Statistiques ethniques : utiles, inutiles ou dangereuses ?

Au-delà de la mesure, quelle utilisation ? (suite)

Dans quels domaines doit-on les faire ?

Les questions sur les statistiques ethniquesStatistique ethnique n.f. : Toute collecte de données concernant l’appartenance ethnique des individus. qui reviennent de manière cyclique sont les suivantes : Comment les utiliser ? Dans quels domaines ? Et de quelle façon ?

Beaucoup de gens s’insurgent devant la proportion très faible de travailleurs issus de la diversité dans certaines entreprises, ou bien de celle des écoliers dans les lycées des grandes villes. Les acteurs de la controverse dénoncent donc le caractère évident de ces discriminations et de ces disproportions, ne comprenant pas pourquoi on ne peut pas utiliser des statistiques ethniquesStatistique ethnique n.f. : Toute collecte de données concernant l’appartenance ethnique des individus. pour les prouver et y remédier.


caricature

C’est le cas notamment de Michèle Tribalat
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Démographe à l’INED, Michèle Tribalat se démarque nettement de son milieu professionnel par son regard sur l’immigration. En 1976, elle est recrutée par l'INED, dont le conseil scientifique veut pousser la recherche sur les flux migratoires : ce sera son domaine d'activité. Elle est favorable aux statistiques ethniques.
qui propose un système clair dans lequel on pourrait utiliser les statistiques ethniquesStatistique ethnique n.f. : Toute collecte de données concernant l’appartenance ethnique des individus. à bon escient, et qui s’inspire du modèle américain.

Toute entreprise de plus de cent employés (qui est donc une entreprise sur laquelle des statistiques ethniquesStatistique ethnique n.f. : Toute collecte de données concernant l’appartenance ethnique des individus. ont un minimum de sens) remplit des statistiques « ethno-raciales », mais aussi sur le sexe, l’origine, ainsi que d’autres catégories décidées et imposées par le congrès. Elle envoie ce genre de document à l’EECEEC : Employment Equity Committee (USA). Une analyse est alors faite, et en traitant toutes ces statistiques par bassin d’emploi, on a une situation moyenne ; Tel type d’activité a telle structure par origine par exemple. Un retour à l’entreprise est alors instauré, lui dévoilant clairement à quoi devrait ressembler l’entreprise pour être dans la moyenne du bassin d’emploi concerné. Les entreprises dont le pourcentage des employés par origine est loin de celui qui lui a été renvoyé par l’EECEEC : Employment Equity Committee (USA) se doivent de réagir.

Cette vision est également partagée par le député UMP Kamel Hamza
hamza
Elu municipal UMP de la Courneuve. Fondateur de l’ANELD. Né en 1968 à Aubervilliers, Kamel Hamza grandit à la Courneuve : lui-même issu de la diversité, les zones et les sujets sensibles lui sont bien connus. En 2011, il fonde l’ANELD, une association de jeunes élus qui plaide, entre autres, en faveur des statistiques ethnique dans une optique, pourquoi pas, de discrimination positive.
qui dénonce l’impossibilité de vérifier le respect de la diversité arborée par certaines entreprises sous forme de labels.

«
Nous ce qu’on demande c’est de pouvoir connaître ce qui doit être fait quand une entreprise signe une charte ou un label de la diversité et ce qu’il en est, concrètement et quantitativement. Ce qui nous intéresse c’est d’avoir un outil qui nous permette de voir l’application des labels et chartes qui ont été mis en place par toutes les entreprises et toutes s’en vantent, mais dans la réalité on ne sait pas ce qu’il en est.
»

Kamel Hamza
hamza
Elu municipal UMP de la Courneuve. Fondateur de l’ANELD. Né en 1968 à Aubervilliers, Kamel Hamza grandit à la Courneuve : lui-même issu de la diversité, les zones et les sujets sensibles lui sont bien connus. En 2011, il fonde l’ANELD, une association de jeunes élus qui plaide, entre autres, en faveur des statistiques ethnique dans une optique, pourquoi pas, de discrimination positive.

Patrick Simon
simon
Né en 1964, Patrick Simon est un socio-démographe français l’INED, tout comme Michèle Tribalat. Il travaille sur les phénomènes de discriminations ethniques en France. Largement solidaire de Michèle Tribalat, il dénonce l’invocation de la « tradition française » par ceux qui font du blocage des statistiques ethniques.
trouve cela également scandaleux, et pense que les statistiques ethniquesStatistique ethnique n.f. : Toute collecte de données concernant l’appartenance ethnique des individus. sont une solution aux problèmes de discrimination.

