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Gerard François Dumont



Gérard-François Dumont est un géographe, économiste et démographe français. Professeur à l’université Paris-IV, il enseigneà l’Institut de géographie et d’aménagement.

Il a publié en septembre 2007 un article dans la revue Géostratégiques n°17, pp 69-86 : "Chine: vers un nouvel enlèvement des Sabines ?". Cet article analyse le problème de l'enfant unique en insistant sur la corrélation entre géopolitique et démographie.

L'entretien a été réalisé par Lesia Mitridati et Daphné Baldassari et a duré 40 minutes



D : Voilà ce dont nous voudrions parler : d'abord au sujet de la politique de l'enfant unique, pourquoi ce choix a-t-il été fait et quelles sont,selon vous, les erreurs commises par le gouvernement chinois ? Puisque vous avez déclaré qu'ils n'avaient pas pris en compte les logiques démographiques...

 

GFD : Oui. Ils n'avaient pas compris les logiques démographiques.

 

D : Puis les conséquences, l'efficacité de la politique, qui est plus qu'à nuancer, Et les alternatives, les solutions. Parce qu'on a vu que le gouvernement chinois a tenté de mettre en place des politiques qui se sont révélées être des échecs pour l'instant pour rétablir les déséquilibres qui ont été causés. Finalement nous aimerions dégager les grands acteurs actuels, leur position, les politiques qu'ils veulent mettre en place, et en fin de compte, comme on a l'occasion d'avoir un entretient avec vous, parler de « démographie politique », du point de vue qu'apporte cette notion dans la considération de la politique chinoise, et finalement vos méthodes, parce que nous sommes assez intriguées.

 

GFD : (il rit) Allons y.

 

D : Donc d'abord dans votre article vous expliquez les raisons de la mise en place de la politique de l'enfant unique. Vous dites qu'elles étaient injustifiées ou incorrectes ; que finalement si on avait pu maintenir le cours de choses, l'évolution démographique se serait régulée naturellement comme cela s'est passé à Taïwan ou en Corée du sud. Sur quels critères vous appuyez vous pour affirmer cela ? Et quelles ont été l'erreur du gouvernement chinois dans ses considérations des logiques démographiques ?

 

