Novembre 2014. Le GIEC Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat publie un nouveau rapport, où les données concernant la crise écologique sont actualisées. Plusieurs chiffres se font remarquer.
95%, degré de certitude quant à l’implication de l’activité humaine sur le dérèglement climatique.
4,8°C, hausse prévue de la température globale à la surface de la Terre entre la fin du XXème siècle et la fin du XXIème siècle.
-70 % , réduction nécessaire des émissions mondiales de gaz à effet de serre (CO2, méthane et protoxyde d’azote) en 2050 par rapport à leur niveau de 2010 pour maintenir la hausse moyenne des températures en dessous de 2 °C, objectif issu du sommet de Copenhague de 2009.
A l’heure où les climato-sceptiques se font de plus en plus rares, il n’est plus question de la réalité de la crise écologique, mais des réponses que l’homme pourrait apporter afin d’essayer de ralentir la course vers le précipice, course qu’il a lui-même entraînée.
C’est là qu’un nouveau terme se fait entendre : biochar.
Le biochar, dont la traduction serait charbon à usage agricole, désigne un carbone solide, obtenu principalement par pyrolyse décomposition de résidus forestiers par la chaleur en l’absence d’oxygène de matière organique. Sa formation s’inspire des terres noires aux propriétés étonnantes retrouvées en Amazonie, et connues sous le nom de Terra Preta.
Le biochar a la réputation de restaurer et d’assainir les sols, ainsi que d’augmenter leur fertilité. En parallèle, il permettrait également de réduire la concentration en dioxyde de carbone (C02) dans l’atmosphère. Il en résulte que ce produit, s’il tient ses promesses, serait un moyen de lutter contre la crise écologique selon deux problèmes : le premier, évident et urgent, la pollution atmosphérique et ses conséquences ; le second, moins mis en avant mais tout aussi urgent, la pollution des sols, usés par les techniques agricoles courantes.
C’est pourquoi le biochar est parfois cité dans le cadre de la géo-ingénierie, soit tous les moyens mis en œuvre par les sciences afin de tenter de résoudre la crise écologique. Cependant, loin de l’ambition de projets tels que le parasol solaire ou l’injection d’aérosols dans l’atmosphère, le biochar est vu par ses adjuvants comme un moyen de « soigner la Terre comme la Terre souhaiterait être soignée » (Albert Bates).
Une question se pose d’office : pourquoi le biochar, à première vue si prometteur, est-il aussi peu médiatisé ? Certes il a été mentionné et vanté au sommet de Copenhague, mais pas au point d’être connu du grand public. En se penchant de près sur cette question, on voit que si le biochar est désormais un incontournable pour certains, d’autres s’y opposent plus ou moins farouchement.
Cette différence d’enthousiasme se lit d’abord géographiquement : au Canada, aux Etats-Unis ou en Australie, le biochar commence à prendre de l’ampleur, cependant qu’en Europe seule la Suisse autorise son utilisation. En France, les réticences semblent prendre le dessus, et le biochar y est aussi marginal qu’inconnu de la population.
Tandis qu’un nombre croissant d’organisations et de lobbies notamment International Biochar Initiative promeuvent ce nouvel or vert, des voix s’élèvent au nom du principe de précaution pour dénoncer des avantages écologiques et agricoles peut-être un peu trop vite clamés, au nom du manque d’études scientifiques à long terme : sur l’impact sur les différents sols, le temps de rétention du carbone, sur le bilan carbone du procédé. Alors qu’il est de plus en plus clair que le biochar est un futur marché florissant, il s’agirait, selon ces organisations, de rester rigoureux scientifiquement et de ne pas confondre intérêts économiques et écologiques.
Au-delà de tous ces reproches reste un malaise moral : le biochar ne doit pas être considéré comme une incitation à polluer.
Efficacité, enjeux économiques, écologiques, agricoles et éthiques : le biochar, en tant que technique nouvellement utilisée, soulève de nombreuses questions : le biochar est-il un remède miracle sans effet secondaire pour soigner les sols et l’air ?