Les limites d'une approche id�ovisuelle (Roland Goigoux)

Vue d'ensemble de l'�tude

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Intro

Goigoux a lui-m�me par la suite effectu� une �tude, comparant l'impact des pratiques effectives d'enseignement, c'est-�-dire observ�es de visu sur les apprentissages des �l�ves en opposant m�thodes id�o visuelles et m�thodes phon�miques. Il est apparu que les �l�ves b�n�ficiant d'une m�thode id�o visuelle avaient des r�sultats nettement inf�rieurs � ceux des autres �l�ves aux tests nationaux de CE2, malgr� des performances initiales �quivalentes en fin de maternelle.

L'approche id�ovisuelle qui exclut tout enseignement explicite des relations entre code oral et code �crit, en particulier l'�tude des correspondances grapho phonologiques en d�but d'apprentissage. Elle vise � d�velopper les proc�dures de reconnaissance directe des mots par appariements entre une forme visuelle �crite et une repr�sentation abstraite stock�e dans un lexique mental et rejette l'enseignement des proc�dures par assemblage qui impliquent la mise en correspondance syst�matique de phon�mes et graph�mes par le biais des r�gles de conversion.

M�me si cette conception avait �t� remise en cause sur le plan th�orique par des travaux dans les ann�es 90, aucune �tude ne s'�tait attach�e sur un plan plus pratique � �valuer l'impact de cette didactique. C'est n�anmoins ce qu'a entrepris Roland Goigoux. Il cherchait essentiellement � comprendre comment les caract�ristiques des m�thodes d'enseignement peuvent influencer la nature des m�canismes d'assemblage et d'adressage mis en ouvre dans la reconnaissance des mots �crits. Pour cela, il a privil�gi� l'opposition suivante entre approches � phoniques � et � id�ovisuelles � : identification des mots par � d�codage grapho phonologique � contre identification par � reconnaissance orthographique �.

Il est important de comprendre que cette �tude ne concerne pas les m�thodes dites � globales � dans leur ensemble, mais bel et bien une m�thode de type id�ovisuelle, que l'on oppose non pas � une m�thode phon�mique pure, mais une m�thode de type phon�mique qui diff�re de l'id�ovisuelle sur des points pr�cis.

Cadre de l'�tude

L'�tude s'est int�ress�e � 76 �l�ves issus de 16 classes diff�rentes localis�es dans 11 �coles distinctes. Ceci a pour but d'�liminer les variations d�coulant de pratiques p�dagogiques trop singuli�res, ou de l'enseignant lui-m�me.

Choix des enseignants, �tude pr�liminaire

Leur principale diff�rence concernait l'enseignement des correspondances grapho phonologiques. Les options didactiques des enseignants de l'�cole maternelle �taient d'ailleurs coh�rentes avec celles des ma�tres de cours pr�paratoire. Les deux types de didactiques �taient donc tr�s contrast�s d�s la grande section de maternelle.

Une �tude pr�liminaire a permis de cerner le type d'enseignement de chaque enseignant. La particularit� de cette �tude a �t� de ne pas se contenter de ses d�clarations, mais d'analyser ses pratiques didactiques r�ellement mises en ouvre.

  1. Durant trois semaines, non cons�cutives, les instituteurs ont rempli des fiches � chaque fin de demi-journ�e pour r�pertorier les diff�rentes activit�s concernant l'enseignement de la langue �crite effectu�e dans cette demi-journ�e. Ceci a permis d'analyser les contenus de l'enseignement en fonction du temps imparti.
  2. Une s�ance de lecture commune � voix haute en classe a �t� enregistr�e avec chaque enseignant. Il s'agissait de lire un texte inconnu, identique pour toutes les classes. L'attention �tait tout particuli�rement port�e sur la mani�re dont l'enseignant aidait ses �l�ves � identifier les mots.

Ces analyses ont permis de d�gager un fort contraste entre sept enseignants, qui assuraient un enseignement des correspondances grapho-phonologiques, et les neuf autres, qui centraient exclusivement sur le syst�me graphique (ie. la m�morisation visuelle des mots �crits, utilisation des marques grammaticales, �tymologiques.). Il y avait ainsi un groupe d'enseignants utilsant une m�thode purement id�ovisuelle, l'autre utilisant des m�thodes partiellement phoniques.