GFD : En fait les dirigeants chinois méconnaissaient les logiques démographiques et ils se sont affolés. Ce qui s'est passé dans l'histoire de la chine, c'est que du temps de Mao, il y a eu cette politique du grand bond en avant qui s'est traduite par une catastrophe en terme de production agricole et en terme de production industrielle, par un appauvrissement de la population et par une surmortalité dans la période qu'on a appelé les « 3 années noires », autour de 1960. La mortalité de ces 3 années noires équivaut pour la chine à ce qu'a été la mortalité de la guerre 14-18 en France. Donc après la fin du grand bond en avant, quand le gouvernement s'est dit « mais il faut quand même qu'on abandonne certaines décisions politiques collectivistes pour permettre une production agricole », la chine a retrouvé une paix intérieure, et ça a été l'équivalent de la fin d'une guerre. C'est à dire qu'on a eu effectivement une natalité importante après le grand bond en avant et le retour de la paix intérieure. Or une natalité importante au début des années 60 allait forcément déclencher un nombre de femmes en âge de procréer 20 ans après relativement élevé. Or le gouvernement chinois, en 1979, s'est totalement affolé parce qu'il s'est rendu compte qu'effectivement il y allait avoir plus de femmes en âge de procréer et il s'est dit : « il y aura trop de naissances ». Il a complètement changé d'attitude par rapport aux premières années du maoïsme. Puisque les premières années du maoïsme consistait à dire : « le communisme chinois peut résoudre tous les problèmes du pays. Il ne peut pas y avoir de problème démographique. » En fait ces dirigeant méconnaissaient les mécanismes démographiques et tout particulièrement le mécanisme de la transition démographique, qui fait que lorsque des populations se rendent compte que la mortalité a baissé de façon durable, elles adaptent leur comportement de fécondité à la baisse. C'est un mécanisme quasi universel qui s'est effectué naturellement dans bien d'autres pays sans la mise en place d'une politique autoritaire et coercitive, comme en chine. Mais comme le gouvernement chinois n'avait pas compris cette logique c'est à partir de 1979 qu'il a décidé de la mise en place de cette politique dite de « l'enfant unique ». en réalité pour cette « politique de l'enfant unique », il faut d'abord le temps d'organiser toute l'administration de cette politique. Car je vous rappelle que cette politique consiste à n'autoriser les couples à avoir un enfant que si ils ont justement l'autorisation administrative, donc autrement dit il faut que vous ailliez une sorte « d'ordonnance médicale » pour avoir le droit d'avoir un enfant. Et puis il y a des sanctions à la clef si vous ne respectez pas les règles. Cette politique finalement n'a été mise en place qu'au début des années 80. Et tous les chiffres montrent qu'au début des années 80 la fécondité de la chine avait déjà commencé à baisser, compte tenu de la logique de la transition démographique, avant même qu'il y ai eu toute politique. Et la meilleure preuve aussi que cette politique était tout à fait contestable c'est que dès le début nous avons 2 populations chinoises qui l'ont fortement contestée. La première est constituée des minorités chinoises ; la majorité des chinois sont des Han et il y a différentes minorités : les wigour, les manchus, etc qui ont dit au gouvernement chinois : « mais si on applique cette politique, on va disparaître ». mathématiquement c'est très simple, un couple n'a qu'un enfant, la génération suivante n'a encore qu'un enfant et la population diminue très rapidement. Et deuxièmement dans les campagnes, les paysans ont dit : « Nous n'avons pas de système de retraite ; il nous faut des enfants pour assurer nos vieux jours. Et il nous faut également des enfant parce que un enfant ça rend des services dans l'activité agricole dès le début de l'adolescence. » Donc le gouvernement chinois a été obligé d'adoucir cette politique de l'enfant unique dès le début, vis à vis des minorités et de l'agriculture. Et donc c'est cette politique qui a déclenché des effets pervers considérables, avec ce déficit de filles, qui n'a pas d'équivalent ni historique ni dans les autres pays du monde.

 

D : Oui. On a pu voir ce déséquilibre à la fois chez les filles mais aussi d'autres conséquences démographiques, peut être que j'emploie le mauvais terme, mais par rapport à la pyramide des âges et à l'inversement de cette pyramide.

 

GFD : Bien sur.

 

D : J'ai l'impression que tout le monde est en accord sur les effets les plus néfastes de cette politique. C'est un consensus ? Est ce que c'est reconnu par le gouvernement chinois ?

 

GFD : De toute façon, c'est quand même reconnu par le gouvernement chinois puisque la chine s'est ouverte d'un point de vue statistique. Parce que dans la première décennie ou le parti communiste chinois était au pouvoir, la chine ne publiait pas ses statistiques démographiques. Par exemple les conséquences démographiques du grand bond en avant, on les a connu beaucoup plus tard. Depuis la chine a organisé des recensements auxquels des démographes étrangers ont pu assister et mettre en évidence la bonne qualité de ces recensements. Dans les chiffres officiels de la chine on voit très bien ce déficit de filles qui est lié au fait que les chinois ont concrétisé une préférence pour les garçons ; cette préférence pour les garçons tenant notamment au fait que quand un couple a une fille, si gentille et agréable soit elle, elle risque de quitter la famille pour se marier et donc elle s'occupera de ses beaux parents. Donc le garçon est absolument essentiel pour « l'assurance vieillesse » du couple et en même temps pour des raisons spirituelles il arrive souvent que le garçon soit celui qui doit honorer l'autel des ancêtres. D'où la nécessité du garçon. Parallèlement à cette politique s'est développée l'échographie, ce qui n'était pas forcément prévu, et qui veut dire qu'une personne qui attend un bébé peut connaître le sexe de son enfant très tôt. Et lorsque ce sexe n'est pas celui souhaité, beaucoup de mamans vont à la clinique d'avortement. Donc le résultat, alors que historiquement dans tous les travaux démographiques depuis des siècles il y a toujours 105 garçons pour 100 filles à la naissance, en chine on est aujourd'hui dans un ordre de grandeur de 120 garçons pour 100 filles. Donc un déficit de filles qui est de plusieurs millions pour les générations à l'âge du mariage.

