Une nécessité éthique   

 

Les animaux ont-ils, éthiquement parlant, le  « droit à un droit à un droit des animaux » ? (Elisabeth de Fontenay, 2000). Leur est-il dû en tant qu’ils partagent une nature commune d’êtres vivants  avec nous ? Pouvons-nous le leur refuser, sous prétexte que l’homme se doit d’abord à lui-même et à ses semblables ? Pouvons-nous la leur nier, sous prétexte d’un propre de l’homme, d’une supposée supériorité intellectuelle et/ou morale ?

 

Une éthique humaniste : l’homme se doit d’abord à lui-même et à ses semblables

Cette vision ethnocentrée, instinctivement et historiquement légitime, permet de justifier cette différence de traitement envers l’animal. Cette intuition se retrouve lorsque l’homme commence à légiférer : de manière tacite, les animaux se voient attribuer des droits inférieurs, lorsqu’ils n’en sont pas dépourvus. L’homme, en tant qu’appartenant à un groupe biologique, se doit de privilégier ses semblables afin d’assurer la pérennité de son espèce, cela se faisant souvent au détriment des autres espèces.

 

Exemple le plus marquant, l’exploitation animale est un rouage central de la survie et du confort de l’homme. Les animaux sont au cœur d’activités économiques cruciales pour notre société, comme l’élevage, avec l’abattage qui vient avec, ou la chasse. Ils sont le moteur de ces industries, et doivent donc être protégés pour assurer la pérennité de ces pratiques.

 

Un autre exemple très médiatisé est celui de l’expérimentation animale. L’homme, voulant améliorer ses chances de survie face à la maladie, met au point depuis l’Antiquité des traitements médicinaux. Aujourd’hui, une grande partie de la recherche et de la mise au point de ces traitements réclame des tests sur les animaux, souvent jugés cruels par certains, notamment les défenseurs des animaux. De telles pratiques sont cependant défendables d’un point de vue éthique, en tant qu’elles permettent d’améliorer et sauver des vies – humaines.

 

La théorie du dualisme radical

L’existence d’un saut de nature existant entre l’homme et le reste des animaux est une vision soutenue par nombre de religions, comme le christianisme, ainsi que par la science pendant un temps. Elle se fonde notamment sur le décalage qualitatif de registre qu’a introduit l’apparition de l’espèce humaine : action sur la nature à bilan plus que significatif, capacités de raisonnement et d’abstraction bien supérieures à celle des autres espèces, et de manière plus générale, ensemble des capacités cognitives portées à un niveau jamais atteint auparavant.

 

Cette tendance à regarder l’homme comme une espèce élue, possédant une forme de supériorité morale, a également permis de justifier la considération des animaux en tant qu’êtres inférieurs et à leur refuser des droits accordés aux seuls hommes, soit en les jugeant indignes de tels droits, soit en jugeant ces derniers superflus au regard de la condition animale, tels Descartes introduisant le concept « d’animal-machine » (Descartes, 1637).

 

Une nature partagée d’être vivantweimaraner-1381186_640

Cette théorie du dualisme radical est depuis récemment mise à mal par les avancées scientifiques en éthologie. Il est prouvé scientifiquement que certains animaux ressentent la douleur, ou encore des émotions. Par exemple, des scientifiques ont montré que certains animaux, que l’on rencontre dans la vie de tous les jours (animaux domestiques, d’élevage…), perçoivent le stress ou avoir une certaine anticipation de la mort.

Plus généralement, la science a démontré que la plupart des facultés que l’homme s’attribuait exclusivement se retrouvait chez nombre d’autres animaux, à des degrés plus faibles, remettant ainsi l’hypothèse d’un propre de l’homme.

 

Nous sommes également invités par nombre de philosophes, comme Elisabeth de Fontenay, à accéder à une vision plus large de la condition vivante, et à abandonner ce point de vue ethnocentré. Car les animaux sont tout aussi indispensables que nos semblables pour assurer notre survie : ils maintiennent l’équilibre des écosystèmes, nous fournissent des services et des ressources. Si nous nous devons à nos semblables, nous devons tout au moins le respect aux autres espèces.

 

 

Ces deux arguments font donc apparaitre le droit des animaux comme une nécessité éthique. Car en effectuant un tel geste, l’homme permet de préserver la dignité et le droit à l’existence d’êtres avec qui il a énormément en commun. C’est également lui-même qu’il sauve, en tant que simple être vivant – les animaux sont nécessaire à sa propre pérennité –  ainsi qu’en tant qu’être moral – si l’homme possède réellement une supériorité morale, c’est là pour certains son devoir que d’attribuer des droits aux autres espèces.

 

Le vote de l’amendement Glavany en 2015 va en ce sens, reconnaissant aux animaux leur statut « d’être vivant doué de sensibilité » (Code Civil, 2015). Cette modification tend à confirmer un changement de vision de l’animal en train de s’opérer, à savoir que continuer à considérer d’autres êtres vivants comme de simples « biens » devient intolérable, éthiquement parlant.

 

 

Références

De Fontenay Elisabeth,Pourquoi les animaux n’auraient-ils pas droit à un droit des animaux ?, Le Débat, n°109, pages 138 à 155. Editions Gallimard. Disponible sur : http://www.cairn.info/revue-le-debat-2000-2-page-138.htm

Descartes René, Discours de la méthode, 11/09/2013, Librio.

Chanteur Janine, L’exigence éthique et la nécessité du recours à l’animal, Doc Player, 15/10/2016. Disponible sur : http://docplayer.fr/5948019-L-exigence-ethique-et-la-necessite-du-recours-a-l-animal.html(consulté le : 22/03/2016)

Magdelaine ChristopheLes animaux sont désormais officiellement « doués de sensibilité » : une victoire pour le bien-être animal ?, notre-planete.info, 30/01/2015. Disponible sur : http://www.notre-planete.info/actualites/4194-animaux-etre-sensible-loi(consulté le : 22/03/2016)

Hutin Reha, Marguénaud Jean-Pierre, Les animaux sont désormais officiellement « doués de sensibilité » : un point de départ ambitieux, L’Obs, 02/02/2015. Disponible sur : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1317634-statut-juridique-de-l-animal-un-point-de-depart-ambitieux-les-mentalites-vont-evoluer.html (consulté le : 18/05/2016)

Assemblée Nationale, Proposition de loi visant à établir la cohérence des textes en accordant un statut juridique particulier à l’animal. Disponible sur : http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion1903.asp(consulté le : 19/05/2016)