Le problème de la parentalité du XXème siècle a laissé place progressivement à des recherches sur les causes génétiques et environnementales de l’autisme. Même si la part génétique de l’autisme a toujours été considérée, la recherche ne s’y est déployée qu’à partir des années 2000. L’impact environnemental n’a aussi été examiné que récemment. On peut s’en rendre compte d’après les graphiques ci-dessous. Ces graphiques montrent, par rapport au total d’articles concernant l’autisme dans une base d’articles scientifiques puis de presse généraliste, la part des articles se rapportant à la génétique et aux facteurs environnementaux.
Pour en savoir plus sur ces graphes et les méthodes employées : “L’explosion de la question de l’autisme : entre génétique et environnement”
Ces recherches sur les causes génétiques et environnementales font parfois l’objet d’articles à sensation dans la presse, affirmant avoir trouvé les « gènes de l’autisme » ou le facteur environnemental à risque à éviter à tout prix pour son enfant. Par exemple :
- Autisme : les espoirs que va permettre l’identification de 100 nouveaux gènes liés à la maladie (lien)
- Autisme : SHANK, un gène indicateur de sévérité (lien)
- Autisme : le lien de causalité avec la pollution de plus en plus établi (lien)
- Autisme et troubles gastro-intestinaux: le gluten à la croisée des chemins (lien)
Facteurs génétiques
Les généticiens sont en quête d’une description des gènes impliqués dans le trouble du spectre autistique ; cependant il y a aujourd’hui consensus sur l’absence d’un unique « gène de l’autisme ». Il s’agit plutôt d’une combinaison de plusieurs milliers de gènes.
Des facteurs génétiques sont en cause de manière sûre dans l’autisme. Il est reconnu que le fait d’être un garçon ou d’avoir des antécédents familiaux augmentent la prévalence à l’autisme. Des modèles sont établis comme ayant un lien avec les troubles du spectre autistique (TSA) : le syndrome de l’X Fragile, le syndrome de Rett, la sclérose tubéreuse, et les mutations PTEN. Les Copy Number Variations (CNVs) sont particulièrement étudiées.
(Source : Cartera M.T., Schere S.W., “Autism spectrum disorder in the genetics clinic: a review”, Clinical Genetics, vol. 83, n°5, 2013, pp. 399-407.)
Extraits de l’article :
“Single-gene disorders associated with ASDs (Autism Spectrum Disorders) (∼5% of cases) : fragile X syndrome, Rett syndrome, tuberous sclerosis, and PTEN mutations”
“The most common microscopically visible chromosome abnormalities (overall yield ∼2–5%) are idic(15), sex chromosome aneuploidy, and various large deletions and duplications”
“The most consistently reported submicroscopic chromosome abnormalities detected by chromosomal microarray (overall yield ∼10–20%) are recurrent copy number variants (CNVs) at 16p11.2, 15q11-13, 22q11.2, as well as a growing number of rare de novo CNVs “
“Metabolic investigations have low yield (<1%) in idiopathic [(= causes inconnues)] ASD probands (4, 5), but may be considered in light of possible treatment modalities and high recurrence risk (RR)”
Cependant, le risque est d’assimiler l’intégralité des TSA à l’autisme à proprement parler. Cette dénomination -TSA- est née avec le DSM V (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorder 5ème édition, 2013), et regroupe notamment le Syndrome d’Asperger de l’X fragile, le Syndrome de Landau-Kleffner, le Syndrome de Rett, le trouble désintégratif de l’enfance et les TED-NOS (troubles envahissants du développement non spécifiés). Ainsi, de nombreux résultats de recherche génétique concernent un champ bien plus grand que celui de l’autisme ; en règle générale, la génétique n’apporte pas de cause spécifique à l’autisme.
Facteurs environnementaux
Du côté de l’environnement, des groupes indépendants de chercheurs de tous bords sont très prolifiques. Pour illustrer cette diversité, notons qu’une recherche associant les mots “autism” et “pollution” sur la base de données d’articles scientifiques Scopus, donne 65% des résultats dans le vaste domaine de la médecine, 34% en sciences environnementales, 16% en pharmacologie, 14% en biochimie, 10% en neurosciences (au vu des chiffres, des articles recoupent visiblement plusieurs domaines). Les facteurs environnementaux influenceraient particulièrement le foetus pendant la grossesse, c’est-à-dire au moment où l’enfant est le plus vulnérable. Les mises en cause de l’air pollué, de la nourriture, des produits chimiques, fusent.
Le seul modèle environnemental appuyé par un modèle animal avéré est celui de l’acide valproïque.
L’article de 2013 appelé “Valproic Acid in Autism Spectrum Disorder: From an Environmental Risk Factor to a Reliable Animal Model” (voir sources, rubrique articles scientifiques) explique la mise en place et la pertinence d’un tel modèle animal. De premières observations sur l’homme, publiées en 1984, mettent en cause l’acide valproïque dans le développement de malformations et de retards comportementaux et développementaux. La première étude épistémiologique sur les médicaments et les risques environnementaux a été décrite en 2000, sur les enfants de 57 femmes prenant des anticonvulsant, dont 60% prenant de l’acide valproïque. Les résultats donnent 60% d’enfants présentant les caractéristiques de l’autisme.
Par suite, l’idée d’un modèle animal de référence s’est mise en place. La méthode consiste à :
- - modéliser un caractère spécifique
- - provoquer des symptômes communs chez les animaux testés
- - observer les similitudes entre le modèle animal et l’homme
Dans cette étude, le diagnostic de l’autisme prend en compte les altérations comportementales dans les trois domaines suivants : sociabilité, stéréotypie pour communiquer et se comporter, restriction des centres d’intérêts. Les souris et rats exposés à de l’acide valproïque pendant leur développement embryonnaire ont effectivement de tels symptômes.
A partir de ce modèle, les scientifiques ayant publié l’étude ont montré que les animaux “autistes” ont un fonctionnement cérébral différent des animaux témoins, associé par exemple à une augmentation de la masse du cerveau. Pour conclure, même s’il n’est pas facile de créer un modèle animal capable de rendre compte de l’intégralité des altérations moléculaires et cellulaires observées chez les patients du spectre autistique, cette étude sur modèle animal offre des perspectives pour :
- - la prévention de l’autisme
- - la construction de nouveaux outils de diagnostic
- - l’étude de la plasticité névroglique
- - la recherche de nouveaux éléments pour démêler l’étiologie des troubles du spectre autistique
Par ailleurs, le gluten est considéré comme un facteur à risque. La pollution de l’air est également mise en cause. Même la proximité à une autoroute est risquée… Par contre, la culpabilité du vaccin rougeole-rubéole-oreillons (RRO) a été réfutée, suite à l’affaire Wakefield : le docteur Andrew Wakefield a publié en 1998 une étude montrant le lien entre le vaccin RRO et l’autisme ; il est accusé de fraude 13 ans plus tard, jouant pour ses propres intérêts.
En conclusion, le graphe ci-dessous répertorie les principales théories environnementales, et leur importance relative dans le débat scientifique. Il est très intéressant de noter que l’impact de ces théories dans la presse n’est pas du tout corrélé à l’importance en volume de la recherche scientifique.
Pour en savoir plus : voir la partie « Interprétations » de la quantification
—> Aller à la suite sur la question « Trois îlots de causes clivés ? »