«
Il y a des papiers de recherche qui ont été faites sur le TestingTesting : Technique qui, s’inspirant de la démarche expérimentale, cherche à créer in vitro une situation dont l’expérimentateur maîtriserait tous les éléments. L’objectif est d’observer, en ayant la certitude qu’elles jouent « toutes choses égales par ailleurs », le poids relatif des variables qu’on cherche à tester. , il y en a pas mal. Et ce sont des résultats acceptés par tous, très clairs, dans lesquels on voit la candidature de Mohamed avec les mêmes qualifications que Jean-Louis, et Mohamed est appelé cinq fois moins à venir faire des entretiens d'embauche.
»

Patrick Simon
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Né en 1964, Patrick Simon est un socio-démographe français l’INED, tout comme Michèle Tribalat. Il travaille sur les phénomènes de discriminations ethniques en France. Largement solidaire de Michèle Tribalat, il dénonce l’invocation de la « tradition française » par ceux qui font du blocage des statistiques ethniques.

Dans le rapport du COMEDDLe Comité pour la Mesure et l’Evaluation de la Diversité et des Discriminations, a été institué par Yazid Sabeg à la demande du président de la République en mars 2009. De fait, ce comité a été créé pour contrer le rapport Veil ayant émis un avis négatif sur les statistiques ethniques les considérant comme anticonstitutionnelles. Le principal fruit de l’activité de ce comité est le rapport Héran, favorable aux statistiques ethniques. en février 2010, François Héran
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François Héran est démographe. Normalien, agrégé de philosophie, il dirige actuellement l’Institut national d’études démographiques (INED). C’est lui qui a remis au président le célèbre rapport Héran globalement favorable aux statistiques ethniques.
propose le même genre de solutions que Michèle Tribalat
tribalat
Démographe à l’INED, Michèle Tribalat se démarque nettement de son milieu professionnel par son regard sur l’immigration, réaliste pour certains, trop négatif pour d’autres. En 1976, elle est recrutée par l'INED, dont le conseil scientifique veut pousser la recherche sur les flux migratoires : ce sera son domaine d'activité. Elle est favorable aux statistiques ethniques.
, à savoir d’aider à la diversité par bassin d’emploi grâce aux statistiques ethniques.

Cependant, cette vision des choses n’est pas partagée par tout le monde. Le sociologue Jean-François Amadieu
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Jean-François Amadieu est un sociologue français. Il est le directeur de l'Observatoire des discriminations, qui procède à des testings afin de réaliser les premières mesures scientifiques des différentes discriminations à l'embauche en France. Fondateur de la CARSED, il est très clairement opposé aux statistiques ethniques.
, fondateur de la CARSEDLa Commission Alternative de Réflexion sur les Statistiques Ethniques et les Discriminations a été créée en 2009 par Jean-François Amadieu pour faire face au rapport Héran. Le principal fruit de son travail est le rapport « Le retour de la race. Contre les statistiques ethniques » publié le 31 juin par un groupe de sociologues de renom, dont Hervé le Bras et Pierre-Yves Cusset. critique ouvertement cette possibilité d’utilisation des statistiques ethniquesStatistique ethnique n.f. : Toute collecte de données concernant l’appartenance ethnique des individus., comme le montre l’ article du journal Libération, « Le rapport Héran : un rapport, deux critiques ».

«
Autre préconisation complètement aberrante du rapport : vouloir comparer la situation de chaque entreprise en matière de diversité par rapport à son bassin d'emploi.... C'est n'importe quoi, la méthode est grossière et n'apporte rien. Je prend un exemple : pour savoir si un délégué syndical est victime de discrimination, il ne sert à rien de comparer sa situation par rapport au bassin d'emploi ! Il faut regarder son cas (salaire, évolution de carrière) par rapport à celui des salariés de l'entreprise qui sont au même niveau en termes de qualification et d'ancienneté.
»

Jean-François Amadieuamadieu
Jean-François Amadieu est un sociologue français spécialiste des relations sociales au travail ainsi que des déterminants physiques de la sélection sociale. Il est le directeur de l'Observatoire des discriminations, qui procède à des testings afin de réaliser les premières mesures scientifiques des différentes discriminations à l'embauche en France. Fondateur de la CARSED, il est très clairement opposé aux statistiques ethniques.

