Jacqueline Leybaert et Alain Content sont chercheurs au laboratoire de psychologie cognitive de Bruxelles. Ils ont étudié en 1995 les processus d'identification des mots comparant l'impact des méthodes « phoniques » et « globales ». Ils ont remarqué que, malgré un départ plus lent que celui des élèves bénéficiant d'approches à composantes phoniques (méthodes synthétiques), les élèves soumis aux méthodes « globales » maîtrisaient mieux la lecture que leurs camarades. Cette supériorité allait même croissante au cours du cycle 2. Ce résultat était contraire aux attentes des deux chercheurs, qui avaient émis l'hypothèse que les méthodes phoniques devaient faciliter les mécanismes grapho-phonologiques de traitement des mots, et ainsi avantager l'élève qui en profitait.
Selon Roland Goigoux, Leybaert et Content ont été étonnés de leurs résultats parce qu'ils réduisaient les méthodes « globales » à leur fondement, c'est-à-dire la mémorisation de formes écrites de mots provenant de textes ou de phrases proposées par les enfants. Cependant, la plupart des méthodes appelées couramment « globales » incluent également une étude des relations graphophonologiques, lors de la recherche d'analogies entre les formes écrites. Ainsi, le travail phonique s'exerce régulièrement, parfois intensément.
Le « problème » semble donc selon lui provenir d'une erreur de dénomination. La méthode idéovisuelle de Foucambert, parfois qualifiée de « globale » évite au contraire toute analyse graphophonologique. Or, la plupart des études de ce type sont fondées sur des questionnaires et des interview d'enseignants, mais très rarement sur une observation directe de ce qui se passe en classe. Comment savoir alors exactement quelle méthode a été utilisée, lorsque les nuances sont fines ?
Selon Franck Ramus, le résultat « surprenant » de cette étude peut s'interpréter de deux façons :
Ainsi, selon lui, cette étude ne remet absolument pas en cause les conclusions portant sur la « supériorité » des approches phonémiques sur les méthodes globales (même si Roland Goigoux estime qu'aucune étude ne peut conclure à une telle supériorité).
Pour Liliane Sprenger Charolles, cette étude ne peut pas être utilisée pour conclure à la supériorité de la méthode globale, ne serait-ce que parce que ce n'était pas son objectif. L'étude avait en effet pour but de voir si les enfants utilisent les mêmes procédures de lecture quelle que soit la méthode d'enseignement.
Un autre argument est que les enfants n'ont pas été suivis depuis le début de l'apprentissage de la lecture, ce qui limite la validité de la conclusion tirée. L'étude s'attachait en effet à un groupe d'enfants de deuxième année de primaire, un groupe de quatrième année, et un groupe de sixième année. Mme Sprenger Charolles évoque également le fait que seulement deux classes étaient prises en compte pour chaque groupe d'élèves, ce qui ne permet pas de dégager l'étude de l'influence de l'enseignant. Enfin, elle rappelle que la conclusion de l'étude ne cite que les résultats des élèves les plus âgés. Il faudrait également tenir compte des résultats des plus jeunes, qui indiquent au contraire une supériorité de la méthode phonique.