A la fin des années 1990, pour la première fois en France, les lois dites « sur la parité » ont marqué l’émergence d’une politique publique volontariste en faveur des femmes dans la représentation politique. Ces lois ont été précédées d’une importante mobilisation militante et la revendication de parité a donné lieu à un intense débat public, fortement médiatisé, impliquant militantes des droits des femmes, personnalités politiques, universitaires, écrivains et journalistes. En effet, à partir du milieu des années 70, dans une période de transformation des rapports de genre et sous la pression de militantes des droits des femmes issues de la seconde vague du féminisme, l’objectif d’égalité des sexes a fait l’objet d’une attention de plus en plus sensible sur la scène internationale. Mais c’est réellement le séminaire « Démocratie paritaire » qui s’est tenu à Strasbourg en novembre 1989, souvent considéré comme l’un des actes fondateurs de la revendication paritaire, qui recommande la mise en œuvre de « mesures spéciales temporaires (incluant les quotas) ». Les quotas ont donc avant tout été vus comme un moyen de parvenir à la parité.

Du latin quotus (« en quelle quantité ? »), le quota est défini dans le dictionnaire comme un contingent, un pourcentage (limite quantitative fixée par une autorité publique pour l’exercice d’un droit ou la participation à une charge) déterminé, imposé ou autorisé.

En ce qui concerne l’origine, les quotas légaux de femmes figurent soit dans la Constitution, soit dans la législation électorale (comme en France). Il arrive toutefois que les partis politiques décident eux-mêmes volontairement d’appliquer des quotas. Selon le type de quota appliqué, la représentation des femmes varie considérablement comme le montre le schéma ci-dessous représentant le pourcentage de femmes présentes au Parlement après l’instauration des différents types de quotas.

 

pourcentage de femmes dans les parlements selon les quotas

 

Il paraît dès lors nécessaire de décrire les objectifs des quotas afin de mieux appréhender les enjeux qui les entourent.

 L’idée de base des mécanismes de quotas en faveur des femmes est de permettre aux femmes d’accéder à de hautes fonctions notamment en politique (et de veiller à ce que l’élection de poignée de femmes ne serve pas simplement d’alibi dans la vie politique) et dans le domaine de l’Entreprise. La majeure partie des quotas a également pour but d’augmenter la représentation des femmes, car le problème habituellement posé est précisément celui de leur sous-représentation, problème particulièrement au vu du fait que les femmes composent la moitié de la population mondiale. 

Le contexte juridique international a été au tournant des années 1990, favorable à l’émergence de revendications de quotas selon le sexe dans le champ politique et aussi plutôt propice à un « cadrage symbolique » de ces revendications en termes de politique anti-discriminatoire.

La revendication française et la législation qui l’a traduite s’inscrivent dans une dynamique plus large de promotion de traitements préférentiels en faveur des femmes dans le domaine politique. Dans la France des années 1990, les modes de justification dominants de la revendication de parité se sont sensiblement démarqués du paradigme de discrimination positive sous-jacent à la logique des quotas.

  • Justifier les quotas : le recours à des argumentaires stratégiques et variés.

 L’argument selon lequel les quotas répondraient à la nécessité de lutter contre des mécanismes de discrimination à l’encontre des femmes n’est qu’une manière parmi d’autres de justifier leur mise en œuvre.

Quatre types d’arguments sont généralement utilisés pour légitimer leur mise en œuvre dans la représentation politique.

  1. Le premier se réfère à un principe d’égalité substantielle : les quotas sont envisagés comme un moyen de réaliser un principe d’égalité des sexes consacré en droit.
  2. Le deuxième argument met en avant la nécessité de mieux défendre intérêts qui seraient propres aux femmes. Cet argument suppose qu’il existe un ensemble d’intérêts communs au « groupe des femmes », résultant de la discrimination qu’elles subissent, et que seules les femmes elles-même seraient en mesure de représenter.
  3. Le troisième argument insiste sur la nécessité de parachever la représentation démocratique, présumée incomplète du fait qu’elle soit quasi-exclusivement masculine. Ainsi les femmes devraient être présentes massivement dan les assemblées élues afin de constituer un miroir plus fidèle du corps des représentés.
  4. La quatrième et dernière justification concerne les ressources et les compétences particulières que les femmes seraient supposées posséder « en tant que femmes », et c’est ainsi l’argument de la « différence féminine ».
  • Le glissement d’une conception de l’égalité à une autre.

La conception libérale classique de l’égalité était une notion d’ »égalité des chances » . L’élimination des entrées formelles donnant par exemple aux femmes le droit de voter, était considérée comme suffisante.

Pierre Chevènement, qui était alors ministre de l’Intérieur a déclaré

« Il y a cinquante ans, les Françaises ont obtenu, enfin, le droit de vote ; mais aujourd’hui, alors qu’elles représentent 53% du corps électoral et 44% de la population active, elles ne constituent que 10% des députés, 6% des sénateurs, 8% des maires et 6% des conseillers généraux ».

Le rappel des données statistiques illustre ainsi le retard de l’égalité réelle par rapport à l’égalité formelle et constitue le premier pas vers la reconnaissance d’une discrimination indirecte à l’égard des femmes dans l’accès à la candidature et aux fonctions électives.

Cependant, suite à de fortes pressions féministes exercées au cours des dernières décennies, une seconde conception de l’égalité a gagné en importance et en popularité, à savoir celle de l’ « égalité de résultat ». Cette conception passe par le fait qu’il ne suffit pas d’éliminer les barrières formelles pour créer une authentique égalité des chances. La discrimination directe est un ensemble complexe d’entraves latentes qui empêchent les femmes d’accéder à leur part d’influence politique. Les quotas et les autres catégories de mesures de discrimination positive ne constituent donc qu’un moyen d’atteindre une égalité de résultat.

Dans cette optique, s’il existe des entraves, des mesures de compensation doivent être prises dans le but d’atteindre l’égalité de résultat. Dans une telle perspective, les quotas ne sont pas discriminatoires (à l’égard des hommes), mais viennent compenser les barrières structurelles auxquelles se heurtent les femmes au cours de la procédure électorale.