Le numérique, simple outil ou élément décisif ?

Le numérique, simple outil ou élément décisif ?

Le développement du numérique a eu une très grande influence sur l’économie collaborative, à la fois en permettant son essor, mais aussi en provoquant un changement important dans sa mise en place. La collaboration ne se fait plus de la même façon, et la définition-même de l’économie collaborative est sujette à modification.

Mise en relation

Concrètement, le numérique a permis le développement d’un très grand nombre de plateformes de mise en relation. Ce sont en fait des portails visant à faire communiquer directement les utilisateurs avec des entreprises ou particuliers proposant leurs services. Ces plateformes fonctionnent souvent avec un système de « retour d’expérience » du client, permettant de connaitre sa satisfaction, et de mieux cibler ses attentes. Ainsi les clients effectuant des recherches seront dirigés vers le prestataire qui convient le mieux à leurs besoins.

Les plateformes de mise en relation existent dans de nombreux domaines et pour une multitude de services ; une partie d’entre elles existent donc hors du cadre de l’économie collaborative. Cependant, un grand nombre de telles plateformes sont nées pour faciliter les transactions entre prestataire et client, tout en rentrant, en un certain sens, dans le cadre de l’économie collaborative. Ainsi Uber permet de mettre en relation des chauffeurs avec des personnes souhaitant être conduites d’un point à un autre, Airbnb fait communiquer des particuliers ayant un logement ou une chambre à louer avec des personnes qui en cherchent. Blablacar met en relation des particuliers effectuant un trajet en voiture avec d’autres qui souhaitent faire le même trajet. Le service proposé par Blablacar et celui proposé par Uber semblent proches, mais il faut faire attention à ne pas les confondre, car les statuts de la plateforme sont différents, tout comme les bénéfices tirés par l’entreprise et par les utilisateurs. Elles rentrent toutes deux dans le cadre de l’économie collaborative mais de façon différente, conduisant ainsi à des définitions différentes de celle-ci.

Pour que ces plateformes soient viables, elles doivent d’une façon ou d’une autre faire des bénéfices. Le plus souvent, c’est en prélevant une commission sur la transaction. Pour Uber par exemple, l’entreprise reçoit 20% du prix de la course, le chauffeur n’empoche que les 80% restants. En revanche Blablacar ne prélève pas d’argent sur le montant reversé au chauffeur, c’est l’utilisateur qui paye une taxe calculé en fonction du prix du trajet, qui ne peut cependant pas dépasser 20% du montant total.

Le fait de permettre une communication directe entre client et prestataire autour d’un service donne la possibilité à un utilisateur de recevoir une réponse à son besoin dès qu’il le souhaite. C’est le « on-demand ».

On-demand

La communication de façon numérique facilite en effet la transmission de l’information, ce qui permet aux plateformes de recevoir très rapidement les données du client et donc de le diriger presque instantanément vers un prestataire capable de répondre à ses attentes. C’est un grand atout des plateformes numériques d’un point de vue du confort de l’utilisateur. En effet, un grand nombre de clients disent préférer Uber aux taxis car ils n’ont pas à chercher une voiture ou une station de taxis, il suffit de cliquer sur un bouton et le chauffeur viendra directement à l’endroit où ils se trouvent, puisque leur localisation lui est transmise.

L’apparition de plateformes nécessite avant tout de « faire travailler le numérique », et se fonde sur ce que l’on appelle le digital labor.

Digital labor

Il est difficile de traduire digital labor en français, mais pour Antonio Casilli, cela désigne des formes d’activités permises par les nouvelles technologies de l’information et de la communication assimilables au travail parce que « productrices de valeur, faisant l’objet d’un quelconque encadrement contractuel et soumises à des métriques de performance ». Nous considérons alors que l’activité des plateformes numériques et de ses usagers fait partie du digital labor.

L’essor du numérique dans l’économie collaborative a cependant aussi ses désavantages. Puisqu’il diminue la nécessité de communication entre l’entreprise et les prestataires, ceux-ci sont souvent des indépendants qui travaillent pour l’entreprise sans recevoir de protection additionnelle de l’entreprise, et il devient difficile de définir leur statut. Il devient aussi plus compliqué de lutter contre des formes de « travail dissimulé », et la mise en place d’un cadre fiscal précis pour les plateformes d’économie collaborative se révèle complexe. On rejoint ici deux questions fondamentales de la controverse.

Quel cadre fiscal faut-il adopter ?

Comment réguler les plateformes d'économie collaborative ?