Choix des �l�ves

Type d’épreuve

Description

Intérêt

     

 

Grande section maternelle :

« Usage »

L’élève doit expliquer à quoi sert / dans quelles circonstances on peut utiliser chacun des documents qu’on lui montre (programme de télévision, dictionnaire…).

Pour évaluer la familiarité des élèves avec le monde de l’écrit.

 

« Mots »

On présente 50 mots à l’élèves, la moitié en contexte (dans un texte narratif lu préalablement par l’examinateur), les autres seuls. L’élève devait pointer les mots qu’il pensait reconnaître.

Donne l’étendue du lexique écrit accessible de manière autonome.

 

« Lettres »

Les élèves devaient indiquer le nom de 22 lettres qu’on leur présentait.

Donne indications sur les connaissances du code écrit et sur les capacités de discrimination visuelle.

 

« Conceptualisation »

Première épreuve :

L’élève doit écrire sous la dictée des mots mono-, bi-, tri- et quadrisyllabiques.

Permet de repérer de repérer se les élèves avaient construit le principe alphabétique et s’ils connaissaient déjà certaines correspondances phonographique.

 

Deuxième épreuve :

L’examinateur lit à haute voix une courte phrase écrite, la répète aussi souvent que nécessaire, mais sans la segmenter. L’élève devait alors désigner et dénommer des mots dans cette phrase.

Observation de la manière dont les élèves étaient capables d’établir des relations entre mots écrits et oraux.

     

Au CP/CE1 

(tâche à effectuer à six reprises)

Lire 20 mots isolés et 20 mots en contexte phrastique sur écran d’ordinateur. Les listes de mots différaient à chaque nouvelle épreuve, mais étaient homogène d’un point de vue de leur fréquence et de leur régularité. Les élèves disposaient de 12 secondes au maximum pour reconnaître le mot, temps au bout duquel le mot changeait automatiquement. Le procédé permettait de conserver toutes les erreurs des élèves.

Pour observer l’évolution de la capacité des élèves à identifier les mots écrits.

Deux indicateurs :

  • Réussite (taux de réponses exactes)
  • Indicateur de vitesse (temps de réponse de l’élève lorsque la réponse est correcte)

     

 

CE2

Evaluation terminale 

Evaluation nationale de CE2 (ministère de l’Education Nationale).

Permettait d’établir des comparaisons avec les performances de l’ensemble des élèves d’un même niveau scolaire.

R�sultats

Performances initiales :

Les diff�rences observ�es dans le milieu favoris� sont moins significatives, en raison pr�cis�ment du r�le familial dans les premiers apprentissages.

La sup�riorit� initiale des �l�ves � id�ovisuel �au trois premi�res �preuves, et celle des �l�ves � phonique � � la quatri�me montrent que les conceptions didactiques qui pr�valent d�s l'�cole maternelle d�terminent pour une part importante les comp�tences des �l�ves au cours pr�paratoire. Le fait que ce ne sont pas toujours les m�mes �l�ves qui obtiennent les meilleures performances permet de soutenir que les groupes �taient �quivalents avant le d�but de l'enseignement syst�matique de la lecture.

R�futation des hypoth�ses

L'�tude a permis de r�futer certaines hypoth�ses avanc�es par la m�thode id�ovisuelle :

  1. Les �l�ves b�n�ficiant d'un enseignement id�ovisuel obtiendraient � l'issu du cycle 2 (ie. apr�s deux ans d'enseignement intensif de la lecture) des performances sup�rieures � celles des �l�ves b�n�ficiant d'une m�thodologie phonique. La compr�hension des textes �crits serait meilleure du fait de la plus grande rapidit� de leurs proc�dures d'identification des mots.
  2. Les �l�ves issus des milieux socioculturels d�favoris�s tireraient le plus grand b�n�fice d'une lecture � savante � traditionnellement absente de l'�cole et r�serv�e jusqu'alors aux pratiques familiales des �l�ves favoris�s.

Pour v�rifier la v�racit� de ces hypoth�ses, Goigoux a observ� les r�sultats de l'�preuve � terminale �, qui correspond au test national au CE2.

