Sur la page d’accueil du site de la CNIL. se trouve son slogan « protéger les données personnelles, accompagner l’innovation, préserver les libertés individuelles ».
Mais le droit à l’oubli, visant au respect de la vie privée, est-il compatible avec les autres formes de libertés individuelles, notamment la liberté d’expression, comme le laisse sous entendre ce slogan ?
Pour répondre à cette question, une hiérarchisation des différents types de donnée personnelles est indispensable : il existe des données qu’on peut supprimer, et d’autres non. Pour de nombreux acteurs, le droit à l’oubli ne peut concerner que les données publiés par les internautes, et non celles collecté par les institutions et gouvernements. Ces dernières répondant selon eux à un intérêt public [4S].
Les données personnelles des internautes sont souvent collectée à des fins utiles. Les données médicale par exemple subissent un traitement spécifique [2S]. Un ensemble de technologies informatiques connu sous le nom de « Hippocratic Database » permet aux institutions médicales de concilier l’usage des information médicales (partages, analyses…) et respect de la vie privée en anonymisant ces donnée grâce à des algorithmes.
La collecte d’informations personnelles est un outil puissant qui rend de nombreux e-commerce très efficaces. On pense au stockage de données personnelles sur le Cloud, la localisation d’individus ainsi que l’usage des informations collectées pour la publicité ciblée. Pour ces acteurs, la prospérité d’un e-commerce contribue à l’intérêt général: la protection de la vie privée est un droit individuel qui ne doit pas s’y opposer [4S].
Concernant les données personnelles publiées par les internautes et les médias, l’application du droit à l’oubli est elle une entrave à la liberté d’expression ?
Le conflit qui existe entre droit à l’oubli et liberté d’expression est bien illustré par ce fait divers [8P]:
En octobre 2014, le pianiste Dejan Lazic a voulu invoquer le Droit à l’oubli pour forcer le Washington Post à retirer une mauvaise critique datant de 2010. La Cour de Justice de l’Union Européenne a estimé que la désindexation était possible. Selon elle les informations n’étaient plus pertinentes et portaient atteinte à l’image de l’artiste.
Si on généralise cette décision de justice, le net serait vidé de commentaires négatifs. Afin que le droit à l’oubli ne nuise pas à la liberté d’expression, les moteurs de recherche afine leur critère de désindexation.
Google peut refuser la demande si [7P]:
- l’information concerne la vie professionnelle et pas privée
- l’information est toujours d’actualité
- l’internaute est lui même l’auteur du contenu qu’il demande à effacer ou si c’est une personne publique.
[7P] L. Neuer, « Droit à l’oubli : « Demander à la machine d’oublier, c’est inconcevable » », Le Point, 15 décembre 2014.
[8P] F. Michel, « Dérive sur le droit à l’oubli numérique : un pianiste tente de faire retirer une mauvaise critique du Washington Post grâce à la législation européenne », Atlantico, 5 novembre 2014.
[2S] R. Agrawal, C. Johnson. « Securing electronic health records without impeding the flow of information », International Journal Of Medical Informatics, volume 76, pages 471-479, Mai-Juin 2007.
[4S] S. Corbett, « The retention of personal information online: A call for international regulation of privacy law », Computer Law and Security Review, Volume 29, Numéro 3, Pages 246-254, Juin 2013.