Interview de Christophe Gosselin

Christophe Gosselin est porte-parole du collectif "Manche sous tension" coordonné par Stop-THT. Le collectif s'oppose à la construction de la nouvelle ligne THT Cotentin-Maine, conséquence de l'EPR de Flamanville.

Rôle des élus au sujet de la THT
Avis sur l'EPR
Alternatives au nucléaire/sortie du nucléaire

E. : Bonjour monsieur. Je vous téléphone parce que je m'intéresse actuellement à l'EPR. Puisque vous vous occupez du collectif « Manche sous tension », j'aurais voulu savoir si je peux vous poser quelques questions au sujet de l'EPR ?

C.G. : Vous en avez pour longtemps ?

E. : Non, cinq minutes au plus.

C.G. : Alors rapidement, vas-y je t'écoute.

E. : Je m'intéresse à l'EPR et je me suis aperçu que depuis novembre 2008 sur votre site vous n'avez pas précisé réellement les actions qui ont été menées. Est-ce qu'il y a des actions qui ont à nouveau été menées depuis cette date ?

C.G. : Il ya plein d'actions juridiques, mais nous on est plus dirigés vers la THT que l'EPR. On n'a pas mené d'action directe contre l'EPR mais plutôt contre la ligne Cotentin-Maine. Il y a des actions en instances juridiques, un tas d'actions de menées mais plutôt contre la ligne THT.

E. : Sur le sujet de cette ligne Cotentin-Maine, c'est plutôt RTE à qui vous avez affaire et pas du tout EDF ou d’autres acteurs ?

C.G. : Non mais même RTE. RTE n'est qu'un sous-fifre, un maître d'œuvre. Et nous on agit plutôt aujourd'hui avec et contre les élus, ou contre la préfecture ou contre le ministre, mais plus du tout avec RTE, puisque RTE n'est qu'un maître d'œuvre et on n'a que faire des propos d'RTE.

E. : Et les élus qui sont aux alentours, eux, sont favorables généralement à ce genre de projet pour des raisons financières ou non ?

C.G. : Disons qu'ils l'étaient. Ils étaient favorables, et à force de les piquer avec des arguments percutants sur le problème de santé animale et de santé humaine, ils finissent par retourner leur veste une nouvelle fois, et ils se disent « peut-être que c'est un peu dangereux, alors peut-être qu'on ferait bien de ne pas être trop favorables ». Et donc ils commencent à s'allier aux populations, c'est à dire à se remettre à nos côtés.

E. : Parce que les populations, elles, depuis le début, étaient opposées à ce projet contre l'avis des élus en fait ?

C.G. : Ben bien sûr, puisque les députés, les conseillers généraux, même les conseillers régionaux à l'époque ont été favorables au projet EPR, donc au projet THT. Et puis aujourd'hui ils s'aperçoivent que c'est un projet dangereux, et qui n'est pas du tout populaire, et qui risque d'entrainer des difficultés dans la population donc ils deviennent opposés. Voilà comment ça se passe aujourd'hui.

E. : J'avais vu qu'un certain nombre de maires s'étaient opposés, est-ce qu'il y a des maires qui étaient favorables ou était-ce juste à des niveaux plus élevés que les personnes étaient favorables ?

C.G. : Bien sûr il y a des maires de communes qui sont favorables parce qu'ils réclament un peu d'argent, donc ils espèrent gagner un peu d'argent. Ils ont juste un intérêt mercantile. Par contre il y a une majorité d'élus locaux qui font partie du collectif des opposants.

E. : Je peux vous poser une dernière question ? Concernant l'EPR, est-ce que vous avez un avis autre que celui de la THT ? Est-ce que vous défendez une position ?

C.G. : Bien évidemment on a un avis d'opposant à ce projet qui est coûteux, inutile et dangereux. Et on ne sait même pas s'il verra le jour, enfin. Parce qu'il y a toujours des délais. J'ai encore appris dans le journal ce matin qu'il y avait encore six mois de plus de retard, puisque c'était mi-2012 et là on nous annonce fin 2012. Et on le mettra jamais en route avant 2014, parce que c'est extrêmement compliqué. Donc c'est une aberration d'un bout à l'autre, donc moi je n'espère qu'une seule chose, c'est qu'il y ait un changement de majorité en 2012 et qu'on puisse reprendre le projet à la base, et fermer le chantier et puis qu'on n’en parle plus.

