La sphère scientifique
De nombreux scientifiques s’interrogent sur les causes de l’autisme. Ils viennent de toutes les disciplines : psychiatrie, neurologie, biologie… Leurs publications visent notamment à éclaircir les mécanismes de développement de la maladie chez le patient.
Les généticiens
Les chercheurs en génétique cherchent à déterminer les gènes mis en cause dans l’apparition de l’autisme. Il est aujourd’hui largement admis que « le gène de l’autisme » n’existe pas, cependant de nombreuses publications scientifiques rajoutent sans cesse des gènes candidats à la liste. La génétique donnerait une prédisposition à l’autisme, probablement liée à des facteurs environnementaux, déclencheurs de la maladie.
Les défenseurs des causes environnementales
Les publications scientifiques sont nombreuses au sujet des causes environnementales. Chaque chercheur intéressé publie indépendamment sa découverte sur un facteur environnemental participant au déclenchement de l’autisme. Du gluten à la pollution, en passant par le chlore, le panel de causes environnementales est très diversifié. Il est en fait difficile de discerner les éléments environnementaux spécifiquement facteurs d’autisme, sans les mélanger avec d’autres pathologies telles que l’épilepsie ou d’autres troubles comportementaux. Les défenseurs des causes environnementales dénigrent parfois les causes génétiques, affirmant que celles-ci n’ont aucun impact dans l’optique d’une possible prise en charge ou prévention.
Neurochlore
Neurochlore est une start-up montée par les chercheurs Yehezkel Ben Ari et Eric Lemonnier. Elle a pour but de développer leur théorie conjointe selon laquelle les diurétiques peuvent réduire les symptômes autistiques. Issue de l’INSERM, la structure de start-up leur permet de mettre en place des essais cliniques et de développer des molécules avec comme objectif la commercialisation d’un médicament.
Nous avons interrogé Yehezkel Ben Ari et Eric Lemonnier.
Le monde institutionnel
Comment est régulée la prise en charge des enfants autistes ? C’est bien sûr le rôle de l’Etat. C’est le ministère de la Santé, et plus particulièrement la secrétaire d’Etat au Handicap qui est charge de ce dossier épineux. Doit-on promouvoir la psychanalyse ou le comportementalisme ? Doit-on ouvrir plus de centres d’accueil ? Doit-on créer plus de classes spécialisées dans des écoles « normales » ? Autant de questions auxquelles l’Etat doit répondre. Il s’appuie pour ça sur la Haute Autorité de Santé et sur ses recommandations, et agit localement au moyen des Autorités Régionales de Santé. Ces organismes sont ceux qui peuvent agir directement sur les hôpitaux, les médecins, pour améliorer la prise en charge des enfants.
La Haute Autorité de Santé
La Haute Autorité de Santé est une autorité publique indépendante chargée de réguler le système de santé. Elle a publié en 2012 des recommandations à propos de l’autisme. Ce texte, issu d’un travail de plusieurs années, condamne la psychanalyse et promeut la généralisation des méthodes comportementales dans le traitement de l’autisme.
Le gouvernement et les ARS
Le ministère de la Santé, et plus particulièrement la secrétaire d’état au Handicap, Ségolène Neuville, s’emploie à appliquer les recommandations de la HAS. Le gouvernement répond en cela aux revendications de certaines associations de parents, qui demandent des sanctions plus fermes contre les psychanalystes. Ce sont les ARS (Agences Régionales de Santé) qui appliquent leurs directives. Les outils employés sont, par exemple, le choix de financer les formations aux méthodes recommandées, ouvrir plus de centres de prises en charge, former les médecins généralistes, former les personnels enseignants…
Nous avons assisté aux rencontres parlementaires sur l’autisme.
Le monde associatif
Autour de la question de l’autisme s’est développée une sphère associative tentaculaire. Associations de parents, associations d’autistes, qui se donnent pour but, tantôt d’aider les parents avec la prise en charge de leurs enfants, de défendre leurs intérêts, d’assurer eux-mêmes la prise en charge, de promouvoir la place des autistes… Ces associations sont en général le seul moyen pour les parents d’être représentés dans le débat public. Si elles s’intéressent en général peu aux causes de la maladie, le traitement est pour eux une question fondamentale.
Associations de parents
Ces associations existent à tous les niveaux. Certaines sont nationales, d’autres locales. Si les associations nationales arrivent à se faire entendre par le gouvernement, c’est bien plus difficile pour les petites structures, qui luttent pour attirer l’attention sur leurs protégés, par exemple pendant des rencontres parlementaires.
Les grandes associations (Autisme France, la Fédération Française Sésame Autisme, et viennent ensuiteVaincre l’Autisme, Collectif Autisme, qui est un regroupement, etc.) proposent un intermédiaire aux familles d’enfants autistes auprès du gouvernement ou des praticiens, ainsi que de l’écoute et du conseil. Elles offrent également un soutien juridique dans les cas les plus problématiques. Elles assurent également la médiatisation de la question de la prise en charge des autistes dans l’espace public par des campagnes de communication.
En dehors de ces grandes missions, certaines associations proposent une approche plus originale. La Fondation Autisme, par exemple, est un groupe de parents qui ont créé un réseau d’écoles spécialisées pour accueillir des enfants autistes, et leur appliquer les méthodes comportementales comme la méthode TEACCH. Leur but est d’attirer l’attention du public et des médecins sur le fait que ces méthodes fonctionnent.
