Les tensions sur les dépenses de santé et les systèmes d’assurance maladie affecte tous les pays développés. De multiples études se proposent d’analyser les raisons du décalage de croissance entre ressources et dépenses, qu’il convient d’étudier avec intérêt mais aussi avec discernement. Ces enjeux, Jean-Jacques ZAMBROWSKI dans son article « Considération sur le prix de médicament générique et de spécialité » l’a parfaitement saisi. Il considère en effet, qu’

il n’est guère défendable de vouloir fonder les décisions des régulateurs et des payeurs nationaux sur la base des classements hiérarchisant les prix des médicaments dans les divers pays européens. L’indicateur « prix » ne prend sens en effet que replacé dans le contexte plus général du système de santé de chaque État européen, et notamment des modalités de la prise en charge des médicaments par les divers systèmes d’assurance maladie.

Jean-Jacques Zambrowski

La différence dans la quantité de médicaments génériques utilisés dans les différents pays européen s’explique en grand partie par une question de coût.  Pour comprendre le marché des génériques il faut en priorité s’intéresser aux mécanismes de fixation des prix. Il existe en Europe trois systèmes de régulation des prix des médicaments génériques: des prix administrés, des prix négociés par les pharmaciens et des prix négocié par les caisses d’assurance. Nous nous limiterons au cas des médicaments vendus en pharmacie pour la fixation des prix.

La fixation des prix par les pouvoirs publics 

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Le circuit du médicament

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Un laboratoire pharmaceutique, ayant terminé le développement d’un nouveau médicament princeps souhaite le commercialiser. Il doit demander une Autorisation de Mise sur le Marché à l’Agence Européenne des Médicaments (EMA) ou à l’Agence Nationale de Sécurité du médicament et des produits de la santé (ANSM). Une fois cette autorisation obtenue, soit le laboratoire choisit de fixer un prix libre, soit il souhaite voir ce médicament rembourser par la Sécurité sociale.

Nous étudierons dans le deuxième cas. Le dossier du médicament est transmis à la Haute Autorité de Santé (HAS) qui va se prononcer sur le Service Médical Rendu (SMR) ainsi que l’Amélioration du Service Médical Rendu (ASMR) par le médicament en fonction de données scientifiques fournit par les laboratoires. L’avis rendu par la Commission de transparence de la HAS est ensuite transmis au Comité Economique des Produits de la Santé (CEPS) et à l’Union Nationale des Caisses d’assurance maladie (UNCAM) : il sert de base au calcul du prix du médicament (par le CEPS) et au calcul de son taux de remboursement éventuel (par l’UNCAM). La décision de remboursement revient au ministère de la Santé et des Affaires Sociales.

 Système de fixation du prix du médicament

Il y a quatre étapes dans la fixation du prix public TTC du médicament princeps qui est le prix du médicament tel que l’on peut le trouver dans le commerce :

  •  1ère étape : la fixation du prix fabricant hors-taxes du médicament : les prix sont fixés par convention entre chaque fabricant de médicaments et le Comité Economique des Produits de la Santé (CEPS) selon un accord-cadre signé par le CEPS et le LEEM
  • 2ème étape : la fixation de la marge des grossistes : fixée conjointement par les ministres chargés des Finances, de la Santé et de la Sécurité Sociale. Actuellement elle est de 6,68% pour les médicaments au prix fabricant de 0 à 450 euros (avec minimum de 30 cts d’euros) et de 0% au-delà de 450 euros.
  • 3ème étape : la fixation de la marge des pharmaciens : fixée conjointement par les ministres chargés des Finances, de la Santé et de la Sécurité Sociale. La rémunération des pharmaciens est composée de deux parties : un forfait de 0,53 euros par boîte et une marge dégressive en fonction du prix de 26,10% de 0 à 22,90 euros, de 10% de 22,90 à 150 euros et de 6% au-delà.
  • 4ème étape : à ce prix public hors-taxes du médicament est ajouté la TVA de 2,1% pour obtenir le prix public TTC du médicament

