en moyenne, soit 4 ans de plus qu’en 1960. Permise par la généralisation des méthodes de contraception et d’interruption volontaire de grossesse (IVG), cette tendance est illustrée par le graphique suivant qui retrace l’évolution de l’âge moyen des femmes à l’accouchement par rang de naissance de l’enfant
Aujourd’hui, 36% des premiers bébés ont une mère de plus de 30 ans à la naissance contre 9,9% en 1967. De plus, dans 11% des cas la mère a plus de 35 ans contre 2% des cas en 1967. Au-delà des moyennes, le graphique 2 détaille l’étalement croissant des âges des mères à la naissance de leur premier enfant. On y constate la tranche d’âge des primo-maternité s’élargit tout en se translatant
… mais une tendance qui n’est pas sans risques
En conséquence, de plus en plus de femmes atteignent 35 ans sans avoir procréé, mais envisagent toujours de le faire. Néanmoins, la physiologie humaine ne s’accommode pas aussi facilement de ces bouleversements sociaux : l’infertilité liée à l’âge se manifeste plus précocement chez la femme que l’homme. Non seulement, chaque femme possède une réserve ovarienne finie mais la quantité et la qualité de ses ovocytes s’amenuisent conjointement avec l’âge. Par ailleurs, l’utérus aussi vieillit et se dispose de moins en moins à supporter une grossesse dès la trentaine. Ces deux derniers facteurs amoindrissent les chances de grossesses et amplifient les risques qui en découlent. Au-delà de quarante-trois ans, le danger concerne aussi bien la mère que son enfant.
Les programmes scolaires actuels délaissent l’infertilité liée à l’âge tandis que des études scientifiques démontrent le déni des hommes et des femmes à son égard. En particulier, les femmes les plus diplômées sous-estimeraient son impact
Dans la continuité de ce déni, rattrapées par leur âge, de plus en plus de femmes se voient contraintes de recourir à la procréation médicalement assistée, impliquant des procédures lourdes au succès incertain.
Les promesses de la vitrification ovocytaire
La biomédecine n’est restée ni sourde ni muette face à l’infertilité. Pour la prévenir chez les hommes, elle a mis au point la congélation des spermatozoïdes par un processus de congélation lente, technique aujourd’hui largement utilisée. En revanche, congeler des ovocytes s’est avéré beaucoup plus délicat : la taille de l’ovocyte – bien supérieure à celle d’un spermatozoïde – complique l’opération et augmente les risques de formation de microcristaux dans l’ovocyte (dans le cas d’une congélation lente). Si la mise au point de techniques de congélation dans les années 90 a ainsi rendu possible la congélation des ovocytes, il a donc fallu attendre la vitrification (mise au point au Japon en 2005) pour obtenir des résultats réellement satisfaisants.
On peut aujourd’hui envisager ces techniques pour éviter aux femmes de se faire piéger par leur horloge biologique en leur permettant de reporter leur maternité sans trop en amenuiser les chances de succès : elles feraient vitrifier leurs ovocytes jeunes pour les réutiliser via une fécondation in vitro quelques années après, une fois qu’elles le jugeraient opportun.
Le débat sur l’autoconservation ovocytaire pour convenance personnelle
Si l’autoconservation des ovocytes pour convenance personnelle, notamment en prévention de l’infertilité liée à l’âge, est désormais autorisée dans de nombreux pays comme les Etats-Unis, le Japon, l’Espagne, la Belgique ou encore le Royaume-Uni, la France est réticente à la généraliser. Cette technique n’est actuellement autorisée que dans le cadre thérapeutique lorsqu’une pathologie ou un traitement est susceptible d’altérer la fertilité.
L’extension de la vitrification ovocytaire au-delà de ce seul cadre fait l’objet d’un débat depuis plusieurs années, relancé par l’annonce polémique des firmes américaines Apple et Facebook en octobre 2014 de leur intention de financer l’opération de vitrification à leurs employées pour leur permettre de mieux se consacrer à leur carrière. La polémique suscitée à cette occasion a contribué à faire davantage connaître l’existence même de cette technique auprès du grand public.
Le débat s’est cependant cristallisé autour de plusieurs points :
→ La techniques : certains craignent qu’elle n’entraîne des risques pour la mère et pour son enfant. Les taux de succès de cette technique sont aussi débattus.
→ Les impacts sociétaux d’une légalisation de l’autoconservation pour convenance personnelle : certains craignent d’ouvrir la porte à des pressions professionnelles accrues sur la maternité de la part de l’employeur et de porter atteinte à l’égalité homme-femme, quand d’autres y voient un moyen de la renforcer. Par ailleurs, se pose la question du financement du recours à cette technique et de la mise en place de l’organisation nécessaire à son fonctionnement.
→ La singularité française dans le traitement de la question : le débat est plus virulent en France qu’il ne l’a été ailleurs, et les positions sont plus contrastées. Pourquoi cette véhémence du débat français ? Quelles réponses ont été apportées aux questions posées en Espagne et au Royaume-Unis où des consensus différents prédominent ?
Voici un reportage de France 3 qui pose le débat en réaction à l’annonce d’Apple et Facebook de financer la congélation des ovocytes de leurs employées :