La présentation  de l’évolution des publications concernant la question du médicament générique a mis en évidence le fait que le débat reste toujours très vivace en France, malgré l’insistance des campagnes d’information organisées par les autorités publiques.

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Une controverse qui persiste alors que la bioéquivalence fait consensus ?

Il y a donc un paradoxe entre :

(1) Le discours officiel des autorités politiques, qui tend à présenter la question du médicament générique comme résolue ; il ne resterait ainsi plus qu’à attendre que la pratique de la substitution rentre dans les moeurs françaises, la France viendrait alors rejoindre sagement les rangs des autres pays européens.

(2) La persistance de la controverse à l’échelle nationale, nourrissant l’idée qu’il s’agit toujours d’un problème à régler, voire même que les Français, loin d’être de mauvais élèves, seraient en réalité les derniers résistants aux dégradations sanitaires perpétrées par l’intrusion de logiques économiques.

De la résolution de ce paradoxe dépendra les mesures politiques à prendre en conséquent. Dans le premier cas, il suffit d’attendre et de laisser agir le temps ; dans le deuxième cas, des réformes juridiques et sanitaires doivent être entreprises. Cette question revient donc à se demander s’il ne faudrait pas réaliser une autopsie du médicament générique à la place d’une biopsie.

 

Les déclinaisons du problème à différentes échelles

La controverse autour du médicament générique est un problème qu’il faut aborder au moins à deux échelles différentes. Le problème se pose en premier lieu à l’échelle du patient, car c’est bien lui qui prendra, in fine, le médicament générique ou non, et c’est lui dont la santé est en jeu. La poursuite d’un traitement médical va de pair avec l’établissement de relations entre le patient, le médecin et le pharmacien, dont la qualité est l’une des garanties du bon déroulement du traitement. A un niveau microsociologique en quelques sortes, l’étude de la perturbation introduite dans cette configuration fragile qui s’établit entre ces trois acteurs, patients, médecins et pharmaciens, semble particulièrement pertinente. Ce premier aspect de la controverse du point de vue de l’individu n’invalide cependant pas des considérations plus macroscopiques, impliquant cette fois-ci des configurations entre des acteurs plus massifs, disposant d’un pouvoir de marché et d’un pouvoir politique, et reliés par des logiques propres à tout système macroscopique, faisant du médicament générique à la fois un révélateur des relations entretenues par les différents acteurs et un objet politique et social, dont la maitrise et l’appropriation constitue un avantage clef, notamment pour les industries pharmaceutiques.

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La santé n’a pas de prix, mais a-t-elle un coût ?

Se pose alors la question de la nature du médicament générique comme objet composite à l’intersection de l’économie et de la santé. La France a consacré durant les dernières années une énergie considérable pour tenter d’augmenter le taux de pénétration du générique sur son territoire multipliant les rapports, les campagnes d’information, les politiques de sensibilisation, avec un succès relatif. La tentative d’introduction de logiques économiques au sein du monde de la santé n’est pas sans susciter la méfiance se traduisant par des remous sociaux et politiques et des affrontements entre les individus à coup de rapports et de thèses. La France semble s’être enlisée dans le problème du médicament générique et demeure à la traine par rapport aux autres nations européennes. Qu’en est-il du coût véritable de cette tentative d’introduction du médicament générique dans le paysage médical français ? A quel prix faut-il payer la santé et la ouverture médicale universelle dont la condition de survie est la réduction du déficit budgétaire ? L’avantage d’une réflexion en termes de coût est que le coût permet de multiples déclinaisons ; coût économique relatif au déficit de la Sécurité Sociale et tentative de combler ce déficit ; coût politique de la stabilité sociale en France ; coût individuel de la prise d’un médicament, moins cher, mais moins efficace que le médicament de référence ; coût d’opportunité entre médicaments génériques et princeps, etc. Le médicament générique serait encore une fois un objet paradoxal : il est fait pour soigner en tant que médicament, pourtant son introduction dans le paysage médical français est à l’origine de nombreuses pathologies individuelles — effets secondaires, inefficacité, manque de confiance — mais aussi sociales risquant de dégénérer en de véritables épidémies.

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