 

D : Et sur ce point, y a-t-il des politiques que le gouvernement chinois a tenté de mettre en place, pour contrer ces effets ?

 

GFD : Il y a effectivement au sein de la chine un certain nombre de débats sur cette question ; entre ceux qui veulent maintenir cette politique et ceux qui considèrent que cette politique n'a plus lieu d'être, pour une raison bien simple. C'est que la fécondité de la chine aujourd'hui est à 1,6 enfants par femme. Ce qui est nettement inférieur par exemple à la fécondité de la France. Le débat n'est pas clos et n'est pas facile à clore. Parce que au milieu de ce débat il y a l'existence de toute une administration qui gère la politique de l'enfant unique. Donc si vous supprimez la politique de l'enfant unique, vous supprimez des dizaines de milliers de fonctionnaires qui font ce métier et donc qui se battent pour le maintient de leur propre existence.

 

D : Par là vous entendez la commission du planning familial ?

 

GFD : Pas seulement la commission, mais tous les gens qui partout dans les provinces sont chargés de gérer le planning familial. Donc là comme vous le savez il va y avoir un congrès. Personne ne sait ce qui va se décider. C'est sur qu'il y a des tensions à ce sujet là, c'est à dire des désaccords au sein du PCC. Mais dire sur quoi ça va déboucher, je n'en sais rien. A la limite il faut bien comprendre que de toute façon le coup est parti. Autrement dit, même si le gouvernement chinois décidait demain matin d'arrêter la politique dite de l'enfant unique, tous les effets pervers de cette politique qui a durée 30 ans, sont déjà là. Donc ça ne changera pas les effets néfastes de cette politique pour l'avenir de la chine.

 

D : On parle d'effets sur combien d'années ? Sur tout le XXI ème siècle ?

 

GFD : Là on est dans la logique de longue durée des effets démographiques. Pour les éclairer, si Adam et Eve n'avaient pas eu d'enfants nous ne serions pas là. Donc en effet lorsqu'un bébé nait il a une conséquence démographique sur toute sa durée de vie. On peut supposer qu'il va vivre 80 ans. Il a des effets démographiques pendant 80 ans. Ensuite il y a deux solutions : soit ce bébé, devenu adulte a des enfants soit il n'en a pas. Si il n'en a pas ses effets démographiques s'arrêtent le jour de son décès. Si il a des enfants ses effets démographiques perdurent sur les générations suivantes. Donc en fait les effets du déficit de filles en chine et de sa politique démographique vont s'étaler sur des décennies, voire des siècles.

 

D : Est ce que des politiques peuvent être mises en place pour contrer ces effets ? Ou est ce que finalement ces effets vont perdurer quoi qu'il arrive ?

 

GFD : Quand vous avez des enfants non nés les effets durent toujours. Prenons un exemple simple. On parle beaucoup des retraites en France. En réalité aujourd'hui notre système de retraite bénéficie encore, même si l'intensité de ce bénéfice diminue chaque année, des faibles naissances de la guerre 14-18. Puisque les faibles naissances de la guerre 14-18, ça veut dire que les personnes de la génération de 1916, 1917, 1918 qui sont encore en vies sont peu nombreuse. Bien sur parce qu'un certains nombre sont décédées mais aussi parce que les naissances en 1916, 1917 et 1918 étaient très faibles. Donc si vous voulez l'effet il dure très très longtemps.

 

D : Donc là on voit les effets de la démographie sur les politiques qui sont entreprises. Comment voyez vous la politique de l'enfant unique et que pensez vous de son arrêt éventuel par rapport aux effets que cela aurait sur la politique interne de la chine ?

