Le Grexit remet-il en cause les fondements de l’Union Européenne ? ?>

Le Grexit remet-il en cause les fondements de l’Union Européenne ?

« Le Grexit est une idée de créanciers frustrés.»

Cette phrase, prononcée par Jean-Yves Archer, économiste indépendant, peut sembler à première vue paradoxale. En effet, les évènements et les mécanismes sous-jacents ayant mené à la question du Grexit semblent en effet aujourd’hui bien connus : imprécisions (volontaires ?) sur l’état de l’économie grecque et de sa dette lors de son entrée dans l’UE en 2002, non-respect des normes européennes concernant la dette et son ratio par rapport au PIB… La crise grecque en elle-même a commencé dès 2012, jusqu’à son explosion en 2015. C’est lors de cet apex de la crise grecque qu’est évoqué puis mis sur la table la possibilité d’un Grexit.

Infographie représentant les différentes tensions liées à la crise grecque
Réalisé avec le site easel.ly

Mais qu’est-ce que le Grexit ? L’étendue de la complexité du Grexit apparaît déjà dans cette interrogation, ainsi que dans les réponses qu’elle appelle. S’agirait-il d’une sortie de la Grèce de l’Union Européenne dans son ensemble, ou uniquement d’une sortie de la zone euro ? Dans les deux cas, est-ce seulement possible juridiquement, d’abord, concrètement et matériellement ensuite ? Qu’en sera-t-il des contrats signés en euro par la Grèce et de la mise en place d’une nouvelle monnaie le cas échéant ? Porte d’entrée à de nombreux autres «exit », ces questions sont loin d’être anodines et remettent en cause les fondements même de l’Union Européenne, puisque l’euro est actuellement dans les textes, le stade d’intégration le plus poussé de l’UE. Surtout qu’en théorie, l’adhésion à l’UE ne va pas sans le fait de s’inscrire dans un plan d’intégration toujours plus poussé à l’Union, dont l’euro est la finalité. Face à ce scénario nouveau et unique dans l’Histoire, il n’y a aucun moyen de se rattacher à un exemple connu. Ceci explique les divergences d’opinions des experts et des acteurs. Le Grexit est ainsi une simple formalité pour certains, comme pour Olivier Chenal, économiste d’Alef, qui considère que « ce serait une manière de considérer que l’on en termine une bonne fois pour toutes avec l’incertitude et les négociations sans fin ». Pour d’autres, le Grexit est impensable car synonyme d’un grave retour en arrière, comme par exemple pour Georges Prévélakis,  professeur à Paris I, qui assure que « Garantir une Grèce stable politiquement et performante aide à stabiliser la région et à européaniser les Balkans. Aujourd’hui, c’est la Grèce qui se balkanise ». Comme le montrent ces propos, c’est bien la place même de la Grèce dans l’UE que cette crise a remise en cause.

« Il ne fait rien » Cette caricature présente le Grexit comme une menace avancée par l’Allemagne pour faire pression sur la Grèce et l’obliger à accepter les mesures de la Troïka (source : http://de.toonpool.com/cartoons/Grexit_238022)
« Il ne fait rien » Cette caricature présente le Grexit comme une menace avancée par l’Allemagne pour faire pression sur la Grèce et l’obliger à accepter les mesures de la Troïka (Erl, 06/01/2015, source : http://de.toonpool.com/cartoons/Grexit_238022)

Ainsi, si certains considéraient cette crise comme une crise classique et purement économique, la réalité est à présent toute autre pour d’autres, qui voient la crise grecque comme une crise beaucoup plus complexe, dans laquelle l’aspect économique laisse place à la politique et à la géopolitique. La crise des migrants que connaît l’Europe actuellement ne fait que renforcer cette complexité de la crise grecque, initialement uniquement liée à la dette.
D’abord absent des débats, le Grexit apparaît subitement pour certains comme une solution envisageable pour sortir de cette crise,  car il permettrait à la Grèce de retrouver sa souveraineté monétaire et donc de dévaluer sa monnaie nationale pour échapper à la spirale infernale de la crise. Cette solution a pour conséquence « collatérale » la remise en cause de l’euro. Pour d’autres, cependant, la solution doit être trouvée à l’échelle européenne, en restructurant la dette grecque par exemple, et en conservant le principe de solidarité européenne, au fondement des valeurs de l’UE.

1.4.2
Nuage de mots issu d’un travail qualitatif et non d’une analyse quantitative
Réalisé avec wordle.net

Il apparaît donc comme nécessaire, pour comprendre le Grexit et ses enjeux, d’évaluer les répercussions possibles d’un Grexit sur la Grèce, tout d’abord, et sur l’UE par la suite. En effet, si la relance de la Grèce passe pour les uns par la création d’une monnaie nationale, qui permettrait de sortir du cercle vicieux de l’inflation et des politiques d’austérités, d’autres considèrent que c’est à l’Europe de trouver une solution, sans quoi le Grexit entraînerait une contagion aux autres pays européens en difficulté, remettant ainsi en cause tous les fondements de l’UE, et pouvant même aboutir à sa dislocation.

Loin d’être une simple crise économique, comme elle avait d’abord été considérée en 2012, la crise grecque et la question du Grexit semblent donc remettre en cause les fondements de l’UE et pourraient inciter, en cas de Grexit, certains pays à encourager une forme de séparatisme européen, où les pays en difficultés tels que le Portugal, l’Espagne ou encore l’Italie seraient exclus : il apparaît alors légitime de se demander si l’on peut penser le Grexit sans remettre en cause les fondements de l’Union Européenne ?

 

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Mise en perspective des conséquences d’un Grexit