Les �l�ves du groupe � id�ovisuelle � ont des r�sultats nettement inf�rieurs � ceux de l'autre groupe, dont les performances moyennes sont en fait similaires � celles de la moyenne nationale. L'hypoth�se 1 est donc r�fut�e : la m�thode id�ovisuelle p�nalise les �l�ves, ind�pendamment de leur origine sociale. Ainsi, les �l�ves issus de milieux socioculturels d�favoris�s obtiennent de moins bons r�sultats s'ils sont soumis � une didactique id�ovisuelle. L'hypoth�se 2 est �galement r�fut�e.

La sup�riorit� de l'approche id�ovisuelle ne se manifesterait pas au d�but du cycle 2, et serait pr�c�d�e d'une p�riode d'inf�riorit�.

Malgr� le rejet de l'hypoth�se 2, il peut �tre int�ressant d'�tudier un �ventuel � effet retard � d'amplitude plus importante que celle pr�dite par l'hypoth�se 3.

Pour cela, les chercheurs on utilis� les �preuves effectu�es dans la p�riode CP/CE1.

Ils se sont aper�us qu'au premier trimestre du CP, les �l�ves de tous les groupes montraient � peu pr�s les m�mes performances. L'�cart se creuse � partir du deuxi�me trimestre du CP, avec une sup�riorit� croissante des �l�ves du groupe � phonique �. Cette sup�riorit� allait croissante au cours de l'ann�e, ce qui n'�tait n�anmoins pas d� � une absence totale de progression des �l�ves de l'autre groupe. Cette progression �tait beaucoup plus lente que celle du groupe � phonique �. L'hypoth�se 3 est donc rejet�e.

1) Les vitesses d'identification des mots des �l�ves b�n�ficiant de l'enseignement id�ovisuel seraient plus importantes que celles des autres, retard�s par les proc�dures de d�codage graphophonologique.

Pour v�rifier cette hypoth�se, on a utilis� les temps de r�ponse enregistr�s lors de la lecture des mots isol�s/en contexte des �preuves men�es au CP et au CE1.

Jusqu'� la fin du cours pr�paratoire, les vitesses de lecture pour tous les groupes sont similaires et lente : de l'ordre de 3 secondes par mot. Une diff�rence appara�t au d�but du CE1. Les �l�ves non entra�n�s au d�codage graphophonologique traitent les mots �crits moins vite que les autres �l�ves de la m�me condition sociale. Les �l�ves d�favoris�s du groupe � id�ovisuelle �ne font m�me aucun progr�s entre la fin du CP et le milieu du CE1.

Ceci conduit � r�futer l'hypoth�se 4.

2) La d�couverte du principe alphab�tique pas d�terminant dans l'apprentissage de la lecture.

Pour tester cette hypoth�se, on a compar� les performances initiales de grande section de maternelle et les performances terminales au CE2. Cette comparaison a mis en lumi�re l'importance d�cisive de la conceptualisation pr�coce de la langue �crite pour le devenir de l'apprentissage des �l�ves. Les �l�ves capables avant d'entrer au CP d'�tablir avec pr�cision de multiples relations entre le syst�me linguistique oral et celui de l'�crit, ainsi que d'analyser le parole en phon�mes semblent mieux arm�s pour apprendre � lire. Cela permet donc de rejeter l'hypoth�se 5.

Conclusion g�n�rale

Les r�sultats r�v�lent qu'� l'issu du cycle 2, les �l�ves soumis � une didactique audiovisuelle montrent en moyenne des performances inf�rieures � celles des autres �l�ves, que ce soit au niveau de la connaissance du code, ou de la compr�hension de textes. N'oublions pas �galement que leur vitesse d'identification des mots �crits sont plus lentes que celle des �l�ves b�n�ficiant d'une didactique de type � phonique �, ce qui ne peut qu'accentuer les difficult�s de compr�hension de textes. Ainsi, une approche didactique id�ovisuelle p�nalise les �l�ves, et ce quelle que soit leur milieu socioculturel.

Il faut noter que ces r�sultats rejoignent les conclusions �tablies � l'issus d'autres recherches, surtout nord am�ricaines, et viennent renforcer l'affirmation de l'ONL (Observatoire National de la Lecture) : � l'acquisition du d�codage graphophonologique constitue une �tape incontournable de l'apprentissage de la lecture �.

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