 

GFD : Moi je pense que son arrêt éventuel n'aura pas des conséquences extraordinaires. Parce qu'en fait il aurait fallu l'arrêter...

 

D : Plus tôt ?

 

GFD : Il aurait fallu ne jamais la mettre en place ou l'arrêter dès qu'on s 'est rendus compte des conséquences donc dès la fin des années 80. Il fallait l'arrêter aussitôt. Aujourd'hui dans la situation de la chine, et sauf changement structurel considérable difficile à prévoire, la chine n'a une croissance démographique que par effet de vitesse acquise. Et il est donc déjà acquis que, très probablement, la population de la chine est appelée à diminuer à partir de 2030 et à vieillir très rapidement à cause de cette politique de l'enfant unique. Donc le vieillissement de la chine sera un des plus rapides de l'histoire de l'humanité. On parle du vieillissement en Europe, en Allemagne ou au Canada, mais il est beaucoup moins rapide et intense que ce que l'on ne l'aura en Chine.

 

D : Donc en fin de compte cette politique de l'enfant unique risque de mettre en danger sa première place dans le monde en tant que puissance industrielle ?

 

GFD : Oui. N'oubliez pas quand même que les succès économiques tiennent à sa politique d'ouverture économique mais tiennent aussi au fait que la Chine a bénéficié, ces dernières décennies, d'une population active nombreuse, qui correspondait aux personnes nées auparavant, et qui du coup acceptaient des rémunérations relativement faibles. Or la population active de la Chine est appelée à diminuer. Donc quand elle va diminuer, cet avantage de ressource humaine qu'avait la Chine va nécessairement se réduire. Et en plus il y a un certain nombre de tensions sociétales liées à la politique de l'enfant unique qui sont liées au fait que cet enfant unique a en charge de s'occuper de ses parents, de s'occuper de ses grands parents. Donc il a en charge beaucoup de personnes. Et en plus son état de santé ne s'améliore pas nécessairement parce que la politique de l'enfant unique fait que beaucoup d'enfants n'ont pas de frère, voire parfois pas de cousin ou de cousine, et à un genre de vie qui développe l'obésité. L'obésité en chine est notamment liée au fait que les parents sur-investissent sur cet enfant unique et que lui même n'a pas une enfance relativement active. Puisque il n'a pas autour de lui des frères et sœurs avec qui il pourrait jouer. Donc on lie l'obésité effectivement en Chine à la politique de l'enfant unique. Ce qui n'est effectivement pas bon pour la santé, ni pour l'augmentation de l'espérance de vie.

 

D : Parlons de la population chinoise et là en particulier des familles. Comment est-ce intégré au sein de la cellule familiale, cette politique de l'enfant unique ? Si on l'arrêtait est-ce-qu'il y aurait réellement une évolution des mentalités à vouloir plusieurs enfants ensuite ?

 

GFD : Ce qui est sûr c'est que cette politique a donné lieu quand même, bien que la chine soit un pays assez fermé où l'information ne circule pas très bien, à un certain nombre de manifestations et de réactions. Donc elle suscite un certain mécontentement. Ce mécontentement s'est accru ces dernières années. Puisqu'il est arrivé à une période où le gouvernement chinois a, pour lâcher un peu de leste, dit : « écoutez, on va autoriser les personnes à avoir un deuxième enfant à condition qu'elles versent de l'argent pour acheter le droit d'avoir un second enfant. » et ceci a suscité évidemment des mécontentement. Puisque les familles pauvres n'avaient pas les moyens de payer les droit d'avoir un deuxième enfant et les familles riches au contraire avaient ce droit. Il y a un mécontentement. Alors c'est périodiquement qu'on apprend qu'il y a eu des manifestations, qu'il y a eu des critiques sur ce problème, qu'une des personnes qui avait critiqué cette politique, on l'a mise en prison pour une autre raison (mais en fait la vraie raison est qu'il avait critiqué cette politique). Donc cette politique, elle suscite des tensions au sein de la population chinoise.

