Des chartes déontologiques nationales et internationales pour limiter la connivence

Afin de structurer la profession, et d’aborder le problème de la connivence  avec les divers centres de pouvoir (les entreprises, les institutions), les journalistes français ont commencé à mettre en place des chartes déontologiques dès le début du XXième siècle. Cette idée s’est étendue par la suite à l’ensemble de l’Europe.

En France, c’est le Syndicat National des Journalistes (S.N.J.) qui débute ce projet dès 1918, en publiant la première version de la Charte des devoirs professionnels des journalistes français. Celle-ci indique qu’un « journaliste digne de ce nom […] ne touche pas d’argent dans un service public ou une entreprise privée où sa qualité de journaliste, ses influences, ses relations seraient susceptibles d’être exploitées ». On voit déjà se profiler une tentative de limiter les conflits d’intérêt, qui interviennent dans la recherche d’informations.

Les enrichissements de 1938 et de 2011 vont être encore plus précis et approfondis. Ils stipulent qu’un journaliste doit tenir « l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles ». On y voit une volonté de contrer les conflits d’intérêts qui peuvent être mis en jeu dans le journalisme. Plus loin dans la charte, certaines règles sont encore plus précises, elles indiquent que le journaliste  » proscrit tout moyen déloyal et vénal pour obtenir une information. Dans le cas où sa sécurité, celle de ses sources ou la gravité des faits l’obligent à taire sa qualité de journaliste, il prévient sa hiérarchie et en donne dès que possible explication au public ». Cet article clé dans le traitement de la connivence précise en effet la distance à laquelle le journaliste doit se tenir de ce sur quoi il enquête. Les moyens « déloyaux » ou vénaux » peuvent établir un lien entre l’enquêteur et l’enquêté, qui peut modifier les informations recueillies et leur interprétation. Cet article essaye également de traiter le problème des conflits d’intérêts. Mais l’article, ajouté en 2011, qui se focalise le plus sur la connivence se trouve à la fin de la charte. Il indique que le journaliste « Refuse et combat, comme contraire à son éthique professionnelle, toute confusion entre journalisme et communication ». C’est l’article le plus explicite, il est celui qui mène le plus les journalistes à se questionner sur leur attitude et sur leur travail. Comment doivent-ils traiter la question du off? Le rapprochement avec un politicen est-il une façon de devenir un communicant ? La relecture de citations est-elle une attitude de communicant ? 

En 1971, la Fédération européenne des journalistes approuve à Munich la charte éponyme, qui généralise à toute l’Europe les principes de la charte française. C’est en effet Paul Parisot, président du Syndicat des Journalistes Français, qui prend en main sa rédaction. Il s’inspire ainsi de la Charte de 1918, en la réorganisant sous la forme de Droits et de Devoirs. La tendance des journalistes semblerait de respecter, au fil de l’histoire, les principes de la distance vis-à -vis des centres de pouvoirs. Cependant, la ces points ne semblent pas encore entièrement précis lorsqu’ils abordent la connivence. Un terme que les chartes se refusent d’ailleurs d’employer. Par ailleurs, les journaux eux-mêmes ne sont rarement soumis à aucune source de pouvoir. Que dire de leurs propriétaire? Que celui-ci soit un entrepreneur, un organisme public (pensons à l’Agence France Presse par exemple) ou une coopérative de journalistes. Les décisions prises par les membres de ce journal risquent d’être influencées non seulement d’un point de vue pratique mais aussi d’un point de vue idélogique, par l’équipe dirigeante. Enfin, la charte semble manipuler fréquemment le terme de véracité et d’impartialité. Mais peut-on réellement écrire un article « impartial » ou objectif ? Qu’est-ce que cela signifie? Qui évalue et juge l’impartialité? Qui juge les journalistes, dans le contexte déontologique et non juridique? La charte de 2011 indique que ce sont les journalistes eux-mêmes « n’accepte en matière de déontologie et d’honneur professionnel que la juridiction de ses pairs ; répond devant la justice des délits prévus par la loi « . Il apparait donc que cette catégorie professionnelle, qui est centrale dans un pays car elle est considérée par ses lecteurs comme une source d’informations et donc de contenu permettant de réaliser leurs reflexions, définit elle-même, dans les limites de la loi, ce qui est objectif et ce qui ne l’est pas, ce qui est vrai et ce qui est faux. Ces notions de vrai et de faux sont ensuite propagées dans la population à travers les journaux ou tout autre moyen de communication qui crée un lien entre les journalistes et le reste du pays. Ce système permet certes aux journalistes de protéger leur travail, mais il protègent également de ce fait, leur propre idée de vérité, d’impartialité et de la limite qui doit être établie avec les centres de pouvoirs.

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