Pour lui, « Ce n'est pas comme ça qu'on luttera contre les discriminations» dans les entreprises, parce que cela engendre un système de quotas qui ne fera que créer de la discrimination positive.

Dans le domaine scolaire, il y a le même genre de problème d’après Patrick Simon
simon
Né en 1964, Patrick Simon est un socio-démographe français l’INED, tout comme Michèle Tribalat. Il travaille sur les phénomènes de discriminations ethniques en France. Largement solidaire de Michèle Tribalat, il dénonce l’invocation de la « tradition française » par ceux qui font du blocage des statistiques ethniques.
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«
Pour pouvoir les mettre en évidence (les discriminations au sein des écoles), il faut avoir des données qui permettent de le faire, parce que sinon, je me contente de dire : « Ho hé bien oui, on sait bien qu’à l'école, au moment de définir l'orientation des élèves, les enseignants, qui sont tous racistes, décident de guider les arabes en formation professionnelle, là où ils décident de guider les blancs en cursus long. Cette statistique n'existe pas, donc je n’en sais rien, mais vous voyez bien qu'on a pas la même discussion tous les deux si jamais je vous dit « oh les enseignants sont tous racistes » ou si je vous dit « pourquoi 90% sont orientés à droite ou 90% à gauche ».
»

Patrick Simon
simon
Né en 1964, Patrick Simon est un socio-démographe français l’INED, tout comme Michèle Tribalat. Il travaille sur les phénomènes de discriminations ethniques en France. Largement solidaire de Michèle Tribalat, il dénonce l’invocation de la « tradition française » par ceux qui font du blocage des statistiques ethniques.

Et ce genre de problème semble être plus aisément solvable avec l’utilisation des statistiques ethniquesStatistique ethnique n.f. : Toute collecte de données concernant l’appartenance ethnique des individus..

D’après le sociologue Pierre-Yves Cusset
simon
Sociologue français, ancien élève de l’École normale supérieure de Cachan, agrégé de sciences économiques et sociales et titulaire d’un DEA de sociologie (ENS Cachan). Auteur de plusieurs livres, les statistiques ethniques occupent une place centrale dans sa réflexion sociologique. En 2006, il publie un rapport devenu célèbre pour le Centre d’Analyse Stratégique, Statistiques « ethniques » : éléments de cadrage.
certaines études ont mêmes été menées pour déterminer si l’origine d’un individu influençait ses chances de rentrer en boîte de nuit. Des testingsTesting : Technique qui, s’inspirant de la démarche expérimentale, cherche à créer in vitro une situation dont l’expérimentateur maîtriserait tous les éléments. L’objectif est d’observer, en ayant la certitude qu’elles jouent « toutes choses égales par ailleurs », le poids relatif des variables qu’on cherche à tester. ont prouvé que « la tête du client » était primordiale.

Pour Sabrina Goldman
goldman
Née en 1980, avocate au barreau de Paris, déléguée exécutive chargée des relations avec les associations à la LICRA. Sabrina Goldman occupe une position qui résume bien la LICRA : les statistiques ethniques sont trop susceptibles, dans notre société, de donner lieu à des dérives et à des utilisations abusives pour être autorisées.
, l’utilisation des statistiques ethniquesStatistique ethnique n.f. : Toute collecte de données concernant l’appartenance ethnique des individus. n’est pas la solution car elles se placent dans une optique de discrimination positive. Et pour éviter cela, une politique d’incitation est suffisante.

«
Cela reviendrait à une sorte de discrimination positive, la LICRA ne s’est pas prononcée en faveur des véritables pratiques de discrimination positive, mais pour des formes d’incitation, parce qu’on se rend compte qu’un cabinet de recrutement ou un employeur va forcément se diriger vers le même type de cible, de candidat, et qu’il suffit déjà, par exemple, de l’inciter à élargir ses cibles, donc de ne pas forcément recruter dans les mêmes types d ‘écoles, et de recruter aussi dans des écoles de quartiers défavorisés.
»

Sabrina Goldman
goldman
Née en 1980, avocate au barreau de Paris, déléguée exécutive chargée des relations avec les associations à la LICRA. Sabrina Goldman occupe une position qui résume bien la LICRA : les statistiques ethniques sont trop susceptibles, dans notre société, de donner lieu à des dérives et à des utilisations abusives pour être autorisées.


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