 

D : Par quel intermédiaire avez vous été mis au courant au sujet des manifestations par exemple ?

 

GFD : Les manifestations, on les connait à partir du moment où il y a une information qui filtre. Et quand il y a une information qui filtre, c'est le gouvernement chinois qui lui même reprend l'information pour montrer qu'il gouverne bien son pays. Sauf que, ce qui est très intéressant c'est que le gouvernement chinois diffuse l'information sur les médias à l'étranger mais pas sur les médias internes au pays. C'est très important à noter.

 

D : En parlant du gouvernement chinois, quels sont les acteurs importants de la controverse ? Il y a le gouvernement chinois, au sein duquel il y a un débat au sujet de l'arrêt ou du maintien de cette politique ? Quelle est la position des scientifiques et des chercheurs ?

 

GFD : Les scientifiques, là aussi arborent des positions plus liées au relationel qu'à des raisonnements strictement scientifiques. C'est à dire que le scientifique qui considère que pour sa carrière c'est mieux de suivre tel dirigeant chinois que tel autre va avoir une position qui va être liée à celui-ci. Moi je considère qu'il devrait y avoir unanimité des démographes chinois en faveur de l'arrêt de cette politique. D'un point de vue scientifique c'est absolument incontestable. Or cette unanimité, elle n'existe pas.

 

D : Elle est contestée à l'aide de quels arguments ?

 

GFD: Il n'y a pas vraiment d'argument qui soit développé. Le souci, c'est qu'arrêter une politique, c'est montrer qu'elle est mauvaise, reconnaitre qu'on a tort. ce qui est assez compliqué.

 

D: Le directeur de la commission du planning familial a déjà reconnu certaines conséquences néfastes. Est-ce un premier pas vers l'arrêt de la politique ?

 

GFD: A mon avis, c'est un premier pas. Il y a d'autres éléments qui montrent que l'efficacité de cette politique est en train de s'amenuiser, et pour cause, il était bien plus facile d'appliquer la politique quand beaucoup de chinois étaient fonctionnaires. C'est à dire des salariés dans des entreprises dépendant de l'état. Appliquer les sanctions de politique en supprimant les primes de fin de mois ou autre c'était facile. A partir du moment où le nombre d'entreprises privées augmente, l'application des sanctions contre cette politique devient plus difficile vis à vis de certaines populations. Forcément les choses évoluent.

 

D: On va revenir maintenant à votre métier en tant que tel. La démographie politique, matière que vous avez développée. Introduction des concepts telles que la loi du genre.

 

GFD: En effet, j'ai été amené à réfléchir à l'importance du paramètre démographique pour la raison suivante. Pendant une période qui a duré du lendemain de la seconde guerre mondiale jusqu'à la fin du soviétisme, on avait oublié qu'en géopolitique il fallait prendre en compte le paramètre population. pendant presque un demi-siècle, on considérait la politique uniquement liée au pouvoir nucléaire. Les deux grandes puissances avaient le pouvoir nucléaire et les autres puissances s'alignaient sur l'une ou l'autre alors que dès les sources de la géopolitiques à la fin du XIXe s., les auteurs avaient bien précisé de prendre en compte tous les paramètres y compris les paramètres démographiques. Effectivement ma préoccupation a été de voir comment ce paramètre démographique pouvait exercer des effets en géopolitique. Je ne dis pas que tous les effets géopolitiques sont entièrement dépendants des paramètres démographiques, mais qu'on ne peut jamais comprendre une situation géopolitique (ex) sans prendre en compte les paramètres démographiques. A force de travailler cette question, j'ai été amené à élaborer dix lois de la géopolitique des populations, à mettre en évidence un certain nombre de régularité entre évolutions démographiques et évolutions géopolitiques. Loi du nombre, loi du genre, loi des diasporas, ... .

 

D : Quels sont vos considérations par rapport à la politique de l'enfant unique ?

