La définition même du Grexit est controversée. S’agit-il d’une simple sortie de la zone euro, mais d’un maintien dans l’UE ? Ou l’un est-il inévitablement lié à l’autre ? Pour Vivien Pertusot, responsable du bureau de l’Institut français des relations internationales à Bruxelles par exemple, « même en cas de non-respect des engagements économiques par un pays membre, cette option [une sortie de la zone euro] n’est pas prévue […] cela signifie que l’adoption de l’euro à un caractère irréversible ». Pour Jérome Creel cependant, « on pourrait changer les règles » et la n’est pas le problème. De même pour Jean-Marc Daniel qui considère qu’il y aurait sûrement un moyen de contourner ces blocages juridiques dans les méandres du droit et des traités de Bruxelles. Ainsi, « tous les Etats membres sont censés avoir l’euro, de par leur législation ».

Quoiqu’il en soit, longtemps resté tabou, le Grexit s’est peu à peu imposer comme une solution envisageable et envisagée, aussi bien politiquement qu’économiquement. L’euro est cependant loin d’être une simple monnaie. Comme dernière étape, à l’heure actuelle, de la construction européenne, l’euro est devenu un véritable symbole européen. Ainsi, « La monnaie représente un signe d’appartenance à une communauté » d’après Monique Aleron [1]. Malgré tout, son rôle dans cette crise semble central : ainsi, pour Daniel Cayla [2], « Le retour à une monnaie nationale créerait […] une cloison qui permettrait de réorienter l’épargne grecque vers les besoins de l’économie ». Ainsi, l’euro retire la souveraineté monétaire à tous ses utilisateurs, les empêchant de mener les politiques monétaires qu’ils désirent : dans le cas de la crise grecque, une sortie de la zone euro pourrait ainsi permettre au gouvernement grec de rétablir une monnaie nationale, et de la dévaluer pour relancer son économie, rendant « les exportations depuis a Grèce plus compétitives et bon marché » d’après Werner Sinn, chef de l’Insitut Ifo de Munich [3].

“A moyen terme, cette opération [un Grexit] pourrait permettre à la Grèce de retrouver des marges de manœuvre„

Séverin Husson

Les questions qui se poseraient seraient alors liées à la mise effective du Grexit et de la sortie de la zone euro, notamment la mise en place d’une nouvelle monnaie, qui, en cas de succès, systématiserait la question d’une telle sortie à d’autres pays européens, comme l’Espagne ou l’Italie. La question d’une contagion à l’ensemble de la zone euro est alors inévitable, comme l’a soulevé Jean-Yves Archer lors de notre entretien. Mais est-ce une mauvaise chose ? Un Grexit ne serait-il pas souhaitable, du moins du point de vue européen, la Grèce étant perçue comme « un puits sans fond » [4]. Ainsi, il existe un double enjeu : un Grexit serait-il favorable à la Grèce d’un point de vue économique ? Et quelles seraient les conséquences pour la zone euro, notamment en ce qui concerne une éventuelle contagion ? En inversant les rôles, il est également crucial de se demander si l’Europe doit effectivement craindre ou non cet effet domino, et s’il ne serait pas préférable pour l’euro que la Grèce soit mise de côté.

 

[1] Monique ALLERON (et al.), Les enjeux de l’euro, op. cit, p. 9.
[2] Irène Inchauspé : Et si l’Europe osait le Grexit ?  L’Opinion, juillet 2015
[3] Frédéric Lemaître : Comment l’Allemagne s’est convertie au « Grexit ». Le Monde, juillet 2015
[4] Séverin Husson et Camille Le Tallec : Pourquoi plaider pour une sortie de la Grèce de la zone euro, La Croix, juillet 2015