Est-il légitime de faire des statistiques ethniques ? Peut-on demander l'origine d'un individu ou sa couleur de peau ? Cette légitimité est avant tout conditionnée par la société : ainsi, quand on pose une question sur les traitements des inégalités à fonder sur les origines et la race, aux Etats-Unis on répondra plutôt par « noir et blanc et hispanique» alors qu'en France on dira « jeune issu de l'immigration ».
La question des statistiques ethniques est en quelque sorte un peu taboue en France, malgré les progressions, lentes certes, qui existent.
Ainsi, selon Patrick Simon
Né en 1964, Patrick Simon est un socio-démographe français l’INED, tout comme Michèle Tribalat. Il travaille sur les phénomènes de discriminations ethniques en France. Largement solidaire de Michèle Tribalat, il dénonce l’invocation de la « tradition française » par ceux qui font du blocage des statistiques ethniques., démographe à l’INEDINED : Institut National d’Etudes Démographiques
Etablissement public français spécialisé dans les recherches en démographie et les études de population en général., il y a un argument classique qui consiste à dire que ce n'est pas dans la tradition française et que par conséquent, il ne faut pas en faire.
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Dans les polémiques, on n'est pas du tout parti dans cette direction-là, à part dire « ça n'est pas dans la tradition française ». […]. On peut appeler ça une tradition mais elle n'est pas justifiée […] Ne pas donner le droit de vote aux femmes pendant très longtemps, personne n'a dit que c'était dans la tradition française aujourd'hui […]. On invoque la tradition à chaque fois qu'on ne veut pas changer.
»
Ainsi, Michèle Tribalat
Démographe à l’INED, Michèle Tribalat se démarque nettement de son milieu professionnel par son regard sur l’immigration, réaliste pour certains, trop négatif pour d’autres. En 1976, elle est recrutée par l'INED, dont le conseil scientifique veut pousser la recherche sur les flux migratoires : ce sera son domaine d'activité. Elle est favorable aux statistiques ethniques. ne voit pas pourquoi on n’en ferait pas.
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Le conseil constitutionnel rejette des lois sur les statistiques ethniques, […] On ne peut pas introduire une loi qui est trop éloignée du cœur principal de la loi. […] Cela est un peu ridicule, car les statistiques […] permettent juste aux français de se distinguer entre eux.
»
De même, la LICRA
La Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme est l’une des organisations les plus anciennes du terrain associatif français. Créée en 1926, la Ligue s’est beaucoup élargie depuis et veille au respect de la valeur fondamentale de la République qui est la laïcité., quoiqu’opposée à l'établissement de statistiques ethniques, n'est pas contre sur le principe, si elles sont étroitement associées à des mesures anti-discriminatoires.
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Si c’est strictement encadré et que c’est fait sur des méthodes objectives d’évaluation comme je viens d’en donner l’exemple, la LICRA n’est pas du tout opposée à ça.
»
On pourrait croire de prime abord que la controverse sur la légitimité a une composante scientifique. Cependant, sur le principe, la recherche du savoir n’est pas condamnable ; c’est ensuite sur ce qu’implique la réalisation de telles mesures qu’il y aura discussion (cf parties Quelles méthodes ? Entre QCM et dissertation… et Quelles sont les conséquences ?). La légitimité pose donc un problème principalement politique.
En effet, sur le plan politique, le modèle français qui se veut égalitaire et universaliste empêche d'établir des statistiques basées sur des critères ethno-raciaux car elles mettraient en évidence, rendraient visibles les différences. En fait, identifier, c'est à la fois « reprendre des catégories par lesquelles la discrimination se produit, et […] renforcer les mécanismes de visibilité des groupes. » (extrait de l'entretien avec Patrick Simon
Né en 1964, Patrick Simon est un socio-démographe français l’INED, tout comme Michèle Tribalat. Il travaille sur les phénomènes de discriminations ethniques en France. Largement solidaire de Michèle Tribalat, il dénonce l’invocation de la « tradition française » par ceux qui font du blocage des statistiques ethniques.). Il peut donc paraître illégitime de produire de telles statistiques.
Cependant, comme l’avance Kamel Hamza
Elu municipal UMP de la Courneuve. Fondateur de l’ANELD. Né en 1968 à Aubervilliers, Kamel Hamza grandit à la Courneuve : lui-même issu de la diversité, les zones et les sujets sensibles lui sont bien connus. En 2011, il fonde l’ANELD, une association de jeunes élus qui plaide, entre autres, en faveur des statistiques ethnique dans une optique, pourquoi pas, de discrimination positive., fondateur de l’ANELDANELD : Association Nationale des Elus Locaux de la Diversité, cela n'a pour effet que de cacher l'existence de discriminations que seul l'établissement de telles statistiques permettrait de corriger.
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[Il faut mettre] en place les outils qui permettent de voir la réalité et peut-être de renvoyer à la fois les acteurs publics et les acteurs économiques face à leurs responsabilités en disant « Qu’est-ce que vous faites vous pour que ça avance ?
»
Qui sommes nous ? Clause de non-responsabilité Remerciements