Cartographie – Les associations et entreprises «collaboratives»
Toutes les entreprises suivantes sont des exemples parmi des dizaines d’autres entreprises collaboratives. Nous avons choisi de présenter celles-ci car elles représentent chacune un aspect différent de la controverse, et ont, pour certaines d’entre elles, réellement l’histoire du débat. Cela permet notamment de saisir la diversité de l’économie dite collaborative, et donc de comprendre pourquoi il est si difficile de définir et de réguler cette forme d’économie.
Parmi ces entreprises, trois proposent un service s’inscrivant dans le principe de l’économie collaborative, à savoir BlablaCar (covoiturage entre particuliers), Vestiaire collective (commerce de vêtements de luxe entre particuliers), et Pret d’union (crédit entre particuliers).
Les deux autres sont plus « classiques » : Sigfox (internet des objets), Netatmo (objets connectés).
Uber est une plateforme numérique qui propose la mise en relation d’une entreprise de VTC (souvent des autoentrepreneurs) avec un client qui souhaite réaliser une course. Elle est financée par une commission prélevée sur la course.
Uber représente un véritable cas d’école dans la controverse sur l’économie collaborative, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, elle s’inscrit dans un contexte de numérisation de l’économie, c’est-à-dire de mise en relation d’un client avec un vendeur par le biais du numérique. Deuxièmement, en bouleversant le marché, elle s’oppose à une vive contestation des concurrents « classiques », à savoir les taxis. Plusieurs manifestations ont même visé la disparition d’Uber car cette plateforme est considérée comme proposant une concurrence déloyale aux taxis. Ces manifestations concernent d’ailleurs toutes les compagnies de VTC. Enfin et en conséquence des points précédents, Uber entretient une relation forte avec les gouvernements, qui cherchent à définir le modèle économique adéquat pour réguler cette nouvelle forme d’économie. L’exemple d’Uber est si important qu’on utilise aujourd’hui le terme d’ « ubérisation ».
Start-up allemande fondée en 2015 distribuant une plateforme éponyme. Disponible dans plusieurs grandes villes allemandes, elle passe pour « le Uber du sexe ». Son principe est en effet de mettre en relation des hommes, qui remplissent un formulaire où ils précisent leur demande et le prix qu’ils sont prêts à y mettre, et des femmes qui décident ensuite de répondre ou non à ces propositions de rendez-vous tarifés.
Ohlala est un exemple frappant d’ubérisation d’un domaine moralement très sensible, même si la prostitution est légale en Allemagne, et le proxénétisme aussi à certaines conditions. Le service propose donc de remplacer de façon numérique un intermédiaire (ici, le proxénète), comme le faisaient Uber et AirBnB. Mais, alors que ces derniers sont accusés de ne pas respecter les droits des travailleurs en profitant du flou juridique entourant les plateformes, Poppenreiter (la porte-parole de la start-up) se targue de libérer les femmes en proposant une application leur laissant un contrôle sur la visibilité de leur profil, les rendez-vous qu’elles acceptent, etc.
« Les femmes sont seules à décider à qui elles veulent montrer leur profil. Chez Ohlala, ce sont les femmes qui portent le pantalon ! » (Pia Poppenreiter citée dans Botelet C., 2015).
Un système d’échange local est une structure associative, déclarée ou non, permettant l’échange de produits ou services au sein d’un groupe fermé, échanges valorisés selon une unité propre à chaque groupe le plus souvent basée sur le temps. Tout membre peut bénéficier de bien et de services en échange de son temps. Contrairement au troc, les possibilités d’échanges sont élargies car le bénéficiaire ne doit pas nécessairement rendre à celui qui dont il reçoit. L’intérêt est de créer une structure économique locale et solidaire, à but double : à la fois économique mais aussi social, en créant un réseau d’entraide qui permet de sortir de l’isolement et de prendre conscience de ce que chacun peut offrir. Il existe aujourd’hui plus de 600 SEL en France. Légalement, les rémunérations sont exonérées de TVA dans la mesure où l’action proposée est ponctuelle et ne constitue pas une profession.
Les SEL sont un exemple d’économie de partage, où les membres ne font pas réellement de profit mais plutôt peuvent accéder de façon égalitaire à des biens ou services. Contrairement aux entreprises telles qu’Uber, il n’y a pas d’intermédiaire qui met en relation les participants en touchant une somme d’argent. De plus, ces structures permettent d’éviter l’exclusion de personnes sans emploi et constituent un réel système d’économie collaborative au sens où l’entend Eric Dupas-Laigo par exemple. Les SEL défendent le fait d’échanger sans faire intervenir d’argent.
Les relations entre les SEL et les pouvoirs publics ont parfois été complexes. Certains SEL ont été soupçonnés de dissimuler du travail au noir et ont été poursuivis en justice pour remise en cause de la législation. Aujourd’hui les pouvoirs publics considèrent que les SEL se chargent de prévenir l’exclusion de personnes sans emploi et les comptes des structures sont transparents.
« Tout individu possède des compétences, des moyens ou du temps qu’il peut échanger avec les autres sans utiliser d’euros. » (seldefrance.communityforge.net)
Entreprise fondée en 2010 par Guilhem Chéron, Marc-David Choukroun et Mounir Mahjoubi. Fondée sur un système de « ruches », c’est-à-dire de petits groupes de consommateurs habitant la même zone géographique qui se réunissent pour démarcher et faire venir des producteurs locaux (dans un rayon de 160 km).Le site internet sert essentiellement à la centralisation des données des ruches, mais aussi à passer commande auprès des producteurs.On est donc proche d’un système d’ « achat de masse ». La collaboration existe à la fois entre les consommateurs, qui se réunissent pour faire venir les producteurs de façon rentable, et entre les consommateurs et les producteurs, puisqu’on saute des intermédiaires (grande distribution…). L’entreprise se rémunère en prenant de commissions sur les commandes (Terrasse P., 2016, p. 15). Elle revendique une vocation sociale et est souvent présentée comme un modèle d’entreprise fondée sur l’économie collaborative, et acteur quasi-monopolistique de la consommation collaborative de produits alimentaires.
Quelques citations
« Les enjeux agricoles sont immenses. Nous avons le sentiment que l’action nous échappe, que les décisions ne sont pas à notre portée. Dans ce contexte, La Ruche Qui dit Oui ! permet aux citoyens de coopérer pour réinventer l’agriculture par le terrain. Ceci avec agilité, efficacité, et gourmandise. » Guilhem Chéron, cofondateur, dans la rubrique « Nos valeurs et missions » de laruchequiditoui.fr : https://laruchequiditoui.fr/fr/p/missions-and-values
À sa création par Vincent Caron en 2004, BlablaCar s’appelait Covoiturage.fr et était une association à but non lucratif, dont le site, gratuit, servait à mettre en relation les conducteurs et les covoiturés. L’entreprise cherche donc principalement à rendre service sans volonté de gains, les conducteurs à amortir leurs déplacements, et les covoiturés à économiser de l’argent sur leurs trajets. En 2012n six ans après son rachat par la société anonyme Comuto, l’entreprise devient un service de réservation en ligne, donc payant. L’année suivante, elle prend son nom actuel, et multiplie depuis lors ses levées de fonds et son implantation dans les pays émergents.
Comme on le voit ici, Airbnb tutoie les plus grands groupes hôteliers en terme de capitalisation boursière, et en dépasse même plusieurs. Cependant, l’entreprise continue de perdre de l’argent (150 millions d’euros en 2015), et continue donc les levées de fonds.
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