Historique du débat en France

En France, les lois de Bioéthique, de 2004 et 2011 (décret d’application du 22 décembre 2006), prévoient que
 :
« en vue d’une réalisation d’aide médicale à la procréation, toute personne peut bénéficier du recueil et de la conservation de ses gamètes ou de tissu germinal […] lorsqu’une prise en charge médicale est susceptible d’altérer sa fertilité ou lorsque sa fertilité risque d’être prématurément altérée. »1

L’article de la loi de bioéthique, Art L.2141-1, autorisant la congélation ultra-rapide des ovocytes est entrée en vigueur en juillet 2011 à la suite d’un amendement de Valérie Boyer, maire du 6e secteur de Marseille et députée des Bouches du- Rhône.2 Depuis 2011, la congélation des ovocytes est autorisée pour les seules femmes atteintes de maladies dont les traitements (chimiothérapie lors d’un cancer…) peuvent menacer la fertilité. La vitrification est aussi autorisée à celles qui, en échange, font un don pour traiter une autre femme stérile. « Un chantage inacceptable » pour le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF).

« Lorsqu’il est majeur, le donneur peut ne pas avoir procréé. Il se voit alors proposer le recueil et la conservation d’une partie de ses gamètes ou de ses tissus germinaux en vue d’une éventuelle réalisation ultérieure, à son bénéfice, d’une assistance médicale à la procréation, dans les conditions prévues au titre IV du livre Ier de la deuxième partie. Ce recueil et cette conservation sont subordonnés au consentement du donneur. »3

Les avis des différentes institutions du domaine diffèrent. Le CNGOF, après avoir rendu en 2003 un avis défavorable à l’autoconservation sociale des ovocytes4 s’était prononcé, fin 2012, en faveur de la généralisation de l’autoconservation des ovocytes pour des raisons sociétales et de santé.

« en conclusion le CNGOF est favorable à l’autoconservation ovocytaire sociétale. Il rappelle qu’il est indispensable que les femmes soient dûment informées de la chute de la fertilité avec l’âge, des risques des grossesses tardives pour elles-mêmes et leurs enfants à naître, ainsi que des chances incertaines de réussite de l’autoconservation »5

Le CNGOF a cependant mis en avant de nombreuses limites concernant notamment l’âge de conservation
 :

– L’autoconservation est optimale avant 35 ans, possible jusqu’à 39 ans (selon la réserve ovarienne) mais les femmes doivent être informées qu’au-delà de 35 ans les chances d’obtenir ultérieurement une grossesse diminuent notablement.

– Il n’est pas souhaitable de faire une autoconservation avant l’âge de 30 ans sauf indication médicale avérée

– L’âge limite pour reprendre ses ovocytes est optimal avant 45 ans, éventuellement possible entre 45 et 50 ans sous réserve que l’état de santé de la femme ne soit pas incompatible avec le bon déroulement d’une grossesse et que la femme soit dument informée des risques tant pour elle que pour l’enfant.

La Fédération des Centres d’Etude et de Conservation des Œufs et du Sperme humains (Fédération des CECOS) ne partage pas la même opinion que le CNGOF. Certes, elle reconnaît que
 :
« les arguments pour cette pratique sont évidents
 : éviter à une femme de se retrouver en situation d’infertilité, situation toujours vécue de manière traumatisante
 : ne pas avoir l’enfant que l’on désire » – Fédération des CECOS

Mais elle soutient que
 :
« l’autoconservation d’ovocytes pour toutes semble prématurée et non pertinentes à ce jour » – Fédération des CECOS6

Sollicité, le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) n’a pas encore rendu d’avis officiel mais semblait plutôt favorable
 :
« nous ne voyons aucune raison d’interdire cette pratique, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il faille l’encourager »7- CCNE

Cependant les débats sur la PMA pour les couples homosexuels puis sur la fin de vie ont repoussé la réponse prévue fin 2013.

En Europe, la European Society of Human Reproduction and Embryology (ESHRE) a rendu en 2012 un avis favorable à cette pratique, jugeant que les arguments qui avaient motivé son premier avis négatif en 2004 n’étaient plus à l’ordre du jour en affirmant
 :
« it is concluded that the arguments against allowing this application of the technology are not convincing. »8 – ESHRE

Cependant, depuis la prise de position du CNGOF, le débat s’est enlisé.
« En haut lieu, il y a des blocages, sans doute car le problème de la congélation des ovocytes se télescope avec les vifs débats sur la PMA hors indications médicales. Les deux n’ont rien à voir, mais cela peut expliquer que le gouvernement n’y mette pas la moindre phalange. »9 déplore Bernard Hédon, président du CNGOF.

Ces blocages seraient aussi liés au coût pour la Sécurité sociale que pourrait entraîner cette autorisation. C’est l’avis de Valérie Boyer qui évoque la particularité française en matière de financement dans la vidéo suivante
 :

L’autoconservation de convenance, si elle est autorisée, serait couverte par l’Etat selon la politique mise en place jusqu’à présent en France.

L’annonce d’Apple et Facebook en octobre 2014 de financer la congélation des ovocytes de leurs employées a relancé le débat en France
 : Marisol Touraine, ministre de la Santé, s’est dite « préoccupée » par ces projets, estimant que la question relevait du domaine « médical, éthique ». « Ce n’est certainement pas un débat pour directeurs des ressources humaines », a-t-elle souligné. Cependant la ministre de la Santé ne s’est pas exprimée plus largement sur la question de la conservation ovocytaire de convenance car le débat est figé.6 Selon Virginie Rio, présidente du collectif BAMP ! (Blog Assistance Médicale à la Procréation), le débat sur le mariage pour tous compliquerait encore plus la situation et le gouvernement actuel ne serait pas prêt à relancer un nouveau débat national. Un mouvement militant pour la congélation des ovocytes pour convenance personnelle a émergé, mené par des figures comme René Frydman.



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