Décomposition du prix d'un médicament

 

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L’arrivée d’un médicament générique change la donne sur le marché 

Le brevet protégeant le princeps est tombé dans le domaine public : son générique va pouvoir être commercialisé. Le générique a besoin lui-aussi d’une AMM. Le dossier à présenter à la HAS est plus léger parce que les tests réalisés pour le princeps n’ont pas eu à être refaits. Vient ensuite la fixation du prix d’un générique. Le processus est pratiquement le même que pour le princeps, seule la première étape est différente.  le prix fabricant hors –taxe du médicament est fixé à 60% du prix fabricant hors-taxes du princeps. L’arrivée du premier générique d’un princeps sur le marché entraine également une diminution immédiate du prix de vente du princeps de 20%.

Dix-huit mois après la commercialisation du premier générique, le prix des médicaments baisse de 12,5% pour les princeps et de 7% pour les génériques. Cette baisse au bout de 18 mois est uniquement valable dans le cas où les objectifs de niveaux de substitution ont été atteints. Si ces objectifs ne sont pas atteints alors les médicaments princeps et génériques passent sous TFR c’est-à-dire qu’ils sont vendus à un même Tarif Forfaitaire de Responsabilité : il n’y a alors plus de différences de prix entre génériques et princeps. Au bout de 36 mois si le taux de substitution est inférieur à 80% alors les médicaments passent sous TFR, dans le cas contraire ils restent aux prix calculés après la baisse de 12,5% ou 7%. Le TRF a été créé en 2003 pour les groupes génériques insuffisamment substitués. La différence entre génériques hors TFR et génériques sous TFR est liée à la marge pharmacie. Lorsque le TFR ne s’applique pas, la marge des pharmaciens sur les génériques est la même en valeur que leur spécialité de référence. Au contraire, la marge du générique sous TFR rejoint le système général. Le taux de remboursement appliqué à un générique est le même que pour le médicament princeps. Les génériques sont ensuite inscrits sur le Répertoire du générique.

Concurrence par les prix face à concurrence par la qualité

Dans les pays d’Europe du nord tels l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, le système de fixation des prix est libre, chaque laboratoire détermine ses propres tarifs.  Ce mécanisme engendre inévitablement un marché concurrentiel où chaque entreprise essaye d’être la plus attractive possible, autrement dit la moins chère dans des pays où les médicaments, princeps comme génériques sont peu voir pas remboursés. En France, les prix étant imposés la différenciation se fait par la qualité des médicaments. Les laboratoires tentent une fois encore d’être attractifs mais en jouant sur l’efficacité du médicament, l’emballage, la forme, etc.

Une lutte biaisée par des incitations financières 

Cette course à la qualité, qui pourrait été bénéfique aux patients car permettant une amélioration significative de l’efficacité ou des progrès médicamenteux, est cependant biaisée par les incitations financières proposées aux pharmaciens par les laboratoires. Ces deniers vont, en effet, encourager les pharmaciens à proposer en priorité leur produit aux patients moyennant une contrepartie financière. Ce phénomène est dénoncé par le médecin Sauveur BOUKRIS qui déplore cette limite à l’indépendance et la rationalité des offices pharmaceutiques, et ce au détriment du patient.

Les détracteurs de ce système de fixation des prix, y voient une nouvelle preuve des faiblesses du marché français du générique. Fabien FAURAN dans son article Les médicaments génériques en Europe constate que ce dernier accuse un retard important par rapport à ces cousins européens. Selon lui, les prix particulièrement élevés des médicaments dans les autres pays de l’Union Européenne et le faible taux de remboursement encouragent les patients à consommer des génériques. Les modèles allemand ou encore anglais sont ils applicables en France ? Peut-on modifier la législation française, le principe des fixations des prix des médicaments ou encore le principe de remboursement dans le seul but de promouvoir le médicament générique ? Est – ce vraiment économique et souhaitable ?

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