La spécificité française du médicament générique est souvent pointée du doigt pour expliquer la récurrence des débats remettant en cause à la fois la qualité des médicaments et l’intérêt économique des génériques pour la Sécurité Sociale.

Un problème franco-français ?

Cette « exception » est visible au regard de ce qui se passe dans d’autres pays européens. Les taux de substitution sont plus faibles en France. De plus, les médicaments génériques ne font pas autant polémique dans les autres pays européens et aux Etats-Unis d’Amérique.

Cette « spécificité française », souvent rattachée à un problème culturel repose sur plusieurs éléments. Tout d’abord, sur le choix de la substitution. Le plus faible taux de substitution peut s’expliquer par le choix français d’un Répertoire des génériques avec des groupes de génériques plus étroits. Le générique doit contenir la même molécule de principe actif que le princeps. Pour comparaison, les Allemands ont développé une notion plus large d’équivalence thérapeutique : dans une classe de génériques, ils incluent plus de médicaments. De plus, le choix final qui est laissé au patient et ne requiert donc pas l’aval du médecin, soulève pour le patient de nombreuses questions quant à l’efficacité et la qualité du médicament. Les incitations financières faites aux médecins, aux pharmaciens et aux patients ne font qu’entretenir le doute : pourquoi avoir recours à de telles incitations si ces médicaments sont aussi efficaces médicalement ? Une autre explication souvent apportée est celle de l’organisation des dépenses de santé en France.

Un système très protecteur

Le système français part du principe suivant qu’il pose comme ligne de conduite : l’Etat doit permettre à chacun, quelles que soient ses ressources financières, de pouvoir se soigner dans les meilleures conditions. L’accès au soin doit être ouvert à tous. Le système de protection sociale en France protège le porte-monnaie des patients plus que dans d’autres pays.  Du fait du système de remboursement, le prix de revient pour le patient d’un médicament princeps est plus beaucoup faible en France. La Sécurité sociale prend en charge une partie du prix du médicament, l’autre partie appelée « ticket modérateur » est partagé entre les complémentaires santé et le patient. Bien souvent le reste à charge pour les patients est faible, voire nulle. C’est en partie cela qui explique l’attrait moindre des génériques pour les patients. Les médicaments peuvent apparaitre gratuits mais ils ont un coût qui est supporté par le système social français, autrement dit par la société via les cotisations sociales versées.

Malgré le dispositif « Tiers-payant contre générique » ?

Afin d’encourager les patients a accepté le générique, le  dispositif « Tiers – payant contre générique » a été mis en place en 2007. Si le patient refuse la substitution d’un générique alors que le médecin n’a pas inscrit à la main la mention « non substituable » à côté du princeps, alors il devra règler directement le montant des dépenses au pharmacien et sera ensuite remboursé par sa Caisse Primaire d’Assurance Maladie. S’il accepte la substitution il n’aura pas à avancer les frais : le pharmacien sera directement payé par la Caisse d’Assurance Maladie.

Tiers-payant 2

Et la justice sociale ?

Les génériques participent l’évolution visant à lutter contre les difficultés financières du système de santé mais peuvent avoir des effets pervers. Le Président de la Commission Economie de la FSPF Pierre HICKEL souligne que les génériques cristallisent beaucoup d’éléments du système de santé français et notamment la liberté. La liberté individuelle de choix permet au patient de choisir son médicament et son médecin mais elle  peut remettre en cause la solidarité nationale. Il ajoute que les économies faites grâce aux médicaments sont autant d’économies en moins à faire pour les hôpitaux. Il est plus facile de toucher les médicaments que les hôpitaux.

A l’inverse, le médecin Sauveur BOUKRIS considère qu’en plus d’être inefficace économiquement parlant, les génériques contribuent à accroître les inégalités sociales.  La « gestion administrative » des génériques pourrait avoir pour conséquence de créer deux groupes aux chances de guérison différente, d’un côté ceux qui auront les moyens de se soigner et de l’autre ceux qui ne soigneront plus faute d’argent. Médecin dans un quartier populaire, il constate que la plus part de ces patients acceptent de prendre des génériques à contrecœur car ils ne peuvent se permettre de ne pas prendre en compte le remboursement par le tiers payant.

Sur le long terme, on assistera progressivement à une sélection par l’argent. Seuls les plus riches auront les moyens d’offrir des médicaments efficaces et non nocifs pour leur santé.

Sauveur Boukris

Selon Jean-Paul TILLEMENT, les médicaments génériques permettront certes sur le long terme de réduire ce déficit et dont de continuer à rembourser l’accès au soin pour tous. Mais le véritable enjeu économique est ailleurs : supprimer la Couverture Maladie Universelle (CMU) aux personnes financièrement capables de subvenir à leurs besoins médicaux seuls.

L’ « exception française » n’est pas seulement due à la gestion publique des génériques. Il y a une corrélation certaine entre le système social protecteur, le libre choix et une forme de spécificité culturelle française sans que l’on sache vraiment dans quel sens elle va.   Les génériques invitent à (re)penser le système de santé français. L’acceptation des génériques passe peut-être par un changement de comportement face à la santé, aux soins et aux médicaments ?

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