L’engouement international pour la découverte du cerveau
Dans le domaine de la recherche, c’est une véritable course à la découverte du cerveau, avec des financements importants des institutions internationales: 1 milliard d’euros de l’UE pour le “Human Brain Project” (Dutent, 2017), lancement de l’initiative Brain sous l’impulsion d’Obama (Hue, 2013)… Pour le neuro-éthicien Giordano, “le cerveau est notre prochain champ de bataille” ce qui justifie l’engouement international des dernières décennies (Requarth, 2015). De plus, la recherche va dans le sens “des intérêts économiques et industriels” comme le rappelle Jean-Michel Besnier (Morin, 2014). C’est pourquoi l’initiative Brain a été vivement soutenue par Obama. Le président américain rappelle que les investissements dans la recherche “changent nos vies de manière imprévisible”, citant le succès des recherches sur le séquençage du génome humain qui a rapporté 140 $ gagnés pour 1 $ investi (Halftermeyer, 2013). Dans ces pays, les initiatives sont suivis de près par des commissions éthiques (CCNE en France, ‘Commission for the Study of Bioethical Issues’ aux Etats-Unis…) La neuro-amélioration est-elle la prochaine révolution de nos modes de vie qui émergera de ces recherches sur le cerveau?
Des pays plus ou moins réticents sur la question de la neuro-amélioration
En effet, toutes ces recherches favorisent la découverte et l’amélioration de techniques neuro-amélioratives. Or ce qui est possible doit-il nécessairement être fait? Il existe des différences significatives entre les pays sur l’adoption de la neuro-amélioration: est-elle toujours perçue comme un progrès? Est-elle souhaitée ou fait-elle horreur? Est-elle une nécessité face à la compétition internationale? Par exemple, la France est considérée comme très conservatrice sur le plan de la bioéthique (François Ansermet). En effet, les experts du CCNE, organisme français chargé d’éclairer les décisions du Parlement, déconseillent son utilisation et recommandent la prudence aux médecins (Garré, 2014). Les Français eux-même sont qualifiés “d’ultra-bioconservateurs” par Laurent Alexandre. Ils semblent en effet beaucoup plus réticents à augmenter le QI de leurs enfants (13% favorables) par des biotechnologies que les Chinois (38%) ou les Indiens (30%) (Alexandre, 2015). Les Etats-Unis semblent aussi plus libéraux sur le plan bioéthique. Le mouvement transhumaniste y est très actif. Ils défendent très activement la liberté individuelle de se neuro-améliorer (Morin, 2014).
Doit-on craindre une armée d’homme augmentée suite à ces recherches?
Le CCNE a soulevé le risque majeur du détournement de ces recherches à des fins militaires. Pour certains, notre cerveau “va se transformer en arme” (Requarth, 2015). Il est vrai que les militaires ont été pionniers dans le domaine et suivent toujours les progès de près, dans le but d’améliorer leurs soldats ou de fabriquer une nouvelle arme de contrôle des esprits. Par exemple, la DARPA aux Etats-Unis a développé un “cockpit cognitif” qui permettait d’optimiser les capacités cognitives comme l’attention et la résistance à la fatigue, voire même d’obtenir le comportement souhaité chez un soldat comme la loyauté ou la générosité (Comité Consultatif national d’éthique, 2013). D’ailleurs, la pression de performance est si forte sur les militaires que les entreprises développent des technologies neuro-amélioratives spécialement pour eux (Olivier Ezratty, 2017).