Des techniques prêtes à améliorer nos cerveaux?
Les techniques actuelles pour améliorer les capacités neuronales, et celles qui pourraient voir le jour dans un futur proche, suscitent parfois de l’enthousiasme, notamment de la part de certains scientifiques comme dans (Zehr, 2015). Pour les défenseurs du transhumanisme comme Laurent Alexandre en France, les technologies en développement, comme le projet Neuralink lancé par Elon Musk, sont amenées à voir le jour très prochainement, comme on peut le voir dans (Alexandre, 2017).
“Le 21e siècle commence le 28 mars 2017 quand Musk annonce la création de Neuralink.” Laurent Alexandre
Cependant ces techniques sont aussi l’objet de deux critiques principales. Certains se montrent sceptiques quand à leur efficacité, et d’autres craignent qu’elles entraînent des effets secondaires nocifs.
Des effets positifs encore faibles?
Il semblerait que d’après l’appréciation personnelle de certains médecins dans le domaine des neurosciences, le principe d’action des médicaments agissant sur le cerveau soit souvent mal compris. C’est l’une des réflexions que nous avons retenues de notre entretien avec François Ansermet.
Pour améliorer la compréhension des mécanismes cérébraux, la recherche en neurosciences s’est notablement intensifiée dans les dernières dizaines d’années, avec différents programmes de grande envergure pour cartographier et décrypter le cerveau, par exemple le Human Brain Project, dont l’un des buts est de recréer un cerveau artificiel (Besmond de Senneville, 2018). L’objectif est avant tout de trouver des moyens de guérir les maladies neuro-dégénératives telles que la maladies d’Alzheimer et de Parkinson, la dépression, la schizophrénie… Cependant, François Ansermet est d’avis que la médecine n’est pas encore au point d’avoir découvert des substances “miracles” contre ces maladies, même si pour lui certaines techniques paraissent prometteuses, en particulier la stimulation magnétique transcrânienne.
Ainsi, pour les techniques censées non pas guérir mais améliorer le cerveau, la même problématique apparaît : observe-t-on vraiment des effets conséquents et quantifiables? C’est ce que souligne Lionel Naccache dans (Naccache, 2015) :
“Fin 2015, force est de constater le décalage énorme entre la modestie des gains de performance observés chez le sujet sain par les différentes techniques mises en avant (exemple: stimulation électrique trans-crânienne ou anticholinestérasiques pour stimuler la mémoire de sujets sains) et les ambitions transhumanistes.” Lionel Naccache
Certaines substances neuro-amélioratives semblent néanmoins être considérées comme réellement efficaces par une majorité du corps médical. Ainsi la Ritaline a été massivement prescrite depuis les années 1990 aux enfants atteints de troubles de l’attention. Pour contrer ce trouble, la Ritaline a pour objectif d’augmenter la capacité de concentration. C’est pour cette raison que le médicament est utilisé par de nombreux étudiants dans le but d’augmenter leur efficacité pendant leurs révisions, un phénomène décrit dans de multiples articles de presse comme (Mascret, 2017, Cabut, 2015).
Des effets secondaires indésirables ?
Cependant, certaines substances sont accusées de causer des effets secondaires. Dans la presse anglo-saxonne notamment, des témoignages d’étudiants consommant des nootropes (de “noos”, l’esprit et “topos”, courber), dont les principaux représentants sont la Ritaline et le Modafinil, rapportent une efficacité qui s’estompe avec le temps, ou de sévères maux de crâne (Whitehouse, 2016). Certains médecins avertissent aussi contre les risques de dépendance ou de troubles dépressifs. (Ledford, 2009).
D’éventuels effets indésirables concernant d’autres substances ont été étudiés dans la littérature scientifique. Ainsi dans les années 1990 et 2000, le Prozac, médicament contre la dépression, était consommé massivement même par des personnes ne présentant pas de symptômes dépressifs car il était considéré comme la “pilule du bonheur”. Cependant, des comportements addictifs ont été mis en évidence ainsi que l’augmentation du nombre de suicides. (François Ansermet).
François Ansermet, en tant que pédo-psychiatre, s’est particulièrement intéressé à la Ritaline comme médicament contre l’hyperactivité. Pour lui, il est encore trop tôt pour étudier d’éventuels effets néfastes sur le long terme, et cela pourrait poser problème en considérant que le médicament est consommé par des enfants dont le cerveau est en phase de développement.
Enfin, la question se pose de savoir si la médecine sera effectivement capable de réaliser tous les espoirs d’amélioration cérébrale, même indépendamment des risques pour l’individu et des considérations éthiques.
Des techniques inaccessibles dans un futur proche ?
Par exemple l’uploading, qui consisterait à “sauvegarder” une partie de sa conscience ou de sa mémoire, est-il vraiment quelque chose de réalisable? Certains, comme Hervé Cheiweiss, considèrent qu’on ne peut pas vraiment “télécharger [notre] mémoire” (Chneiweiss, 2017). En effet, celui-ci considère que notre cerveau est avant tout en interaction avec les autres.
“Mais, lorsque, dans un jour lointain, on aura atteint la pleine compréhension du cerveau, je ne crois pas du tout qu’on pourra, par exemple, télécharger sa mémoire. […] Car, ce qui fait l’intérêt de notre cerveau n’est pas notre stock de mémoire, mais la façon dont telle partie va nous permettre d’interagir avec autrui et de créer quelque chose qui nous est propre…” Hervé Chneiweiss
La même question se pose concernant ce que prédit Ray Kurzweil, à savoir que d’ici une trentaine d’années, des nano-robots seront capables de circuler dans notre corps et de connecter nos cerveaux l’un à l’autre par Internet (Dom Galeon, 2017).
“Twenty years from now, we’ll have nanobots, because another exponential trend is the shrinking of technology […] They’ll go into our brain through the capillaries and basically connect our neocortex to a synthetic neocortex in the cloud.” Ray Kurzweil
Ce type d’ambition paraît démesuré à beaucoup de neurologues, tels que le professeur Pollack, co-inventeur de la stimulation cérébrale profonde (Loup Besmond de Senneville, 2018).
La question de l'accessibilité