© Jean Paul GUILLOTEAU/EXPRESS-REA

Avant tout, il convient de faire le point sur la première divergence qui apparait entre les acteurs lorsqu’on parle des Roms. Nous avons parlé dans toute l’introduction de Roms, mais qui sont-ils ? S’agit il d’un groupe homogène ? Quelles sont leurs caractéristiques ? Cette question est primordiale car elle n’a rien d’évident, et il serait vain de parler d’un sujet non défini.

Un mot valise

Roms, Gitans… : ça arrange le pouvoir de tout mélanger

Mondomix (magazine musiques et cultures du monde )

La définition la plus large fait très peu de distinctions. Elle regroupe pêle-mêle bohémiens, tziganes, manouches, gens du voyage et immigrés d’Europe de l’Est. Il s’agit moins d’une définition que d’un terme issu de l’imaginaire collectif. On retrouve cette vision chez une bonne partie des particuliers, dans de nombreux articles de presse ainsi que dans certains discours politiques.

Remarque : Cette position n’est défendue par personne mais partagée par beaucoup.

La première distinction, largement défendue, est celle entre Roms et Gens du voyage. Certains pointent du doigt cette vision, l’accusent de paresse intellectuelle voire d’une démarche voulue pour faciliter la discrimination. Ce sont là les accusations que Mondomix – magazine spécialisé dans la musique et la culture du monde- dresse contre la presse et l’Etat dans son article Roms, Gitans … : ça arrange le pouvoir de tout mélanger.

Les Roms ne sont pas essentiellement nomades

© Denis ALLARD/REA

Une autre vision distingue les Gens du voyage des autres catégories désignées précédemment. Si certains ont adopté ce mode de vie, il ne s’agit que d’une petite minorité.

L’historienne Henriette Asséo explique, dans un entretien retranscrit pour le Monde par Mattea Battaglia, que les Tziganes forment un peuple nomade par « nature », mais qu’ils ne sont pas des Roms même si l’on a tendance à les mélanger.

Lors de notre entretien avec Lisa Taoussi, une représentante du CNDH Romeurope, cette dernière a insisté sur la volonté de sédentarisation des habitants de bidonvilles (en partie roms), qui se retrouvent sans domicile fixe par défaut. Les problématiques des gens du voyage sont tout à fait différentes. Elle rappelle notamment que les aires d’accueil pour gens du voyages, obligatoires dans chaque commune, ne sont pas autorisées aux familles Roms qui veulent s’y installer.

Cette distinction a également été soulignée par les deux sociologues avec lesquelles nous avons pu nous entretenir.

Les roms, une minorité en Roumanie

D’autres acteurs insistent sur le fait que les Roms sont un peuple à part, que si ceux en France viennent majoritairement de Roumanie et Bulgarie, tous les immigrés roumains et bulgares ne sont pas Roms, bien au contraire.

Le sociologue Samuel Delepine a d’ailleurs mentionné un certain racisme de ces immigrés envers les Roms lors de notre entretien. Lisa Taoussi a également relevé l’insistance de ces populations pour se distinguer des Roms avec lesquels ils ont horreur d’être assimilés.

Roms, Tziganes, Romanichels … Une même population ?

Alors que l’on atteint un degré de finesse plus grand, des désaccords persistent encore. Pour certains, il s’agit d’une même ethnie originaire de l’Est de l’Inde. C’est notamment ce qu’a déclaré le sociologue Jean-Pierre Liégeois ;lors de notre entretien. L’article Gitans, manouches, roms … Décryptage. L’insulte à la République du Figaro explique que la diversité des appellations vient des différentes origines des dernières migrations des Roms, mais que tous ont une origine indienne commune, ou plus précisément, deux origines indiennes assez proches.

Pour l’historienne Henriette Asséo s’il y a bien une origine Tzigane indienne, elle n’est pas commune à tous les « Roms » d’aujourd’hui. Certains viennent de Perse, d’autres des Balkans. Elle est rejointe sur ce point par le sociologue Samuel Delepine. De plus il insiste sur l’ancrage géographique de ces populations. Même les descendants d’un même ancêtre vont être très dissociables en fonction de la région où ils ce sont attachés par la suite. Ainsi, à ceux qu’on appelle Roms, il attache différentes origines, et de fortes inhomogènéités culturelles de nos jours.

L’avis des intéressés

Cependant, il convient de se tourner vers les intéressés. Les Roms (respectivement les Tziganes) ne sont ils pas ceux qui se revendiquent comme tel ?

En 2008, plusieurs groupes de Roms, manouches, voyageurs … se sont rassemblés pour former l’Union Française des Associations Tziganes (UFAT). Ils revendiquent par là l’appellation Tzigane, qui a donc une légitimité sociale.

Au niveau internationale, l’Union Romani Internationale a organisé en 1971 le premier congrès mondial rom, à Londres. Toutes les délégations qui y étaient présentes ont accepté de se retrouver sous l’appellation « rom ». L’idée étant de se regrouper pour unir leur lutte pour les droits et la reconnaissance. Cette appellation acquiert donc une légitimité politique.

La désignation que nous utiliserons

Cette question de la désignation est en effet primordiale car pour ceux qui considèrent que le regroupement ethnique rom est un non sens, toutes les autres questions qui peuvent se poser n’ont pas plus de sens. Cependant, quand bien même tout ceci serait un non sens, le sujet de l’intégration de ceux que d’aucuns appellent Roms est réel et inévitable.

Au vu de tout ce qu’on a vu ci-dessus, la rigueur voudrait que l’on soit très précis, à l’image des chercheurs Nedelcu M. et Ciobanu R.-O. dont le titre même du rapport est d’une grande précision : Les migrations des Roms roumains en Europe : politiques d’inclusion, stratégies de distinction et (dé)construction de frontières identitaires. Revue européenne des migrations internationales.

Dans cette étude de controverse autour des Roms, nous avons choisi de désigner derrière le terme « roms », l’ensemble de ces populations, regroupant sans trop de distinctions les Gitans, les gens du voyages, les Tziganes, les Manouches etc, car c’est ainsi que l’entend l’esprit commun.