E. : Et qu'on ne commence pas celui de Penly non plus à ce moment-là ?

C.G. : Bien évidemment pas ! On va pas le commencer non plus avant 2012, ça c'est bien clair. Tout de suite, là, on essaie de faire de la provocation mais ça ne donnera rien de bon [il parle de la politique française]. C'est de la provocation, purement et simplement. Dans le monde entier il n'y en a pas un qui fonctionne et il y a deux chantiers qui sont en route mais ça ne donne rien parce que c'est extrêmement complexe. Et on maudit en même temps les populations et on ne fait pas attention du tout à ce que peuvent penser les populations locales, et on continue. C'est juste un projet industriel pour donner un peu de boulot, mais c'est surtout pas économique. C'est surtout pour la gloire de la France, c'est tout, mais ça n'a strictement aucun intérêt économique, environnemental, et surtout aucun intérêt social. Donc j'ai quand même un avis bien défini sur la chose.

E. : Merci beaucoup pour toutes vos informations. Bonne continuation.

C.G. : Vous faites partie d'un organisme particulier ou vous faites quoi ?

E. : Non je suis juste étudiant en fait et je fais un projet sur la controverse qui tourne autour de l'EPR.

C.G. : Nous si vous voulez on a quand même une deuxième action qui est extrêmement positive, c'est de militer pour les alternatives énergétiques. C'est à dire l'efficacité énergétique, c'est à dire les économies d'énergie, et accessoirement les énergies renouvelables. Les énergies renouvelables c'est vraiment une petite part des alternatives énergétiques. C'est surtout là-dessus que je me bats, c'est démontrer que tous les jours on peut économiser l'énergie, que tous les jours on peut rendre l'énergie beaucoup plus efficace, et qu'on peut aussi en produire avec les énergies renouvelables, telles que l'éolien, le bois, le solaire et autres. Surtout un de nos combats c'est de dire qu’on est opposé à l'EPR, on est opposé à la ligne THT parce qu'il y a d'autres solutions beaucoup plus efficaces. Je ne sais pas si vous avez les références d'une étude qui s'appelle "un courant alternatif pour le Grand Ouest" ? Il faut potasser ce document-là. C'est un document qui a été réalisé par "les 7 vents du cotentin", financé par le réseau Sortir du Nucléaire. C'est sur le site du réseau Sortir du Nucléaire. Cette étude là vous démontrera aisément qu'avec le même budget que l'EPR on peut produire deux fois plus d'énergie, 15 fois plus d'emplois et surtout pas de déchets.

E. : On a rencontré des arguments d'EDF…

C.G. : Non mais alors EDF a travaillé sur ce sujet-là, sur ce dossier là, et ils n'ont pas réussi à démontrer quoi que ce soit, et à le démonter surtout. Ils n'ont pu que reconnaitre les vérités de ce dossier-là. Donc c'est quand même vachement intéressant. Donc nous on se base aussi sur cette étude pour dire « attendez arrêtez vos conneries, arrêtez de balancer des milliards d'euros par les fenêtres ». On a des solutions qui sont économiques, sociales et environnementales.

E. : Donc contrairement à Madame Lauvergeon, vous pensez que le nucléaire n'a pas de place dans le développement à venir ?

C.G. : Bien sûr que non ! Comment vous, générations futures - parce que j'imagine que vous êtes un peu plus jeune que moi puisque je ne suis plus étudiant - comment allez-vous payer l'énergie qu'on gaspille aujourd'hui ? Comment vous allez démanteler les centrales nucléaires ? Comment vous allez gérer nos déchets radioactifs, puisque vous aurez pas un rond pour le faire ? Quel avenir il peut y avoir dans cette énergie ? Il n'y en a pas ! C'est suicidaire que de croire ce que dit Lauvergeon, mais on ne va même pas en parler, ça ne vaut pas le coup, c'est tellement bas. Il n'y a strictement aucun avenir dans cette filière, dans le sens où, pour les générations futures, on est en train d'hypothéquer les capacités des générations futures à subvenir à leurs besoins énergétiques. Et en plus quand on sait dans quelles conditions on prélève l'uranium au Niger et au Kazakhstan, c'est lamentable, c'est inadmissible. On est en train de sacrifier des populations locales pour notre petite énergie locale. C'est lamentable, mais enfin voilà. C'est un vaste débat, on pourrait se rencontrer pour en parler, plutôt qu'au téléphone.

E. : Merci beaucoup et bonne chance pour la suite. J'espère qu'on entendra encore la voix de personnes comme vous qui montrent des arguments d'opposition.

C.G. : On nous évite parce que nos arguments font mal souvent, donc on finit par nous éviter - mais les élus n'ont pas pu nous éviter longtemps, parce qu'on a frappé à leur porte de façon régulière et là on persiste, on signe, et on leur dit que ce qu'ils font c'est n'importe quoi et qu'il faut qu'ils se rallient à nous. C'est ce qu'ils se mettent à faire de plus en plus. Les députés maintenant font des conférences de presse avec nous à leur côtés pour dire « on veut une étude épidémiologique sur les ligne THT on veut revoir le projet » etc. Pour l'instant ça avance, mais c'est aussi beaucoup de temps.

E. : Un très grand merci pour toutes vos réponses.

C.G. : Il n'y a pas de mal.