Par ailleurs, des associations comme le Rassemblement pour une Approche des Autismes Humaniste et Plurielle (RAAHP) de Patrick Sadoun ou la Main à l’oreille de Mireille Battut militent contre une approche unilatérale de l’autisme, et pour la prise en compte de la subjectivité de l’autiste pour son accompagnement. On lit sur la charte de la RAAHP “Chacun trace son chemin en fonction de ce que la nature lui a octroyé et de l’environnement qu’il a trouvé.”
Nous avons rencontré M’Hammed Sajidi, le président de Vaincre l’Autisme.
Le mouvement Neurodiversité
Mouvement de pensée qui présente les désordres neurologiques moindres (tels que l’autisme léger, le syndrome d’Asperger etc.) comme des traits propres à chaque individu et non pas comme des handicaps. Ce mouvement est récent : il a débuté à la fin des années 1990.
Ce courant pose le problème de l’intégration des autistes et de leur place dans la société. Sont-ils des malades qu’il faut traiter pour qu’ils se conforment à un schéma de « normalité »? Sont-ils des individus « différents » mais pas anormaux, et est-ce plutôt à la société de les prendre en compte tels qu’ils sont ?
Ce mouvement est essentiellement représenté par des personnes présentant des troubles du spectre autistique et par leurs proches. On relève quelques rassemblements, tels que Aut’Créatifs. Parmi les personnes que nous avons pu rencontrer, notons que le docteur Laurent Mottron s’inscrit dans le courant de la neurodiversité, quand Monsieur Sadiji et le docteur Lemonnier s’y opposent explicitement.
La prise en charge
Au jour le jour, c’est par les différents praticiens qu’est effectuée la prise en charge des enfants autistes. Psychiatres et autres médecins, ce sont eux qui assurent le diagnostic et le suivi de ces enfants. Mais ils sont loin d’être d’accord sur les méthodes de traitement.
Les psychiatres
La psychiatrie est une branche médicale qui s’intéresse aux maladies mentales et aux troubles psychologiques. Dans le cas de l’autisme, aucune médication n’est prescrite par un tel médecin, à part pour traiter des troubles associés comme l’épilepsie par exemple. Un traitement psychiatrique est généralement associé à d’autres disciplines : la psychanalyse qui traite le côté psychodynamique, et qui est parfois assurée par un psychiatre psychanalyste, mais également la neurologie et l’imagerie médicale, ou la génétique.
Les psychanalystes
Les psychanalystes forment un vaste groupe au sein duquel les méthodes préconisées diffèrent : entre les freudiens et les lacaniens et même au sein de chaque groupe. A propos de l’autisme, ils sont marginalisés par le gouvernement français face au comportementalisme « recommandé » à cause de méthodes dites « non consensuelles ». La psychanalyse propose une approche plus individuelle, prenant en compte la spécificité de chaque sujet autiste. Nous avons eu un entretien avec JC Maleval, psychanalyste à Rennes et professeur à l’Université de Rennes II (pour en savoir plus, une conférence à ce lien). Il représente une branche de la psychanalyse qui développe la théorie du bord, soit l’exploitation de l’objet d’affinité propre à chaque autiste et par conséquent la création d’une cure différente pour chacun. Il préférerait cependant une approche plurielle de l’autisme incluant toutes les méthodes avérées, donnant la possibilité à chaque individu de choisir celle qui lui est adaptée.
La psychanalyse a une audience en France, en Italie, en Espagne, en Argentine… Autant de lieux où le débat sur la prise en charge subsiste.
Les psychologues
Nous regroupons ici sous le terme de psychologue, en opposition aux psychanalystes, ceux qui pratiquent les méthodes comportementales et développementales recommandées par la HAS.
Ces méthodes sont développées par des psychologues : la méthode ABA, la méthode TEACCH (développée par une université américaine). A l’heure actuelle, elles sont vivement encouragées par les institutions gouvernementales.
Nous avons rencontré Capucine Sta, psychologue.
Les médecins généralistes
Les médecins généralistes sont souvent les premiers en contact avec l’enfant autiste. Or, ils sont peu formés au diagnostic ou à la prise en charge de ces patients. Ils demandent plus de formation afin de pouvoir assurer un bon diagnostic et apporter des réponses aux parents. Ils s’expriment par l’intermédiaire de syndicats, notamment MG France, qui était présent aux 2ème rencontres parlementaires sur l’autisme.
Les éducateurs et professeurs
Ils interviennent particulièrement durant la phase de scolarisation des enfants, qui est fondamentalement souhaitée pour l’intégration des autistes dans la société. Les éducateurs et professeurs sont aptes à gérer les comportements autistes grâce à des formations ou études universitaires d’un ou deux ans, particulièrement centrées sur des approches éducatives. Par exemple, voici deux intitulés de diplômes universitaires : DU Autisme et autres TED : repérer, diagnostiquer, évaluer, accompagner à Strasbourg ou DU Formation à l’intervention pluridisciplinaire dans l’autisme à Toulouse. Voir le catalogue de diplômes à ce lien.