 

GFD : Alors par rapport à la politique de l'enfant unique, les décisions politique déclenchent des effets pervers dans les données démographiques de la Chine, qui sont susceptibles d'avoir des effets géopolitiques. Ils en ont déjà pour deux raisons : la Chine, pour trouver des remèdes qui permettraient de faire en sorte que le déficit des femmes n'ai pas de conséquence sociétale trop grande, a deux solutions : faire venir des femmes en chine car beaucoup de chinois ne trouvent pas de contre partie féminine. C'est effectivement ce qui se passe. La Chine laisse des femmes être achetées du Viêt-Nam par des chinois. Et aujourd'hui dans les tensions géopolitiques qui existent, il y a aussi le fait que les vietnamiens sont mécontents de ces "achats" dans les familles pauvres. Vous avez une émigration de personnes vers la Chine qui ont des effets géopolitiques dans les pays. Deuxième possibilité, l'immigration. Trouver des occupations aux hommes pour qu'ils ne pensent pas trop au fait qu'il n'y a pas assez de contreparties féminines. Première voie : emploi massif de main d'œuvre masculine à l’étranger. Les Chinois qui travaillent en majorité en Afrique sont en grande partie des Chinois et non pas des Chinoises. Deuxième élément pour occuper une population masculine en manque de femme: développement de l'armée. Le budget militaire ainsi que le nombre de soldats masculins ne cessent d'augmenter.

 

D: Ce sont donc les deux seules alternatives ?

 

GFD: Il n'y a pas d'autres alternatives possibles. Il manque plusieurs millions de jeunes femmes (20 millions). Ce déficit de femmes est inégal selon les régions. Plus élevé à la campagne qu'à la ville. Difficultés régionales plus lourdes. Difficultés de géopolitique interne, et de géopolitiques externes, rapport de forces entre les pays.

 

L : Dans votre article, vous parlez beaucoup du mécontentement des chinois dans le milieu rural. Est ce que la perception des Chinois qui vivent dans un milieu urbain est différente ? Lié à un autre mode de vie ou à une autre structure familiale moins traditionnelle ?

 

GFD: Le mécontentement dans la Chine rurale est lié donc premièrement au fait qu'il n'a pas de système de retraite pour les ruraux. Tout début du système des retraites pour l'industrie et le commerce mais ce n'est qu'un commencement pour le moment. Deuxièmement, le déficit de filles est beaucoup plus élevé dans le monde rural que dans le monde urbain. En Chine comme partout dans le monde, les filles sont bien plus attirées par les lumières de la ville, ce qui accentue le déficit. Même phénomène en France.

 

D: La Chine a-t-elle les moyens d'arrêter la politique de l'enfant unique ?

 

GFD: C'est un choix politique. Un régime autoritaire avec un système de parti unique. Le seul problème c'est que c'est le parti unique qui prend la décision. L'histoire de la Chine depuis 1949, c'est quand même la capacité de changer d'avis. Il a changé d'avis en matière économique, on ne voit pas de raisons qu'il n'évolue pas en matière démographique. Comme toute évolution ça entraine un certain nombre de tensions. Par ex. le premier ministre chinois vient d'être limogé il y a quelques jours. Mais rien n'empêche de changer de politique.

 

D : C'est plus le désordre économique, ou celui concernant les emplois du planning familial qui poserait un problème ?

 

GFD: Il y a un lobby de ceux qui ont soit décidé, soit ont mis en oeuvre la politique de l'enfant unique, estimant qu'ils ont travaillé pour le bien du pays. C'est vrai que c'est dur de reconnaître que c'était une erreur manifeste de la Chine mais aussi aux yeux du monde.

 

D: Y a-t-il une intervention particulière de la communauté internationale ?

 

GFD : Il n'y a pas d'intervention particulière, c'est un problème interne à la Chine. Il y a quelque chose d'amusant car dans une certaine mesure, la Chine peut profiter de sa diaspora. Les Chinois de l'étranger ont une fécondité légèrement supérieure car ils ne sont pas contraints par la politique de l'enfant unique. Il est assez amusant de constater que le taux de croissance des chinois de l'étranger est légèrement plus important que celui des Chinois en Chine.

 


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